Dans le JDD du 30 août, 15 députés du groupe parlementaire Écologie, Démocratie et Solidarité ont cosigné une tribune prônant une concentration des investissements sur la relance sociale et écologique à l’issue de la crise de la COVID. Cette nouvelle initiative politique, que d’aucuns considéraient au départ comme une extension à gauche de la majorité présidentielle, cherche par cela à se démarquer de cette dernière en se positionnant comme une alternative dans un contexte de fragmentation de l’électorat de gauche. Mais ce projet est-il réaliste?
Créé en mai par une vingtaine de députés affiliés à la majorité – groupes LREM, liberté et territoires et indépendants – autour des figures que sont Aurélien Taché (député des Hauts-de-Seine), Mathieu Orphelin (député du Maine-et-Loire, proche de Nicolas Hulot) et Paula Forteza (députée des Français de l’étranger, anciennement chargée de l’organisation numérique du Grand débat), le groupe dit EDS fait figure d’outsider politique au Palais Bourbon. De fait, son créneau politique – qu’on peut qualifier de démocrate-écologie – semble avoir été totalement aspiré depuis la recomposition politique du quinquennat présent par En Marche, puis partiellement par EELV depuis le départ de Nicolas Hulot du gouvernement. Malgré tout, les députés EDS ont marqué le débat politique par des prises de position tranchées sur des questions clivantes et par des propositions à rebours de leur formation politique d’origine.
Sécurité et identité : à gauche toute.
Impossible de le manquer dans le contexte actuel : la question qui agite le plus le paysage politique estival dans un cadre de tensions identitaires et sécuritaires est celle de l’ordre public. De par la multiplication des actes de violence médiatisé, hommes et femmes politiques de tous bords y sont allés de leur commentaire. Mais où se situe EDS dans ce tintamarre ? Sur le site internet du groupe, on peut trouver une déclaration évoquant une préoccupation vis-à-vis des violences policières. L’utilisation de ce terme au sein d’un communiqué est lourde de sens dans la mesure où le gouvernement réfute avec force la dénomination des violences policières. Ce positionnement politique se retrouve dans les interventions médiatiques de certains parlementaires affiliés. Aurélien Taché a par exemple suscité la polémique par son tweet remarqué le jour du début du procès concernant les attentats de Charlie Hebdo : ses détracteurs lui reprochent une omission volontaire des problématique d’insécurité et de laïcité dans sa qualification de l’évolution du débat identitaire. Ce n’est certes pas la première fois que ses propos font l’objet de débat, mais lorsqu’on devine sa volonté d’être un membre actif de la reconstruction d’un pôle politique social en France – participation aux Journées de l’écologie entre autres choses – sa capacité à fédérer autour d’un projet progressiste et écologique peut sembler quelque peu discutable, comme le montre l’annulation de son intervention au « rendez-vous de la gauche d’après » organisé par le Parti socialiste.
Écologie et citoyenneté : le choix de l’innovation.
Depuis quelques années – et particulièrement depuis les dernières élections municipales – l’écologie qui jusqu’alors avait été une chasse gardée de quelques partis semble avoir été accaparée par l’essentiel du paysage politique. La seule distinction qu’on puisse y trouver est le choix d’une écologie dite pragmatique – sans remise en cause définitive de la société de consommation – et l’écologie « décroissantiste » – qui prône une diminution de la consommation et une économie locale. Dans ce contexte, les députés du groupe EDS se sont placés en fervents défenseurs des préconisations de la convention citoyenne pour le climat établie en 2019 par Emmanuel Macron à l’issue du grand débat. Et pour cause, l’idée même de convention citoyenne est totalement en adéquation avec les engagements des députés du groupe dont Paula Forteza, pionière de la démocratie participative numérique qui, au cours de la campagne de Cédric Villani, a organisé le tirage au sort d’une portion de ses listes. C’est ainsi que les parlementaires EDS se sont associés à un certain nombre de personnalités de gauche pour demander via une lettre au gouvernement l’inscription au plan légal des mesures adoptées par la convention.
Sur le plan de la citoyenneté, le groupe parlementaire se place à l’avant-garde : en plus de proposer la généralisation des conventions citoyennes, les députés EDS portent le projet de ramener l’âge d’obtention du droit de vote à 16 ans, afin de mettre fin à la crise démocratique caractérisée par une baisse de la participation à la vie démocratique et à une abstention en forte hausse.
On pourrait citer encore moult prises de position du groupe sur les libertés individuelles et la défense des données personnelles, ou bien sur la volonté d’ouvrir l’accès à l’avortement. Mais la question qui nous intéresse ici est la suivante : le groupe Ecologie, Démocratie et Solidarité est-il en mesure de représenter une alternative crédible pour la gauche républicaine?
Ce qu’on peut remarquer dans les différentes propositions de lois parrainées par EDS, c’est que le groupe parlementaire cherche à ne s’affilier directement à aucun parti. Ainsi les parlementaires en question ont cosigné de nombreux textes législatifs présentés aussi bien par la majorité présidentielle que par la gauche radicale. On en déduit logiquement une volonté de rassemblement autour de l’idée transpartisane d’innovation politique – qui n’est pas sans rappeler les débuts d’En Marche!. Dès lors, quand on voit la déliquescence des partis de gauche, sans figure forte et partie au combat en ordre dispersé sans véritable impulsion nouvelle – comme le laisse entendre la Une de Libération du lundi 30 août – et malgré des débuts titubants d’une nouvelle initiative politique, il semble légitime de voir en elle le potentiel de jeune parti ayant obtenu en peu de temps ce que d’aucuns croyaient impossible.