De Stranger Things à MacGyver en passant par la vague de remakes, depuis quelques années, les séries se tournent vers les années 1980 et 1990. Une tendance de fond, qui s’est encore accentuée.
Ce n’est pas inhabituel : sur nos écrans, nombreuses sont les séries dites d’époque, dont l’action se déroule dans un passé plus ou moins proche et qui explorent les décennies précédentes – comme Boardwalk Empire et Downton Abbey (années 20), Mad Men (années 50), The Deuce ou Aquarius (années 70). Mais ces dernières saisons, la nostalgie s’est faite plus proche, avec un retour des années 80 et 90. S’il s’agit toujours d’un passé révolu, il nous est cette fois beaucoup plus familier, la plupart d’entre nous l’ayant vécu.
Nul besoin d’être grand clerc pour expliquer cette résurgence des années 1980 et 1990: les créateurs, scénaristes et showrunners, généralement âgés de 35 / 45 ans, ont grandi à cette époque et se réfèrent aux années qui ont bercé leur enfance ou leur adolescence. Le phénomène est également sous-tendu par une démarche marketing, qui vise une génération de consommateurs nostalgiques à fort pouvoir d’achat. Rien d’étonnant à ce que les chaînes, qui combinent univers créatif et commercial, aient plongé la tête la première dans ce revival.
Logiquement, ce sont d’abord les années 80 qui ont envahi nos écrans – avec une vague d’adaptations de films et de reboots et suites, et par le biais de fictions se déroulant à cette époque. Dans le premier cas, prenons comme exemples la suite de Dallas (annulée après 3 saisons) ; Ash vs Evil Dead, prolongement de la saga des films Evil Dead, She’s Gotta Have it tirée du film de Spike Lee (1986); la mini-série reprenant Dirty Dancing (1987) ; les reboots de Dynastie ou de MacGyver, l’adaptation de L’Arme Fatale, la suite attendue de Roseanne ou celle de La Fête à la Maison. Des séries plus ou moins réussies – mais là n’est pas le propos.
Dans le même temps, sont apparues plusieurs séries se déroulant dans les années 1980, avec l’ambiance ad hoc. A chaque fois, c’est un déferlement de vestes en jean ou à épaulettes, de collants fluo, de modems asthmatiques et d’ordinateurs qui font figure d’antiquités, de sacs banane, de vieilles consoles et de jeux vidéos type PacMan, de chouchous et créoles géantes en plastique, de coupes mulet improbables, de VHS et de télé à tube cathodique, d’allusions au contexte socio-politique. Le tout, au son des tubes de Madonna, Cyndi Lauper, Bon Jovi, Duran Duran ou Michael Jackson.
Le meilleur exemple, c’est sans doute Stranger Things. La nostalgie y est quasiment palpable, avec une histoire inspirée des grands films fantastiques de l’époque, racontée du point de vue des enfants qui en sont les héros – et qui ont donc l’âge qu’avait alors la majorité du public. Stranger Things joue sur l’effet revival avec pléthore de références : vêtements, coiffures, objets du quotidien devenus iconiques, hommage explicite aux Goonies, E .T., Predator, S.O.S. Fantômes… Si certains ont justement critiqué cette surabondance d’allusions, le procédé fonctionne – et il est totalement assumé, la série s’étant même déclinée en jeu vidéo 8-bit via une application mobile.
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Citons aussi, en vrac : The Americans (qui suit un couple d’espions russes, infiltrés aux États-Unis en pleine guerre froide), Halt & Catch Fire (des informaticiens à l’aube de l’essor des PC et d’internet), Glow (des femmes en justaucorps fluo s’entraînent pour une émission de catch), Snowfall (le trafic de crack Los Angeles), Dark (série allemande se déroulant sur trois époques différentes – dont les années 1980), ou l’épisode de Black Mirror intitulé San Junipero, parmi les préférés du public…
Le filon des années 1980 est loin d’être épuisé, comme en témoignent les rumeurs et projets évoquant d’autres résurrections – notamment celles de K2000, Murphy Brown, Cagney & Lacey, Magnum ou Starsky et Hutch. Mais à peine a-ton ressorti sa montre Casio ou sa vieille doudoune Chevignon (vous savez, celle avec le canard…) que boom ! Les années 1990 pointent le bout de leur nez. Avec, là encore, des reboots, suites et adaptations d’un côté, et des séries originales de l’autre.
Revoilà Will & Grace, 11 ans après la diffusion du (pensait-on) dernier épisode ; X-Files a rempilé pour deux saisons en 2017 et 2018 ; on retourne à Twin Peaks, 27 ans après la mort de Laura Palmer. Le film Rush Hour (1998) est décliné en série, tout comme Fargo (1996) des frères Coen, qui devient une anthologie. On attend également des reboots de Charmed , Sister Sister ou La Vie à Cinq.
Côté séries originales, certaines s’appuient sur la reconstitution d’un événement marquant, recréant l’ambiance des années 1990 via le prisme de l’actualité de l’époque. Après l’affaire O.J. Simpson, American Crime Story se consacre à l’assassinat de Gianni Versace (1997). Manhunt : Unabomber aborde la traque du célèbre terroriste en partant de sa détention en 1995 ; Law and Order traite de l’affaire des frères Menendez (arrêtés en 1990) ; Show me a Hero raconte le combat d’un homme politique pour implanter des logements sociaux au début de la décennie, au son des tubes de Bruce Springsteen ; Waco revient sur le suicide des membres de la secte de David Koresh, assiégée par le FBI en 1993. Pure fiction cette fois, la saison 1 de True Detective racontait déjà sous forme de flash-back une enquête menée en 1995.
A contrario, des séries plus légères s’inscrivent dans le registre de la bonne vieille sitcom des années 1990 – type Friends, actuellement sur Netflix, pour le plus grand bonheur de trentenaires prompts à défendre la série face aux attaques d’un jeune public heurté par des propos qu’ils jugent tendancieux… Voici donc Fresh off the boat (qui suit Eddie, collégien fan de rap, et sa famille d’origine asiatique installée à Los Angeles) ou Young Sheldon (l’enfance du héros de The Big Bang Theory). En attendant Everything Sucks ! (Netflix), comédie consacrée à des lycéens, probable carton misant à fond sur la nostalgie de son public potentiel…
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Entre reprises des succès des années 1980 et 1990, et récits originaux se déroulant dans ces deux décennies, les séries opèrent depuis quelques années un retour vers un passé pas si lointain, séduisant un public qui y retrouve sa jeunesse, ses souvenirs, et les références culturelles avec lesquelles il a grandi. Alors, à quand un revival des années 2000 ? Hé, attendez un peu : retour de 24 heures chrono et Prison Break ; séries tirées des films Taken, Snatch, Shooter, Training Day, Limitless ; possibles suites de Chuck et Community ou reboot de Gilmore Girls voire de Roswell… Le revival des années 2000 serait-il déjà là ?! Décidément, la nostalgie n’est plus ce qu’elle était.