Les chercheurs-enseignants, doctorants et étudiants français ont manifesté partout en France et notamment à Bordeaux ce jeudi 5 mars. Ils ont exprimé leur rejet de la réforme LPPR.
Des manifestations partout en France et plusieurs universités en grève
Dans toute la France et notamment à Bordeaux, des membres de la communauté scientifique française ainsi que des étudiants ont marché contre la réforme LPPR. Cette réforme, appelée aussi loi de programmation pluriannuelle, a pour objectif de réformer le monde de la recherche française.
Aucun texte n’a pour l’instant été émis, la loi sous sa forme complète sera donnée au printemps. Cependant, les grandes lignes de ce projet ont été annoncées. Elles concernent notamment le financement de la recherche et la question de l’emploi.
À Bordeaux, c’est sous la pluie et avec des vents importants que les manifestants ont crié leur colère dans la rue. Chercheurs-enseignants, doctorants et étudiants se sont réunis place de la Victoire et ont marché jusqu’à la place de la Bourse en marquant un pause devant le rectorat de Bordeaux. De nombreuses universités en grève étaient représentées par des pancartes.
Peu de syndicats étaient présents, seuls le Syndicat National de l’Enseignement Supérieur (SNES UP) et Solidaires ont été aperçus.
» On parle plus d’innovation que de recherche »
Parmi les thèmes de cette réforme, la question du financement fait grincer des dents à toute la communauté scientifique. En effet, pour la plupart des chercheurs, il leur est déjà complexe d’être financé dans leurs recherches et notamment pour les sciences humaines et sociales. La Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, veut par cette réforme augmenter le montant des financements publics pour la recherche. En effet, elle veut atteindre un financement qui correspond à 3% du PIB français ce qui semble plutôt une bonne nouvelle pour la communauté scientifique car actuellement il correspond à 1.5-2% du PIB. Mais cette démarche inquiète les scientifiques.
Ce financement correspondrait à des missions de recherches déterminées préalablement. Mais selon Constance, chercheuse en physique au CNRS de Bordeaux, cela est un danger car l’État aurait alors la main mise sur la recherche. De plus, ces missions s’effectueraient sur de courts termes alors que la recherche nécessite du temps :
Ainsi, cette forme de financement obligerait les chercheurs à prendre un sujet de recherche non-choisi et exécuté sur une courte période. La question de la liberté dans la recherche est alors posée.
Ces financements entraineraient également une véritable compétitivité entre les chercheurs et pourraient conduire à une falsification des résultats comme l’explique Olivier Sandre, directeur de recherches au CNRS de Bordeaux :
La crainte du financement des sciences dites dures, comme par exemple l’économie, au détriment des sciences humaines et sociales inquiète également. Jean-Baptiste, doctorant en archéologie à l’université Bordeaux-Montaigne, résume ainsi ces inquiétudes autour de la question du financement :
La peur d’une précarité exponentielle
Avec le souci du financement s’ajoute celui de la précarité et la baisse du nombre de CDI dans le milieu de la recherche. Entre 2008 et 2016, il a été observé une baisse des recrutements dans principaux organismes de recherches. De plus, le secteur compte actuellement beaucoup plus de CDD que de CDI. La question de la précarité est donc majeure car la compétitivité est grande pour des postes difficiles d’accès et qui ne sécurisent pas financièrement les chercheurs. Jean-Baptiste, qui est doctorant en archéologie, explique cette situation et souligne le manque de pérennisation financière pour les chercheurs :
Dans le milieu de la recherche, la compétitivité est inhérente. Mais, comme le pense Olivier Sandre, il est important d’assurer une sécurité économique aux chercheurs :
Ainsi, les modalités du financement et les conséquences qu’elles pourraient entrainer inquiètent. Parmi elles, il y a donc comme la falsification des résultats, une compétitivité toujours plus grande et une précarité exponentielle. Une autre crainte subsiste également : face à cette réforme et ses difficultés, des étudiants et doctorants pourraient abandonner leur volonté d’intégrer le milieu de la recherche.
Des scientifiques sceptiques quant à l’écoute du gouvernement sur leurs revendications
L’espoir subsiste mais une grande part des scientifiques français doutent d’être entendu par le gouvernement. Certains, comme Olivier Sandre, préfèrent croire au pouvoir démocratique de l’Assemblée Nationale. Ils espèrent qu’ils seront écoutés par les députés et qu’un « 49.3 sur la recherche » sera évité.