Considéré comme le plus ancien prisonnier politique de France, le combattant communiste pour la libération de la Palestine, Georges Ibrahim Abdallah, a été libéré ce jeudi 17 juillet de la prison de Lannemezan après 40 ans de détention. Selon la décision de la cour d’appel de Paris, le résistant devrait être expulsé vers le Liban, son pays d’origine, dans les plus brefs délais.
Une première arrestation mineure à Lyon
Georges Ibrahim Abdallah, considéré comme le plus ancien prisonnier politique de France, à commencé à côtoyer les barreaux français en 1987 à l’âge de à 33 ans, en 1987 – il en a aujourd’hui 74 à l’heure de sa libération. Originaire du Liban, Georges Ibrahim Abdallah se pose en tant que communiste marxiste et internationaliste engagé dans la lutte palestinienne. Membre du Front Populaire de Libération de la Palestine, le militant lutte essentiellement contre l’impérialisme et s’engage activement dans la guerre face à Israël, notamment à partir de l’opération Litani, lorsque Israël envahit le Liban en 1978.
Outre le Front Populaire de Libération de la Palestine, les autorités soupçconnent rapidement Georges Ibrahim Abdallah d’être à l’origine d’un autre groupe, les FARL, les fractions armées révolutionnaires libanaises. L’organisation agit par lutte armée de manière à combattre les effets de l’impérialisme au Moyen Orient, et sévit dans un plus large contexte de prolifération des groupes armées d’extrême droite et d’extrême gauche en Europe de l’Ouest.
En 1984, Georges Ibrahim Abdallah, co-fondateur des FARL, est arrêté à Lyon pour usages de faux papiers d’identités. A l’origine donc, sa détention ne se base que sur des faits mineurs, mais c’est par la suite que l’affaire s’enlise, et implique de plus en plus d’acteurs.
Georges Ibrahim Abdallah, victime des années de plomb
Georges Ibrahim Abdallah ne le sait pas encore, mais il purgera sa peine bien plus longtemps qu’il ne le pense. Alors incarcéré depuis un an, les autorités françaises mettent en lien le jeune pro-palestinien avec les assassinats ciblés de Charles R.Ray, attaché militaire adjoint de l’ambassade des Etats-Unis et de Yacov Barsimantov, secrétaire à l’ambassade d’Israël, ayant eu lieu en 1982 et revendiqués par les FARL.
Chose qui fait de cette affaire un cas spécial : la défense judiciaire de Georges Ibrahim Abdallah pendant l’enquête. En effet, son avocat, Jean Paul Mazurier, s’est révélé par la suite être complice des services secrets français, et divulguait ainsi toutes les informations dévoilées par son client aux autorités : « j’ai quand même trahi, non pas Abdallah, mais tous les devoirs de ma profession, une profession qui reste (…) l’un des fondements de notre démocratie ». Conséquence, en 1985, les enquêteurs découvrent très vite des armes cachées au domicile de l’accusé ayant servi lors des assassinats de 1982.
Georges Ibrahim Abdallah est alors accusé de complicité d’assassinat, et le procès s’étend. Lors de la procédure, de nombreux attentats de groupes pro palestiniens et anti impérialistes ont lieu en France, notamment à Paris, et réclament la libération immédiate de Georges Ibrahim Abdallah – sans pour autant avoir de lien direct avec le chrétien marxiste. L’accusé se retrouve alors victime de sa propre époque, victime des années de plomb (période de fort activisme politique en Europe de l’Ouest), et est alors mis en corrélation avec la montée du terrorisme en France, ce qui rend son jugement inévitablement plus sévère.
Une cours spéciale juge alors le créateur des FARL en 1987, et alors que le procureur général ne requiert que 10 ans d’emprisonnement, Georges Ibrahim Abdallah est finalement condamné à perpétuité par les juges professionnels, toujours pour complicité d’assassinat.
Une lutte judiciaire et des révélations accablantes
Le communiste libanais est alors enfermé dans le Sud de la France à la prison de Lannemezan. Passé 15 ans après sa détention, ce dernier peut légalement réclamer sa libération, et c’est donc ce qu’il fait à plusieurs reprises, sans résultats. Il faut attendre 2012 pour que l’une de ses demandes de libération conditionnelle soit acceptée par la justice, 28 ans après sa condamnation. La France entière croit alors en sa libération, mais une des conditions n’est pas encore remplie…. En effet, pour être libéré, Georges Ibrahim Abdallah, devait être par la suite directement expulsé au Liban, et pour ce, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls, devait signer son arrêté d’expulsion – ce qu’il n’a jamais fait, empêchant alors sa sortie de prison.
Plusieurs année plus tard, les raisons de ce refus sont révélées par Wikileaks : à l’annonce de la libération du prisonnier, Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat des Etats-Unis, avait demandé à la France de trouver un moyen de contourner la décision de la justice :« Nous espérons que les fonctionnaires français pourront trouver une autre base pour contester la légalité de la décision.«
Suite à ces révélations, plusieurs plaideurs de la cause de Georges Ibrahim Abdallah tentent de faire reconnaître cette « détention par procuration » que mène l’Etat français. Chaque année, une manifestation annuelle a lieu devant la prison du détenu pour demander sa libération, et depuis plus d’un an, le contexte géopolitique au Proche Orient amplifie le cri des revendicateurs de la libération du militant.
Finalement, c’est en cette date du jeudi 17 juillet, au bout d’une énième demande, que la cours d’appel de Paris a accepté la libération du détenu, qui aura passé le plus clair de sa vie en prison, assumant jusqu’au bout ses actions, revendiquant toute sa vie la souveraineté palestinienne.