Vendredi dernier, on apprenait avec stupeur la disparition de Michel Cordes de Plus belle la vie. S’en est suivie une pluie de réactions de toute part !
Roland Marci était l’âme du Mistral (dans Plus belle la vie) ; Michel Cordes était celle de la série tout entière. Pas étonnant que la disparition de son alter ego sériel ait été le dernier grand événement envisagé pour arriver à la fin de la série. En assistant à la mort de Roland en octobre, c’est tout un quartier qui a pleuré. En apprenant celle de Michel Cordes, c’est tout un pays qui a été sous le choc, et ce, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
« Tous les soirs à 20H10, et pendant dix-huit ans, son comptoir marseillais fut le point névralgique des intrigues et des passions où le personnage de Roland figurait avec accent, bonhommie et humanité un art de vivre et une convivialité dans lesquels des millions de téléspectateurs se reconnurent »
Communiqué de presse d’Emmanuel Macron
Depuis sa disparition, et indépendamment des suites de l’enquête, les réactions furent nombreuses, d’abord de la part du public qui pleure celui qu’il a retrouvé chaque soir sur France 3. Puis d’une grande partie des comédiennes et comédiens de la série qui pleurent conjointement comme d’un seul cœur « l’inoubliable patriarche du Mistral, le pilier de la série, l’incarnation du Sud qu’il aimait tant. » En effet, dans une série qui devait permettre à chacun de s’identifier aux personnages, au nord comme au sud, Roland était le seul personnage de la série avec l’accent du sud. Dès les premières minutes de la série, il a suffi qu’il ouvre la bouche pour que chacun accepte le fait que la série prenait bien place dans ce sud qui réchauffe les cœurs. Moins de 24h après sa disparition survient celle d’une autre figure de la littérature cette fois, Philippe Sollers. Si la « noblesse de la littérature sur les séries » semble l’emporter pour certains médias, c’est bien le départ de Michel Cordes qui finalement emporte tout avec elle. La puissance de la narration sérielle, et plus encore celle du soap, permet de comprend cet élan en faveur d’un comédien populaire au sens noble du terme.
Depuis ses débuts, le soap opera a été le genre qui fidélise le public. D’abord sur le médium radio, puis sur la télé. Plus que la série traditionnelle de prime time qui revient d’une semaine à l’autre, le soap est diffusé quotidiennement. Quand on adhère à cet univers ou/ et à ses personnages, c’est comme une seconde famille qui entre chez soit chaque jour à heure fixe. Une famille pour qui on rit, on pleure, on tremble mais qui jamais ne nous laisse insensible. Dans ce genre du temps long qui s’écoule « comme le sable dans la sablier » (selon le générique de Days of our lives), on évolue et on vieillit en même que nos personnages préférés, parfois même grâce à eux. Certains personnages entrent dans nos vies au début de la série et n’en ressortent qu’à la fin de la série, ou plus fort encore à la fin de leur propre vie, comme ce fut le cas de Jeanne Cooper dans Les feux de l’amour ou de Frances Reid dans Des jours et des vies. Si Michel Cordes aura un peu survécu à la fin de la série, il en a incarné chaque respiration.
En positionnant la place du Mistral comme élément central de la série dès le 1er épisode (c’est là que la famille Marci apparaît en rentrant de vacances), les auteurs ont mis son occupant numéro 1 dans la même position. Ainsi, face à un casting appelé au fil des années à changer (par la volonté des comédiens ou des auteurs), certains acteurs ont été des marqueurs incroyables de stabilité durant 18 ans. Si Michel Cordes n’était pas le seul, sa position de patriarche et de propriétaire du lieu où chacun se retrouve et « où tout le monde connaît votre nom » (selon le générique de Cheers) l’installe dans la position d’être le Mistral et donc d’être Plus belle la vie.
Comme dans la vie qu’il représente un peu, le soap offre au patriarche et / à la matriarche, un statut spécial, hors catégorie : celle de poumon de la série, mais aussi de mémoire, garante de la stabilité des lieux mais aussi de l’âme d’un passé sériel qui appartient à tout le monde. Si le décès de Michel Cordes a autant marqué, c’est pour une raison simple : que l’on soit un fan de la première heure ou un spectateur occasionnel, à l’instant où l’on a allumé la télévision et qu’on a regardé la série, on est tombé sur le sourire et la faconde de ce comédien attachant de qui on voulait être l’ami ou le petit fils. Et ce rituel s’est inlassablement répété, soir après soir, épisode après épisode durant 18 ans. Quand la façon de filmer a changé, que les décors ont évolué, que de nouveaux visages ont naturellement pénétré cet univers, Roland Marci était l’ancre qui nous permettait de toujours reconnaître un peu la série car on avait l’impression que lui ne changeait pas. Cette stabilité dans un monde qui va vite, trop vite même, est un élément fondamental qui permet de comprendre pourquoi on s’attache à ses histoire, à ses personnages, pourquoi on les aime. C’est aussi ce qui permet de comprendre pourquoi le soap n’est pas et ne sera jamais un genre mineur de la télévision mais bien son ciment le plus essentiel.