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Shonda Rhimes: qui est la productrice de Grey’s Anatomy?

Vous aimez Grey’s Anatomy? Scandal? Murder? Alors vous aimez Shonda Rhimes. Qui se cache derrière l’une des productrices les plus influentes de la télé américaine?

Shonda Rhimes est, depuis plus de 10 ans maintenant une des incontournables du paysage audiovisuel américain (et international, les séries de sa conception s’exportant plutôt bien). Après des études en littérature et écriture, elle se spécialise plus particulièrement dans l’écriture cinématographique et télévisuelle. Fille d’un administrateur d’université et d’une mère qui reprit ses études sur le tard avec brio, c’est une de ces jeunes droguées de la réussite scolaire et universitaire. La faute au parents ? Sans doute, la légende voulant que le personnage de Miranda Bailey de Grey’s Anatomy soit inspiré de maman Rhimes.

C’est d’abord au cinéma que Shonda Rhimes fait ses premières armes, ou presque. Le script de “Introducing Dorothy Danridge”, biographie de la première actrice afro-américaine a avoir été nommée aux oscars en 1954, ici incarnée par Halle Berry, finira en téléfilm sur HBO (1999). C’est néanmoins une marque de fabrique de la scénariste : Des personnages d’origine afro-américaine forts. Puis ce sera la comédie Crossroads en 2002, avec Britney Spears, et enfin Un mariage de Princesse en 2004 avec Julie Andrews et Anne Hathaway. C’est après l’adoption de son premier enfant qu’elle se tourne durablement vers la télévision avec le show qui est, encore aujourd’hui, son plus grand succès : Grey’s Anatomy.

Quoi de neuf docteur ?

La série médicale est sans doute un des genres les plus classiques, les plus balisés de la télévision américaine. Citons simplement pour l’exemple le soap General Hospital diffusé depuis 1963 et encore en cours (sur ABC d’ailleurs). Plus récemment, et sortant un peu du format du soap (et pour être précis du Soap “de jour”), on citera Urgences, diffusée sur NBC de 1994 à 2009, et sans doute parmi les séries qui ont fait la télévision moderne que l’on connait aujourd’hui. Evidemment ces deux axes ne sont pas les seuls, et de nombreuses séries médicales ont eu du succès, on pourra rapidement citer St. Elsewhere, Chicago Hope pour les plus traditionnelles, ou encore des séries telles que Diagnostique: Meurtre ou encore Dr. House, dans des concepts plus particuliers et proches de la série policière. Cela démontre que le genre de la série médicale, s’il est bien fait, a une espérance de vie exceptionnellement longue à la télévision, surtout dans sa forme la plus “pure”, mais également que c’est un genre protéiforme, qui permet aux scénaristes un cadre souple dans lequel proposer un grand éventail d’histoires, de situations.

C’est donc en 2005 que ABC commande un script à Shonda Rhimes. A cette période, celle-ci avoue être une afficionado des documentaires médicaux (spectatrice de “Surgery channel”), et le contexte de la série médicale paraît évident. Son objectif est double : faire à la fois une série de la diversité, avec des personnages de toutes origines auxquels tous les spectateurs peuvent s’identifier, quelle que soit leur propre culture, mais également une galerie de personnages féminins forts et réalistes. Bref, comme elle le dit elle même, et c’est un poncif, elle cherche à créer la série qu’elle souhaiterait voir. Grey’s Anatomy est donc pitché et lancé dans l’année 2005 en remplacement de milieu de saison en remplacement de Boston Legal. Le succès est immédiat, et, alors que la série en est à sa 12e saison et les audience un peu moins fortes, elle reste dans le top 10 des séries les plus regardées dans la tranche démographique des consommateurs, en l’occurrence les 18-49 ans.

Grey’s Anatomy c’est à la fois une série médicale dans la plus pure tradition du terme, et à la fois avec une réelle modernité dans sa conception et son sens de la modernité sociale. Un peu comme à pu l’être Urgences en son temps. Au commencement c’est une bande de jeunes internes qui débarquent pour commencer leur carrière dans l’environnement très concurrentiel d’un programme chirurgical de haut niveau. Le casting des jeunes, mené par Ellen Pompeo se veut divers à la fois dans les origines culturelles, et sociales. En miroir, la même chose est mise en scène chez les “matures”. Sur cette base est construite une série qui, à la fois, utilise tous les codes de la série médicale, pour construire son rythme, épisode par épisodes, mais également en développant les histoires personnelles (et surtout sentimentales) entre les différents personnages et les différents groupes (jeunes et matures), et, ce faisant, placer la série dans une modernité : couples gays, couples inter raciaux, rapport à l’hérédité et au concept de famille, central dans la série, rapport à la mort, à la carrière, et aussi, de temps à autre, des rappels des événements qui marquent la société moderne, comme, par exemple, un tireur fou qui prend en otage l’hôpital, évoquant les drames tels que celui de Columbine. Aujourd’hui dans sa 12e saison, il est vrai que la série tourne un peu en rond. Après tout, c’est ce que les spectateurs veulent la série réunissant encore entre 8 et 9 millions de téléspectateurs tous les jeudi soirs, ce qui, de nos jours, n’est pas si mal que ça. Grey’s Anatomy est une série qui fonctionne, et qui jouit d’une qualité majeure de sa créatrice : la capacité à manipuler les codes les plus éculés de la télévision (comme ceux du soap, par exemple), et de leur insuffler une certaine modernité. Allons même plus loin, dans la mise en scène de la modernité, il y a même, parfois, dans les séries Rhimes, une capacité à l’avant-garde, et aussi aux scène un peu choc et marquantes.

ABC ne s’y trompe pas et commande, dès 2007, soit au moment de la 3e saison de Grey’s Anatomy un spin-off : Private Practice.

Construite autour du personnage de Kate Walsh (Addison Montgomery) issue de la série mère, la série se déroule à Los Angeles dans un cabinet de médecine privé. Private Practice est pratiquement l’antithèse médicale de sa grande sœur. Point d’hôpital ici, mais un espace de travail plus proche de celui que l’on retrouve dans les workplace dramas. Point de compétition entre les praticiens, mais un environnement collaboratif. Point de spécialités élitistes, mais au contraire, les pratiques médicales peu explorées à la télé, comme la gynécologie, la pédiatrie, ou encore les médecines parallèles. Autours de Kate Walsh est construit un très beau casting pour cette série, incluant, notamment, Taye Diggs, Tim Daly, Amy Brenneman ou encore Caterina Scorsone qui continuera la carrière de son personnage dans Grey’s Anatomy après l’arrêt de la série, bouclant ainsi la boucle. Tout au long de ses 6 saisons, la série va, d’une certaine manière, être le complément de Grey’s Anatomy dans la volonté de Shonda Rhimes d’utiliser les codes balisés de la télévision pour exprimer une vision moderne de la société. Par la nature des professions médicales représentées, c’est plutôt autours des questions de la famille, et de ce qu’elle signifie dans ce début de millénaire que la série va se concentrer. Allant parfois jusqu’à des scènes ou des situations choc (comme une “césarienne” brutale faite par une psychopathe sur un des personnages, ou une autre enceinte d’un bébé en mort cérébrale), la série sera arrêtée en saison 6. Durée relativement honorable, force est pourtant de constater que la série s’est essoufflée assez rapidement, les recettes fonctionnant en milieu hospitalier devenant beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre lorsque l’on sort de cet environnement. C’est d’autant plus vrai que cette exploration du médical par Shonda Rhimes ne serait pas complet sans citer l’éphémère Off the map, dont elle n’est certes que productrice, et qui ne vivra que 13 petits épisodes entre 2001 et 2012. Mettant en scène des médecins au milieu d’une jungle d’Amérique du sud, la série voulait proposer une version “médecine de terrain” de la série médicale. Là encore la recette a pour cœur les histoires personnelles des différents personnages, tout en rythmant les épisodes d’histoires un peu plus aventureuses, l’environnement étant relativement hostile. La série ne prend pas et est abandonnée rapidement.

Grey’s Anatomy démontre la capacité de sa créatrice de se saisir de codes éculés, et de les moderniser. On pourra le voir avec encore plus de force dans la seconde partie de ce portrait consacré aux séries “de genre” de la productrice.

La créatrice n’est pour autant pas mono-genre, loin s’en faut, et c’est avez des propositions plus hybrides qu’elle continue son bonhomme de chemin. Tout d’abords avec la désormais très réussie Scandal et plus récemment avec How to get away with murder et cette saison The Catch. La chaîne a tellement confiance en la productrice qu’il y a, désormais, et c’est un fait unique à la télévision américaine, un soir de la programmation qui est exclusivement consacrée à Mme Rhimes, le jeudi soir, le Shonda Thrusday. Plus que la consécration d’une créatrice de télévision au-delà de ses création, c’est aussi une preuve supplémentaire, s’il en fallait encore une, que nous sommes définitivement au temps des showrunners.

Les racines du mal

Le second énorme succès de la productrice est sans aucun doute la série Scandal. Basée sur l’expérience de Judy Smith, spécialiste de la gestion de crise et membre de l’équipe de presse de l’administration de George W. Bush, elle met en scène, au départ, une équipe de spécialistes en charge de gérer les crises des puissants de Washington et en relation étroite avec le pouvoir présidentiel. C’est le point de départ à partir duquel la série a largement évolué. Finalement hybride entre la série politique et le soap du soir, la série s’autorise tout et n’hésite pas à aller parfois vers le grand-guignolesque le plus énorme, sans que l’on trouve cela “trop”, en tant que spectateur.

Comme c’était déjà le cas dans Grey’s Anatomy, et c’est sans doute ici encore plus mis en avant, un des enjeux de la série est de mettre en scène la diversité au plus haut niveau du pouvoir. Le rôle central de la série, Olivia Pope (Kerry Washington), est une afro-américaine qui est la maîtresse du Président Grant (Tony Goldwyn), blanc et républicain. Le chief of staff du Président est un homme ouvertement gay, et républicain (plus ou moins), pour ne prendre que les exemples les plus visibles. Rapidement la série n’hésites pas à aller dans tous les territoires que permet le genre dans lequel elle s’inscrit, et au-delà : Conspiration, élections truquées, puissance des lobby, terrorisme, guerre, enlèvement, meurtre, etc.. Plus encore, dans sa saison actuelle, la série se paie le luxe de faire une narration des primaires républicaines avec un personnage qui ressemble beaucoup à Donald Trump (et qui est dans la série depuis longtemps), y comprit physiquement, face à… deux femmes ! Mais au-delà de cette base, la série est aussi le début d’une exploration du mal. Ici aucun personnage n’est fondamentalement “bon”, mais au contraire, ils sont tous en teinte de gris, évoluant dans un environnement dans lequel tout le monde ne réagit qu’en fonction de ses intérêt. C’est d’autant plus intéressant que la série se construit autours de symboles, simples, voire simplistes et perpétuellement répétés comme des vérités absolues. Pour le démontrer on peut presque se contenter du dialogue initial du pilote qui pose la question “Veux-tu être un gladiateur ?”. Ou encore la dichotomie entre les “Chapeaux blancs” et les “Chapeaux noirs”. Et l’on pourrait continuer à citer encore et encore tous les éléments symboliques qui construisent les dialogues de la série, rendant sa lecture simpliste, alors que dans la narration c’est l’inverse. A ce titre, la série bénéficie d’une écriture d’excellente qualité, très identifiable et assez unique.

Allant plus loin dans son exploration du mal, c’est la série suivante de Shonda Rhimes, How to get away with murder qui sous l’apparence d’un drama judiciaire est en fait un thriller en bonne et due forme. L’ensemble des éléments cités plus haut, à l’exception de la symbolique permanente, sont également présents ici ; Diversité, modernité, manipulation des codes. Sur la forme, on passe son temps entre deux temporalités, le présent et le futur sous la forme de flash-forward, à la manière de Damages, dont elle s’inspire, d’évidence. En prenant pour coeur de personnages des étudiants, c’est un peu la recette de Grey’s Anatomy à la sauce meurtre. A ce titre on peut également y voir une réelle inspiration puisée chez Kevin Willamson. Plus encore que dans Scandal, la série est réellement une exploration du mal, tous les personnages sont cyniques et ont un sens moral à dimension variable. La mort rôde, et finalement l’aspect judiciaire de la série est assez secondaire, alors même que c’est l’argument initial. Dernier point à noter sur la série, les saisons qui ont une durée de 15 épisodes. Officiellement pour maintenir le rythme de l’intrigue, mais sans doute surtout pour s’adapter à l’agenda de Viola Davies, actrice de cinéma par ailleurs, avec un certain succès.

La dernière série en date de l’univers Shondaland, The Catch, vient à peine, au moment où ses lignes sont rédigées, de débuter. Difficile dès lors d’avoir une vue d’ensemble. Néanmoins, force est de constater que, dans ses premiers épisodes, la série prend un chemin plus classique que ses cousines. Mettant en scène une agence spécialisée dans la contre-arnaque, l’héroïne se voit elle-même arnaquée, et un jeu de chat et de souris s’entame entre elle et sont arnaqueur. S’inspirant définitivement, esthétiquement de la télévision des années soixante, la série propose un environnement épuré et classe. Plus lisse que les précédentes, avec des audiences moins bonnes, The Catch est une série qui a encore a faire ses preuves. Un des manques ? Sans doute, et contrairement aux autres séries, une vision beaucoup plus conservatrice de la société à tous les niveaux.

Crédit: ABC

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