En publiant en couverture une photo plutôt glorifiante de Djokhar Tsarnaev afin de retracer son parcours, le magazine « Rolling Stone » a choqué les Etats-Unis. Le célèbre magazine culturel d’investigation est d’or et déjà boycotté, notamment dans la ville de Nouvelle-Angleterre.
The Bomber
Le regard mélancolique, les mèches brunes lui tombant sur les yeux, la bouche cernée d’un bouc, Djokhar Tsarnaev a l’air songeur sur ce cliché non-daté où il porte un t-shirt blanc et où il est adossé à un mur, blanc lui aussi. La photo illustre l’article principal du bimensuel dans lequel la journaliste Janet Reitman retrace le parcours de Djokhar Tsarnaev, un «étudiant brillant et prometteur rejeté par sa famille, tombé dans l’islam radical, qui s’est finalement transformé en monstre». Mais le portrait, qui retranscrit un homme trop détendu, a déclenché une avalanche de critiques dans un pays encore traumatisé par l’attentat de Boston. Le 15 avril dernier, l’attaque dont est accusée le jeune tchétchène ainsi que son frère décédé, avait fait 3 morts et 264 blessés.
Polémique garantie
On reproche au célèbre magazine américain de glorifier le meurtrier plutôt que ses victimes. Rolling Stone n’est pas à sa première couverture subissant l’effet d’une controverse. Ce fut le cas en 1970 avec Charles Manson et en 1977 avec OJ Simpson. Néanmoins, un peu comme Médiapart actuellement, bien qu’il s’agisse de deux cas totalement distincts, il y a une réaction en chaîne inévitable quand un support est boycotté : l’effet streisand. Plus on va proscrire quelque chose pour une raison ou une autre, plus les gens vont chercher à se renseigner, et à accéder au savoir défendu. Dans tous les cas, le buzz alimente le buzz et cette couverture révélée ce mardi 16 juillet va éveiller la curiosité des lecteurs.
Dans l’émission matinale de la chaîne NBC, le «Today Show», les présentateurs ont même noté mercredi matin qu’il avait un air de Jim Morrison, le chanteur des Doors présent sur la couverture de 1991, 20 ans après sa mort. Sur leur page Facebook, la une de Rolling Stone a été également très mal accueillie.
Rolling Stone s’est rapidement défendu, et explique que c’est par soucis d’objectivité qu’«il est d’autant plus important pour nous de regarder attentivement la complexité de cette affaire et d’aboutir à davantage de compréhension de la manière dont une telle tragédie peut se produire que (l’accusé) Djhokhar Tsarnaev est jeune, et appartient à la même tranche d’âge que beaucoup de nos lecteurs».
«Notre cœur est avec les victimes de l’attentat du marathon de Boston, et nos pensées vont toujours vers elles et leurs familles. L’histoire que nous publions cette semaine fait partie des traditions du journalisme et de l’engagement depuis longtemps de Rolling Stone à faire une couverture complète et sérieuse de la plus importante question politique et culturelle de notre époque», estime le magazine.
La culture du meurtre affichée
Elever des meurtriers au rang de stars, le cinéma l’a fait plus d’une fois, sans que cela ne choque particulièrement. Natural Born Killers d’Oliver Stone est un road trip sanglant inspiré de l’histoire du couple de tueurs Charles Starkweather et Caril Ann Fugate qui sévit en 1957. On y voit des médias avides de sang et de terreur, qui souvent dépeignent les actes criminels de manière sensationnelle afin d’en faire des «stars». Beaucoup de tueurs en série sont mentionnés dans le film tels que Charles Whitman, Ted Bundy, Charles Manson.