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Qui était Georges Kiejman, cet avocat décédé à 90 ans ?

Georges Kiejman, avocat et ministre sous François Mitterrand, s’est éteint ce mardi 9 mai à l’âge de 90 ans. Le monde de la justice perd un immense avocat, grand pénaliste et spécialiste en droit d’auteur.

Né le 12 août 1932 à Paris, Georges Kiejman fut marqué par son passé : le décès de son père déporté et décédé à Auschwitzen 1943. Il fut alors élevé par sa mère. Il effectuera ses études secondaires à Saint-Amand-Montrond dans le Cher, suivra des études de droit à la Sorbonne et obtiendra son diplôme d’études supérieures de droit public. En décembre 1953, il devient avocat en prêtant serment devant la Cour d’appel de Paris. Déjà brillant orateur, il obtient la coupe d’éloquence de l’Union des Jeunes Avocats en 1954 et l’année suivante il devient le deuxième secrétaire de la conférence du stage.

Tout au long de ses 70 années de barreau, Georges Kiejman s’est illustré comme un éminent spécialiste des droits d’auteur, de propriété littéraire, d’édition, de cinéma, de presse. Lui qui s’était en effet d’abord spécialisé dans les droits d’auteurs fut l’avocat de nombreux éditeurs (Gallimard, Le seuil notamment), d’acteurs (Yves Montand, Simone Signoret, Sophie Marceau, …), réalisateurs (François Truffaut, Jean-Luc Godard, Jacques Demy, Maurice Pialat, Jacques Rivette, …). Il défendit également les héritiers d’Albert Camus ou encore Eugène Ionesco.

Il s’est illustré dans de nombreuses affaires médiatiques : en 1976, il obtient l’acquittement du militant d’extrême gauche Pierre Goldman, poursuivi pour le meurtre de deux pharmaciennes. Il sera l’avocat d’Alain Caillol, un des ravisseurs du Baron Edouard-Jean Empain en 1978. En 1986, il est le défenseur de la famille de Malik Oussékine, étudiant de 22 ans, pris en chasse par des policiers, recevant des coups de matraque, lors de la manifestation contre le projet de loi Devaquet. Le jeune Oussékine décédera quelques heures plus tard. L’avocat n’hésitait pas alors à faire état d’un pré-rapport du médecin régulateur du SAMU :

« on a voulu nous masquer la vérité. », « sans ces coups, Oussékine ne serait pas mort ».

Georges Kiejman était réputé être un homme de gauche, proche de Pierre Mendès France et de François Mitterrand. Il sera l’avocat des héritiers de François Mitterrand, à la suite de la sortie du livre Le grand secret, dont l’auteur n’était autre que le médecin personnel de l’ancien président, le Dr Gubler. Selon un communiqué de la famille Mitterand, Maître Kiejman « a été chargé de déposer plainte contre le Dr Gubler pour violation du secret professionnel et aux fins d’obtenir la saisie de son livre ». Et l’avocat de faire alors état d’« une inadmissible violation du secret médical, d’une violation de la loi ». « Le caractère absolu du secret médical est certain » avait-il soutenu avec force. « Il s’agit de savoir si, dès lors qu’on répand de l’encre sur du papier, on peut commettre impunément un délit ». En référé, le livre sera retiré de la vente puis interdit de publication par le tribunal de grande instance, confirmé en appel et devant la Cour de cassation (l’interdiction sera ultérieurement levée par la Cour européenne des droits de l’homme).

Malgré ses convictions de gauche, il avait également défendu Jacques Chirac dans le procès des emplois fictifs à la Mairie de Paris.

Il fut encore le défenseur de Charlie Hebdo dans l’affaire des caricatures de Mahomet, le défenseur de la famille de Marie Trintignant lors du procès engagé à l’encontre de Bertrand Cantat. Lui qui, à propos de cette dernière affaire, soulignait en 2019, sur le plateau de On n’est pas couché :

 « si l’affaire se plaidait aujourd’hui, on serait beaucoup plus sensibles aux violences faites aux femmes« .

Il a également servi comme ministre délégué à la Communication en 1991 puis ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères en 1992.

Côté vie privée, Georges Kiejman fut d’abord marié à l’actrice Marie-France Pisier, avec laquelle il partagea sa vie de 1973 à 1979. Puis, il vécut avec Françoise Giroud pendant deux années. Et comme il l’écrivit dans ses mémoires L’ Homme qui voulait être aimé, rédigés avec la journaliste Vanessa Schneider et publiés en 2021 chez Grasset : « Notre histoire a duré deux ans. Mais nous sommes restés liés jusqu’au bout. » Depuis 1983, il était marié à la journaliste Laure de Broglie. De cette union sont nés trois enfants.

Le journal Le Monde a rapporté qu’il souffrait de problèmes cardiaques depuis plusieurs années. George Kiejman avait confié, en décembre 2020, qu’il attendait :

 « le saut final (…) en affichant une sérénité, mais en ne l’éprouvant absolument pas, même si j’ai eu une vie magnifique. »

Son décès a suscité une pluie d’hommages. Notamment, sur Twitter, Éric Dupond-Moretti a souligné qu’il fut un « Immense plaideur », un « avocat impertinent », il laisse « un vide immense que rien ni personne ne pourra jamais combler ».

Sa mort est une perte pour la profession juridique et pour la France dans son ensemble. Il restera dans les mémoires comme l’un des avocats les plus talentueux et les plus doués de sa génération.

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A lire aussi : Qui était François Léotard, cet ancien ministre décédé à 81 ans ?

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