Ce vendredi 7 juillet, le tribunal judiciaire de Paris a finalement différé sa décision concernant le blocage des 5 sites pornos.
Face à l’incapacité de contrôler l’âge de leurs visiteurs, cinq sites de vidéos pornographiques, dont le géant Pornhub, pourraient être bloqués en France. Cette sentence ne sera appliquée qu’aux sites dont la législation destinée à protéger les mineurs n’est pas correctement mise en œuvre par les plateformes de diffusion et les fournisseurs d’accès. Ce vendredi 7 juillet, le tribunal judiciaire de Paris devait rende sa décision. Il a finalement différé cette dernière dans l’attente de l’examen par le Conseil d’Etat des recours contre le décret qui impose une vérification de l’âge des visiteurs.
Les leaders du secteur sont concernés : Pornhub, XVideos, XHamster, mais aussi TuKif et Xnxx. La demande de blocage a été initiée en 2021 par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Pour l’heure, les cinq sites, faute d’empêcher réellement l’accès à leur contenu par les mineurs, risquent encore tous le blocage en France.
Pour accéder à leur contenu, il suffit seulement d’un simple clic pour “certifier sur l’honneur” que l’on a bien 18 ans révolus. De fait « 20 % de leurs recettes publicitaires repose sur le trafic généré par les mineurs ». Cet « appât du gain« est par ailleurs vivement critiqué par Jean-Noël Barrot, ministre délégué au Numérique qualifiant, dans les colonnes du SudOuest , les responsables de “Rien qu’une bande de mercenaires cupides, sans cœur, irresponsables”.
Depuis juillet 2020, la loi précise que les sociétés ne peuvent s’exonérer de leurs responsabilités avec une simple déclaration de majorité. Cependant, comme le rappelle LeMonde, entre « ratés de procédure de l’autorité administrative et manœuvres dilatoires menées par les sites visés, le tout sous le regard impassible des opérateurs de télécoms chargés de mettre en œuvre un éventuel blocage », rien ne s’est passé comme prévu. Et pourtant « le constat est terrifiant” comme le souligne ce jeudi 6 juillet dans son tweet Jean-Noël Barrot.
Des chiffres alarmants
Il poursuit : « 80% des enfants sont exposés avant 18 ans, et l’âge moyen baisse considérablement. » Autres chiffres alarmants, selon une récente étude de Médiamétrie commandée par l’Arcom et révélée fin mai, 2,3 millions de mineurs (30%) sont exposés à des images pornographiques pendant plus de 50 minutes en moyenne chaque mois. Cette proportion est à peine plus faible que chez les adultes qui sont 37% à consommer ces contenus, via l’étude réalisée en France en 2022 auprès de 25.000 panélistes.
De potentiels outils
Le gouvernement est à ce jour en phase de test pour une nouvelle application. “Un utilisateur d’un site pornographique, lorsqu’il souhaitera y accéder, devra certifier de sa majorité en cliquant sur cette attestation numérique, expliquait en février à nos confrère du Parisien le ministre délégué au numérique. Cela fonctionnera un peu comme le contrôle demandé par votre banque lorsque vous réalisez un achat en ligne, sauf que ce certificat de majorité sera anonyme.” poursuit-il.
Un autre outil pourrait être celui de l’empreinte de carte bancaire. Il ne s’agirait pas pour l’internaute de payer pour accéder à du contenu pornographique, mais simplement d’utiliser sa carte pour montrer qu’il a plus de 18 ans.
L’avis de deux professionnels
Nikita Bellucci, star française de la pornographie et jeune maman, et Thomas Rohmer, fondateur de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, regrettent eux aussi la lenteur des autorités françaises à légiférer sur l’accès des mineurs à la pornographie. Pour les deux collaborateurs, que Le Parisien a rencontrés, il s’agit d’une “urgence nationale” qui n’est pas traitée à la hauteur de son importance. Les deux militants pointent également la responsabilité des réseaux sociaux, sur lesquels l’empreinte de carte bancaire ne serait de toute façon pas une solution.
Pour eux, l’un des problèmes de fond réside dans notre difficulté, en France, à parler de sexualité tout court. « À force d’avoir cette petite morale bourgeoise, ce sont les enfants qui trinquent, on n’en parle pas à l’école, les parents non plus, l’État ne prend pas ses responsabilités » , détaille Nikita Bellucci.
“Ce qui nous inquiète, c’est qu’on demande à l’Arcom (l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) d’établir un cahier des charges technique pour vérifier l’identité des utilisateurs que la France accepterait de juger recevable. Or c’est un piège qui vient des sites pornos, qui n’a pas marché en Angleterre ou en Louisiane, il est au cœur de la plaidoirie des sites”, s’alarment en chœur les deux intervenants.
Pas de « solution parfaite »
Pour Jean-Noël Barrot, ce sont, certes des « solutions imparfaites” mais elles sont “suffisantes » pour éviter « l’exposition massive et parfois involontaire de nos enfants à ces contenus ». Mais « nous aurons besoin de solutions peut-être plus fiables, plus protectrices des données personnelles« , a-t-il reconnu, en assurant avoir « encouragé des entreprises françaises à se lancer dans le domaine de la vérification d’âge sur internet ». Dans tous les cas, le ministre compte sur son projet de loi de régulation du numérique, en cours d’examen au Sénat, pour permettre à l’Arcom de se passer du juge. L’Arcom a d’ailleurs plus récemment mis en demeure trois nouveaux sites, dont YouPorn, et lancé une procédure judiciaire à l’encontre de deux autres plateformes.
Le Royaume-Uni tente lui aussi de mieux filtrer l’accès aux sites porno. Un projet de loi sur la sécurité en ligne est à ce jour en discussion au Parlement. Quant aux Etats-Unis, la Louisiane et l’Utah ont intégré dans la loi une vérification de l’âge des internautes. Cependant, les projets de mise en place d’une vérification de l’âge des internautes dans le monde se sont pour le moment heurtés à la question de la protection des données personnelles.