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Des remous autour de l’épave du San Jose

Il y a deux semaines, le 5 décembre 2015, le président colombien Juan Manuel Santos annonçait la découverte d’un galion espagnol datant du début du XVIIIe siècle. L’épave du San Jose a été localisée fin novembre au large de Carthagène, près des îles Corales del Rosario. Il s’agirait du « Saint-Graal des épaves ». Une découverte qui crée des remous.

Le San Jose était le principal navire d’un convoi devant transporter des métaux précieux et des émeraudes depuis les Caraïbes jusqu’en Espagne. A l’époque, Philippe V d’Espagne, petit-fils de Louis XIV, combat avec la France contre l’Angleterre dans la Guerre dite de Succession d’Espagne. Une guerre qui a commencé en 1701 et qui se terminea en 1712, au cours de laquelle se joua la domination du jeu européen. Pour chaque pays d’Europe, le financement de la guerre est un enjeu crucial, et l’Espagne compte sur ses richesses du Nouveau Monde. L’approvisionnement en métaux précieux est primordial. Le galion San Jose s’apprête à suivre la route qui depuis le XVIe siècle amène ces métaux d’Amérique vers les ports espagnols à travers l’Atlantique.

Le 8 juin 1708, une escadre de 4 vaisseaux de guerre anglais attaque donc les galions de la flotte espagnole, aux cales remplies d’or et d’argent extraits des riches sous-sols du continent, essentiellement au Pérou. Ces gros navires étaient des proies de choix dans la guerre maritime qui se faisait alors sur les océans du monde ; il s’agissait de priver l’ennemi d’un afflux de ressources vitales tout en cherchant à s’emparer d’un maximum de butin pour soi-même. Une sorte d’opération financière sur les eaux réglée à coups de canon. Ce 8 juin, le San Jose coula néanmoins et emporta avec lui ce qui est devenu son trésor : une cargaison d’une valeur financière évaluée pour l’époque à environ 50 milliards de dollars. Aujourd’hui, elle vaudrait entre 3 et 15 milliards de dollars. De quoi attirer les convoitises.

L'épave du San Jose renfermerait un trésor estimé entre 3 et 15 milliards de dollars

L’épave du San Jose renfermerait un trésor estimé entre 3 et 15 milliards de dollars

Le gouvernement colombien s’est tout de suite félicité de cette découverte, la présentant comme une gloire pour la Colombie et la preuve d’un passé aux multiples strates culturelles. « C’est un événement scientifique qui nous rappelle que l’histoire de la Colombie est faite d’époques et de personnes très différentes qui composent notre mémoire nationale ». L’emplacement exact de l’épave est d’ailleurs classifié comme un secret d’Etat. 

Seul bémol : la compagnie américaine Sea Search Armada, contactée indirectement par les autorités colombiennes dès les années 1970 pour retrouver le navire, estime que l’épave lui revient en droit puisqu’elle l’a localisée. Une longue et tortueuse bataille judiciaire l’oppose à Bogota depuis des années. Un jugement avait été rendu, partageant à parts égales le trésor entre le SSA et la Colombie, mais la justice américaine a depuis donné raison à cette dernière. La SSA ne désarme pas pour autant. En Colombie, on s’insurge contre ces green-goes qui viendraient une fois de plus s’immiscer dans les affaires des sud-américains. L’attitude envers les Etats-Unis est plus qu’ambivalente dans cette région et la revendication de la société américaine heurte l’honneur national.

L'épave a été localisée au large de Carthagène, en Colombie.

L’épave a été localisée au large de Carthagène, en Colombie.

De plus, cette découverte d’un véritable morceau d’histoire près des côtes caraïbes cristallise autour d’elle des rancoeurs et des convoitises, dans ce continent au passé complexe. Ainsi l’Espagne a rapidement revendiqué ses droits sur l’épave et son trésor, le galion appartenant à la Couronne espagnole. Revendication qui a provoqué un tollé en Colombie, où elle est considérée comme une preuve de néo-colonialisme. Il est pourtant indéniable que Madrid était la dernière propriétaire légale du vaisseau. Pourtant depuis 300 ans tout a changé, et l’Amérique latine n’est plus la chasse gardée de l’Espagne, mais une mosaïque de pays aux frontières bien définies. Tout un système juridique et extrajuridique s’est comme évanoui — alors comment trancher le problème, maintenant que l’histoire semble resurgir subitement sur les radars? Il se trouve que le San Jose repose au large de Carthagène, ce qui permet à la Colombie de revendiquer l’épave et le trésor comme faisant partie du patrimoine immergé du pays et de son héritage culturel.

Mais qu’en est-il par exemple de la cargaison d’argent, destinée aux caisses de Philippe V? Elle aurait été extraite un peu plus au sud de l’actuelle Colombie… Il y a une semaine, lors de l’investiture de Mauricio Macri à la présidence de l’Argentine à Buenos Aires, le président péruvien Humala en aurait profité pour glisser au président colombien : « A propos du galion, on dit que l’argent venait du Pérou ». Et le président de l’Equateur, également présent, aurait alors proposé de partager le trésor « entre tous les pays sud-américains ».

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