Partout en France, les tribunaux rendent la Justice et ne connaissent pas de vacances estivale. Aujourd’hui, immersion au sein du Tribunal correctionnel de Lille, place du peuple Belge.
Une douzaine d’affaires présentée lundi 2 aout à la barre du Tribunal correctionnel de Lille. Tous les accusés comparaissent sous le régime de la comparution immédiate, une procédure où l’examen du dossier est rapide. Dans la salle d’audience, le public est venu en nombre. Les familles, les victimes, les interprètes se mêlent aux policiers, avocats, huissiers, greffe, procureur, juges et accusés. L’environnement est austère, gris, l’isolation sonore est mauvaise si bien qu’un grand brouhaha s’entend avant l’entrée des membres du Tribunal. Au programme aujourd’hui : violences conjugales, courses poursuites, vol sans violence et frotteur.
Course poursuite, taser, prison
Bachir A. est originaire de Palestine, il a 19 ans. Il se trouve en France en situation irrégulière, il survit dans un squat et de petits travaux non déclarés. Ce jeune homme est connu des services de la justice depuis le 27 mai dernier. Il a en effet été condamné pour vol à une petite peine avec sursis. Ce que la Procureur lui reproche aujourd’hui est beaucoup plus grave. Le 31 juillet à Roubaix il refuse d’obtempérer à un contrôle routier de police. A 6h15, Bachir. A attire l’oeil d’une patrouille de fonctionnaires après avoir évité de justesse en premier accident. Les policiers lui font alors comprendre leur intention de le contrôler. Mais Bachir A. ne l’entend pas de la même façon et se lance dans une course effrénée.
Au volant, l’individu en fuite est accompagné de 4 personnes. Il grille des feux, des stops, s’affranchit de toutes les règles du code de la route et met en danger tous les autres usagers. Après 20 minutes de course poursuite, Bachir A. rate un virage et s’arrête net dans un buisson. Puis, il décide de prendre la poudre d’escampette à pied. Les policiers tentent de le rattraper mais l’individu ne se laisse pas faire. Deux coups de taser sont nécessaire pour maitriser l’homme qui assène des coups de poings aux fonctionnaires.
« Je ne me rappelle de rien »
Interrogé sur l’ensemble des faits, l’accusé joue la carte de l’amnésie. « Je ne me souviens pas de coups de taser, ni des violences sur les policiers ». Il faut dire que l’homme, lors de son arrestation, était dans un état second, certainement à cause de l’alcool. L’accusé continu ses explications : « Je suis titulaire du permis de conduire, mais je ne sais pas où je l’ai eu. Je n’ai jamais été condamné, promis je ne recommencerai pas ». Ces dires poussent le Président dans ses retranchements et se permet « C’est ça le souci, quand la Justice condamne avec du sursis ça ne sert à rien, les gens ne se rendent pas compte de la condamnation ». Bachir A. est désigné coupable des faits qui lui sont reprochés et écope d’une peine de 6 mois de prison ferme et 4 avec sursis.
« Je suis titulaire du permis de conduire, mais je ne sais pas où je l’ai eu. Je n’ai jamais été condamné, promis je ne recommencerai pas ».
Bachir A.
Course poursuite, accidents, drogue
Une seconde affaire de course poursuite s’apprête à être étudiée. Cette fois-ci les conséquences sont plus importantes. Sofiane S. 21 ans est amené par l’escorte dans le box des accusés. Le juge présente les faits qui lui sont reprochés. Ils sont nombreux : refus d’obtempérer, conduite sans assurance, conduite sous stupéfiant, rébellion, refus de se soumettre aux dépistages légaux et diverses infractions aux codes de la route. Le 28 juillet, Sofiane S. est au volant d’une Audi A3, 250cv, une voiture puissante. Après un premier feu grillé, une équipe de policiers minimaux la prend en chasse. À sa vue, Sofiane S. accélère et dans sa folle course tape deux voitures dont une où à son bord, il y a deux enfants.
« Je ne me suis pas arrêté car je ne voulais pas perdre mon permis. J’ai été pris de panique, j’avais de la drogue sur moi, je ne voulais pas que l’on saisisse la voiture de mon ami ». Voilà la défense du jeune garçon dont la famille est présente dans la salle. La première voiture qu’il a percuté est bonne pour la casse. La conductrice blessée au bras est encore choquée. Ses deux enfants n’ont miraculeusement rien. Dans la seconde, les passagers sont très légèrement blessés. Le Tribunal le condamne à une peine de 6 mois de prison ferme et 6 mois avec sursis. Également, Sofiane S. a l’obligation d’indemniser toutes les victimes, son permis est annulé et la voiture confisquée. Il avait déjà été condamné pour des faits similaires en 2019.
Violences conjugales
Deux hommes dans deux affaires différents sont condamnés à des peines de prisons pour violences conjugales. Le premier Kader. K. est accusé de violences sur sa femme Sonia. Mariés depuis 2009, le couple ne connait que des disputes. À la barre, sa femme raconte son calvaire : « Il a changé lorsqu’il a eu la nationalité française. Il frappe sur nos filles régulièrement, il est agressif. Le 31 juillet il m’a donné 4/5 coups de poings ». Le juge comprend alors que les violences conjugales sont anciennes et s’en prend à la victime : « Donc vous avez accepté ces violences pendant 10 ans, c’est comme ça que vous élevez votre famille ? ». Finalement, son mari est reconnu coupable et est condamné à 4 mois de prison ferme et 4 avec sursis.
L’autre homme condamné est accusé par deux femmes de violences. Florian B. menace et bat ses deux dernières compagnes depuis 2019. Cela a commencé par de la dévalorisation, puis tout est allé crescendo jusqu’aux étranglements. Lui leur reproche de l’extorquer, d’avoir organisé des tentatives de meurtres à son égard. En effet, il dit craindre pour sa vie depuis que des membres de la famille d’une de ses compagnes à tenté de l’écraser. Le Tribunal prononce une peine à son égard de 5 mois de prison à domicile avec port d’un bracelet électronique, et à 5 mois de prison avec sursis.
Frotteur lillois
A 18h30 le cas le plus complexe est jugé. Sémir D. se présente à la barre des accusés. On lui reproche des atteintes sexuelles en état ivresse dans le métro lillois sur diverses femmes. Les faits sont confirmés par une victime qui a accepté de se rendre à l’audience et de faire face à son agresseur. « J’ai senti quelque chose me toucher les fesses, je ne sais pas si c’était ses mains ou son sexe mais c’était de couleur chair ». Les caméras de surveillance corroborent l’ensemble des faits, l’accusé avoue ses fautes. Les explications qu’ils donnent sont glaçantes. « Je souffre de problèmes mentaux. Mon traitement psychologique a des conséquences sur ma libido. Ce soir là, je voulais ressentir l’excitation, je voulais avoir une pulsion ».
« Ce soir là, je voulais ressentir l’excitation, je voulais avoir une pulsion ».
Sémir D.
Malheureusement, Sémir D. est déjà connu pour des faits similaires. Par deux fois il a été condamné pour agressions sexuelles, aujourd’hui il encoure une peine de 14 ans de prison ferme en raison du caractère récidiviste. L’expert qui l’a examiné affirme que ses soucis de santé ne l’empêche pas d’être incarcéré et que les risques de récidive sont importants. Pour la Procureur « Les explications données sont effrayantes », pourtant la victime ne souhaite aucun dédommagement « Je veux qu’il soit suivi par des professionnels médicaux. Moi je vais continuer à prendre le métro, je me refuse d’avoir peur » s’exprime t-elle à la barre. Le Tribunal le condamne à 4 mois de prison ferme et 4 mois de sursis.