“Pour rester jeune, c’est simple : faites le compte de vos réalisations dans la vie et de vos rêves dans la tête. Si vous avez plus de rêves que de souvenirs, vous êtes jeune.” (Shimon Peres)
Shimon Peres – de son vrai nom Shimon Perski, homme politique imminent Israélien, nous a quitté à l’âge de 93 ans suite à un accident vasculaire-cérébral. Lors de son éloge funèbre son fils raconte que son père avait l’habitude de lui dire : « Pour mon éloge funèbre, commence par dire : il était trop jeune pour mourir« .
Peres, homme ambigu, est l’un des fondateurs de la diplomatie israélo-palestinienne, ingénieux architecte des accords d’Oslo. Selon Barack Obama, c’est un géant du 20e. Il a été ministre des transports (1970-1974), des Finances (1988-1990), de la Défense (1995-1996), des Affaires Etrangères (1992-1995 et 2001-2002), Premier ministre (1995-1996) et enfin président de 2007 à 2014.
Shimon Peres voulait la paix entre Israël et la Palestine. C’était son cher « chantier de la paix ». En 1993, au côté de Yasser Arafat et de Yitzhak Rabin, il signe les accords d’Oslo. Il les avait négociés à l’abris des regards avec Mahmud Abbas en Norvège, qui était alors le représentant de l’OLP (l’Organisation pour la libération de la Palestine). Il reçoit le prix de Nobel de la paix aux côtés d’Arafat et de Rabin, consacrant « leurs efforts pour créer la paix au Moyen-Orient ». Sur ce Peres déclare, tout sourire, « Nous laissons derrière nous l’ère de la belligérance et marchons ensemble vers la paix ». Il lance alors le projet du « nouveau Moyen Orient » fondé sur la prospérité économique, rêve adopté derechef par le pays en quête d’un miracle libéral. Seulement 23 ans plus tard, cette géniale promesse de paix, insensée pour plus d’un, a-t-elle réellement survécue à l’épreuve du temps ? Peres lui a donné sa vie mais une vie entière est-elle suffisante ?
“Si l’on part se battre contre le terrorisme, il revient à notre porte. Ce qu’il faut, c’est se battre contre les raisons du terrorisme : le sentiment d’infériorité, le manque d’éducation, de médicaments, de nourriture, la discrimination des femmes…” (Shimon Peres)
Le conflit Israélo-palestinien oppose le nationalisme juif au nationalisme arabe Palestinien, l’un marchant sur l’autre pour être ensuite joyeusement piétiné par le second. La dimension religieuse est fondamentale. Sous mandat britannique après la seconde guerre mondiale, ce dossier ingérable – véritable champs de mine- est aussitôt transféré à l’Organisation des Nations Unies. En 1947, elle vote le partage de la Palestine. Chaque communauté se voit imparti d’un Etat distinct bien que Jérusalem reste sous contrôle international. Une guerre civile ne peut qu’éclater et se troque en guerre israélo-palestinienne en 1948.
Israël et la Palestine volent de conflits en conflits : crise du canal de Suez, guerre de Six Jours, guerre du Kippour, les Intifada, les opérations Jours de pénitence et Arc-en-Ciel, conflit Israélo-libanais en 2006, les guerres de Gaza en 2008, 2012 et 2014…
Les accords d’Oslo de 1993 prévoient la création d’une Autorité Palestinienne ainsi qu’une reconnaissance mutuelle des deux états. Viennent les accords d’Oslo II en 1995, un accord intérimaire sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza. Les accords d’Oslo I et II suscitent un immense espoir de paix à travers le monde. Enfin les frères ennemis parviennent à s’asseoir à la même table. Poudre aux yeux ? C’était un des fer-de-lance de la politique américaine, s’affirmant dans toute la splendeur de sa superpuissance, s’auto-sacrant gendarme du monde et dansant allégrement sur les débris de l’URSS.
Seulement, les questions les plus épineuses n’avaient pas été résolues, repoussées pour des négociations ultérieures. « Un pas après l’autre » sans doute mais l’assassinat de Yitzhak Rabin en 1995 par un juif extrémiste prive soudainement les accords de leurs deux jambes. Pour Alain Dieckhoff, « Il considère qu’Israël est soumis à des menaces permanentes et qu’il faut parer à toute attaque éventuelle par le renforcement constant de ses capacités militaires ». La question des frontières demeurait entière, de même que le statut de Jérusalem, les colonies israéliennes, le droit au retour des réfugiés palestiniens… On enterre une première fois Oslo.
Les conflits se succèdent toujours, notamment à Gaza où le Hamas (mouvement de résistance islamique) prend le pouvoir en 2007. La menace de l’insécurité n’en finit pas de peser sur les deux pays, essoufflés d’être en croisade depuis le début du 20e siècle. Certes les deux états se reconnaissent désormais mais ils sont coincés dans un no man’s land tout à fait infertile et asphyxiant. Selon l’Israel Democracy Institute (IDI), seulement 51% des Palestiniens et 59% des Israéliens sont favorables à la création d’un Etat palestinien au côté d’Israël.
“Le processus de paix ressemble à une nuit de noces dans un champ de mines.” (Shimon Peres)
Selon Beligh Nabi, les funérailles de Peres donnent « l’impression d’assister aux funérailles des accords d’Oslo d’un point de vue symbolique ». Deuxième enterrement. 90 délégations y assistent dont Barack Obama, Mahmud Abbas (sa première apparition publique à Jérusalem depuis bien des années) et François Hollande. Peres était en faveur de la paix sans se perdre dans un idéalisme étourdissant. Il avait travaillé avec pas moins de 9 présidents américains. Il réfléchissait à la possibilité d’une intégration économique régionale. Peres a été un emblème positif sur la scène internationale alors qu’Israël a toujours eu une image contrastée. Aux yeux des palestiniens et de certains pays arabes, il n’en restait pas moins un homme de guerre, instigateur de la colonisation et de l’occupation.
Etonnante surprise : il n’y avait presque aucune délégation arabe aux funérailles. Le consensualisme tant vanté de la communauté internationale souffre évidement de quelques nuances. Malgré une réussite économique multiforme, l’état israélien reste toujours incapable de conclure une paix véritable qui déboucherait, à terme, sur une authentique normalisation.