Harcelée qui avait reçu deux prix au Festival de la Rochelle en 2016 sera diffusé sur France 2 le 11 octobre. Quel est le résultat?
Dans le cadre d’une soirée consacrée au harcèlement sexuel au travail, France 2 diffuse Harcelée un téléfilm sur un sujet on ne peut plus grave et contemporain qui avait été primé à deux reprises au Festival de la Fiction TV de la Rochelle en 2016 (meilleur scénario et meilleure interprétation féminine) et qui sera suivi de la diffusion d’un documentaire Infrarouge : Harcèlement sexuel au travail, l’affaire de tous puis d’un débat.
C’est une véritable soirée d’information et d’utilité publique qui sera illustrée par ce téléfilm interprété notamment par Armelle Deutsch, Thibault De Montalembert et Lannick Gautry. Harcelée est t-elle bien l’œuvre digne de traiter ce sujet et de sensibiliser le grand public à cette cause qui touche en France, 1 femme sur 5 et à l’heure où aux États-Unis le scandale de harcèlement sexuel impliquant le producteur Harvey Weinstein fait la une des journaux. Où s’arrête la séduction et où commence le harcèlement ? Ce sont les grandes questions soulevées entre autres par Harcelée. Verdict ?
Mais c’est quoi déjà… Harcelée ? Après trois ans de congé parental pour s’occuper de son fils, Karine peine à retrouver un travail. C’est alors qu’elle rencontre Antoine, père de la nouvelle amie de sa fille et directeur d’une boîte de marketing, qui lui propose un remplacement. Karine se voit confier des missions qui dépassent ses espérances. Mais le charismatique Antoine, d’abord charmant et prévenant, devient peu à peu inquiétant. Avec son omniprésence étouffante, il envahit l’intimité de sa famille, et bientôt l’intégrité de son corps. À travers cette lente descente aux enfers, Harcelée nous plonge dans la souffrance du harcèlement sexuel au travail.
On aurait pu craindre qu’Harcelée ne verse dans la thèse sociétale et le pathos à outrance, mais fort heureusement tous ces écueils sont évités par la puissance d’une écriture sans fard due à Nathalie Kuperman, Raphaëlle Roudot et Virginie Wagon (cette dernière se chargeant aussi de la réalisation). Harcelée est dans la droite lignée de ces fictions qui enorgueillissent le service public comme Ne m’abandonne pas ou Box 27 et qui, bien que traitant de sujets forts qui pourraient prendre facilement le pas sur la force intrinsèque de leur intrigue, parviennent malgré tout à donner des résultats puissants et émouvants.
Doté de nombreux points forts Harcelée prend pour principe de ne rien édulcorer de la dureté de son sujet tout en trouvant le bon angle pour développer une histoire crédible et immersive, construire des personnages denses et jamais binaires, dont les nuances font tout le prix et parvenir à faire monter la tension dans une progression narrative qui va crescendo. La progression du harcèlement, plaie insidieuse qui se faufile dans la vie des victimes, est parfaitement illustrée par un récit clair et direct, sans affèteries. Glacial à bien des égards dans ce qu’il montre d’inhumanité de la part du harceleur et de souffrance et de pertes de repères de la part de la victime, Harcelée met un coup de projecteur sur ce fléau, la réalisation de Virginie Wagon illustrant qui plus est très efficacement son propos sans jamais verser dans l’esbroufe
La force du sujet n’atteindrait pourtant pas une telle portée émotionnelle si Harcelée n’était pas littéralement portée par la force de ses interprètes. Même en dehors du duo central sur lequel tous les regards pourraient se porter naturellement, tous les rôles sont dévolus à de merveilleux comédiens. Lannick Gautry dans le rôle du mari de Karine est remarquable, jouant le type à côté de la plaque portant des œillères et aux sentiments fluctuants. Les jeunes Marie Barouillet et Sabine Royer sont elles aussi particulièrement justes dans des rôles qui pourraient paraître ingrats sur le papier mais dont elle se sortent avec beaucoup de maturité et de talent.
Évidemment le « couple » Armelle Deutsch-Thibault De Montalembert est au centre des attentions du téléspectateur. Thibault De Montalembert dans un rôle en totale opposition avec celui qu’il tient dans Dix Pour Cent est impressionnant de veulerie et de lâcheté. Il excelle à jouer l’ambivalence de la séduction et de la manipulation, se révèle glaçant, affichant un sourire de façade puis l’instant d’après un rictus écœurant et ce sans jamais céder à la caricature.
Armelle Deutsch est quant à elle exceptionnelle. Elle fait exploser toute la palette de jeu à sa disposition, dévoilant des micro-expressions sur une gamme extrêmement large et conférant à son personnage une folle densité. Elle livre une performance de haut vol, nous scotchant par la douleur infinie, la peur et les angoisses qu’elle distille au fil de scènes poignantes. Elle est le centre névralgique de ce téléfilm fort qui secoue les consciences et son Prix d’Interprétation au Festival de la Rochelle 2016 n’était qu’une juste reconnaissance du talent d’une actrice qui n’a pas fini de nous surprendre.
Production : Son et lumière – Vassili Clert
Co-production : France Télévisions – France 2, avec la participation de TV5 Monde et du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée, et avec le soutien de la Région Aquitaine
Scénario : Nathalie Kuperman, Raphaëlle Roudaut, Virginie Wagon
Réalisation : Virginie Wagon
Compositeur : Victor Gambard
Avec Armelle Deutsch, Thibault De Montalembert, Lannick Gautry, Marie Barouillet, Sabine Royer