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Iran, vers les chemins de la liberté ?

Samedi, le modéré Hassan Rohani a remporté haut la main les élections présidentielles iraniennes, dès le premier tour. Avec un score de 50,71%, il créé la surprise en détrônant les cinq autres candidats conservateurs. Ce religieux modéré incarne un espoir de changement, après les huit ans au pouvoir du président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, qui s’en sort avec un bilan catastrophique. Hassan Rohani pourra-t-il faire souffler le vent du changement en Iran? Nos deux rédacteurs débattent sur la question.

POUR :

Une pierre deux coups

Près de 51% des voix, une victoire dès le 1er tour, 71% de participation et pas d’irrégularité constatée par le Conseil des Gardiens. C’est un pied de nez direct envers le Guide Ali Khamenei. Mais aussi aux médias occidentaux quand partout, on pouvait lire que l’élection était jouée d’avance du fait de l’emprise du Guide sur celle-ci. En effet, Saïd Jalili, le plus proche de ce dernier, n’a obtenu que 4 168 946 voix, arrivant en troisième position avec à peine plus de 11 % des suffrages. De ce fait, on espère que les médias occidentaux, trouveront de l’intérêt à se réinteresser au pays qu’est l’Iran, avec comme tout pays, une vie politique et sociale, afin d’en finir avec la diabolisation simpliste habituelle.

Une figure d’espoir

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Les partisans de Rohani se félicitent de leur choix. «On a voté pour la liberté» scandent-ils dans les rues de Téhéran le 15 juin au soir.
L’image de Rohani joue sur plusieurs fronts à son avantage. Religieux et ouvert au dialogue, son passé politique est plutôt glorifiant. Il se veut réformiste et incarne donc un regain d’espoir fort vers la libération des moeurs impulsée depuis quelques années.

L’enjeu nucléaire

«Le cheick diplomate» suscite tout l’intérêt de l’Occident pour ses positions vis-à-vis du nucléaire. En 2003, lors de négociations avec Paris, Londres et Berlin, il avait accepté la suspension de l’enrichissement d’uranium et l’application du protocole additionnel au Traité de non-prolifération (TNP), permettant des inspections inopinées des installations nucléaires iraniennes. Cela permet d’espérer un dialogue avec l’autorité militaire d’Israël, qui s’était plusieurs fois dit prête à mener des frappes préventives sur les sites nucléaires iraniens.

Un homme mais pas seulement

Au delà de Rohani président, il faut également considérer l’influence des hommes de main qui vont l’accompagner dans l’exercice de son activité. A l’inverse de son prédecesseur, Rohani apparaît comme un progressiste entourée de personnalités qui ont dépassé le manichéisme au profit du compromis.

Comme l’explique Trita Parsi pour The Globe and Mail «Quand Mahmoud Ahmadinejad est arrivé au pouvoir, en quelques mois il a mis à la retraite quatre-vingt des ambassadeurs les plus expérimentés et des personnalités parmi les plus qualifiées en politique étrangère. Beaucoup d’entre eux étaient pragmatiques et compétents et ont joué un rôle-clef dans les décisions les plus conciliantes de l’Iran, comme la collaboration avec les Etats-Unis en Afghanistan et la suspension de l’enrichissement [de l’uranium] en 2004. Ils ont été remplacés par des idéologues inexpérimentés mais fidèles à Ahmadinejad. Un renversement de cette tendance peut se révéler très précieux.» Les élections en Iran ne sont ni libres ni équitables, mais leur résultat compte » The Globe and Mail, 13 juin.

par Guillaume Corbillé

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CONTRE :

Réformateur ne veut pas dire révolutionnaire

Candidat des jeunes, favorable à une ouverture sur l’Occident, défenseur de la condition féminine, Hassan Rohani a tout pour plaire. Dès le lendemain de son élection, il promet les changements qu’espèrent les 18 millions d’iraniens qui ont voté pour lui. Or, après huit ans de pouvoir conservateur, les attentes sont énormes ; on lui demande tout et tout de suite. Mais on oublie qu’on peut difficilement tout changer du jour au lendemain : même en France, François Hollande a du mal à porter les réformes cruciales de sa politique.

Un « réformateur » iranien n’a rien d’un réformiste européen, il ne peut – et ne veut certainement pas révolutionner le système politique iranien, comme l’entendent les européens. Galvanisé par les médias occidentaux, M. Rohani lancera des réformes sociétales importantes, certes, mais il ne faut pas s’attendre à des mutations extraordinaires ; l’égalité des sexes ne sera pas pour demain. Le nouveau président de la République Islamique de l’Iran est certes réformateur mais il n’en est pas moins un homme religieux, soucieux d’appliquer les préceptes du Coran. Des réformes auront lieu, mais toujours en accord avec les textes sacrés, nous ne sommes pas dans un Etat laïque. Le nouveau pape, François, est vu comme un réformateur, il condamne pourtant très fermement l’homosexualité, l’avortement et l’euthanasie. La question du réformisme est d’autant plus ambiguë avec la religion.

Une brebis galeuse au milieu des loups

Car si Hassan Rohani est, aux yeux de la République, le président, le Coran lui est roi. Pour les Iraniens, personne n’a le pouvoir si ce n’est Dieu. Les religieux ont la primauté sur le pouvoir. La politique de ce pays est fixée en tant que « république théocratique islamique ». Cela peut choquer nous, occidentaux, habitués à une République laïque ; mais la France reste le 9e pays le moins croyant au monde, tandis que plus de 99,7% des iraniens sont religieux.

000Après Dieu, c’est le Guide Suprême qui est le véritable représentant du pouvoir ; Hassan Rohani ne figure donc qu’à la troisième place dans la hiérarchie. Le très conservateur Ali Khamenei – le Guide Suprême, possède les attributs d’un président de type « occidental ». Il est le chef des armés, il supervise les décisions de l’exécutif, il nomme les patrons des médias, les hauts magistrats, les commandants des forces armés, et peut démettre le Président de ses fonctions. Il faut savoir que le poste de président n’était à l’origine qu’une fonction honorifique ; Hassan Rohani n’est pas le chef de l’Etat et dispose de très peu de pouvoirs.

De plus, le Parlement Iranien – le Majles, l’appareil législatif de l’Etat, est lui aussi très conservateur. Il ne reste plus qu’à vous donner l’orientation du pouvoir judiciaire, élu par le Guide Suprême, mais je pense que vous avez très bien compris. Si le « cheikh diplomate » a été élu président avec 50,71% des voix, l’autre moitié de la population reste du côté des divers courants conservateurs, ce qui pourrait susciter des débats à venir ; comme François Hollande, Hassan Rohani a été élu grâce à un vote contestataire.

Les dossiers épineux

Le président ne s’est à peine assis sur son trône que, déjà, il est investi d’une pseudo-mission divine par l’Occident. L’Iran souhaite étendre son programme nucléaire au même niveau que ses voisins, l’Israël, le Pakistan ou l’Inde. Mais à l’international, beaucoup soupçonnent le régime d’utiliser la puissance atomique à des fins militaires. L’Iran soutient également le Hamas, dans le conflit israélo-palestinien, mais aussi le régime très controversé de Bachar El-Assad. En effet, 89% des iraniens sont de confession musulmane, chiite, tout comme les palestiniens et le régime syrien (solidarité quand tu nous tiens). On demande à M. Rohani de neutraliser l’arme nucléaire, régler le conflit syrien… Mais il ne peut rien faire, tout est sous la tutelle du Guide Suprême, Ali Khamenei. Au final, ce sont des changements sur la forme, mais sur le fond, difficile d’espérer quoi que ce soit.

par Jérôme Wysocki

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