Véritable « onde de choc » dans la police, l’affaire Michel Neyret est l’un des scandales policiers les plus médiatisés de ces dernières années en France. … Retour sur l’affaire en cinq éléments.
L’homme : qui est Michel Neyret ?
Michel Neyret, né le 12 avril 1956 à Landres (Meurthe-et-Moselle), est un ancien haut responsable de la police française. Après des études de droit, l’obtention d’une maîtrise, sa réussite au concours de commissaire, il effectue un passage de deux ans à la SRPJ de Versailles à sa sortie de l’école de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or. Puis ce sera le commissariat de Meaux, avant de prendre la tête de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de la police judiciaire de Lyon. Il va rester vingt ans patron de l’antigang. Ce sera ensuite la direction de la police judiciaire (PJ) de Nice en 2004, puis retour à Lyon, en 2007, comme directeur adjoint à la direction inter-régionale de la police judiciaire (DIPJ). Il a notamment été chef de la division des stups de la police judiciaire de Lyon et a travaillé sur de nombreuses affaires de trafic de drogue. Au début de « L’affaire Neyret », il est donc une personnalité de la Police nationale, le numéro deux de la police judiciaire de Lyon avec une carrière hors norme, une réputation solide, adulée par ses équipes, ses supérieurs, une légende …Voilà ce que l’on sait alors du commissaire Neyret, lui qui, en raison de ses performances professionnelles, fut décorée de la Légion d’honneur en 2004. Lui qui est aussi surnommé le « super-flic » pour ses méthodes peu orthodoxes et sa proximité avec le milieu…
Enquête, mise en examen, révocation
C’est en 2010 qu’une enquête débute. Elle vise un réseau de trafiquants de drogue. Des écoutes sont mises en œuvre concernant Gilles Benichou, un escroc lyonnais, qui se trouve être, dans le même temps, un indicateur de Michel Neyret. Avec ces écoutes, tout laisse penser aux enquêteurs que : Michel Neyret, ainsi qu’une partie de son entourage professionnel et personnel sont corrompus et rendent des services à des personnes du grand banditisme. Le 29 septembre 2011, à 6 h du matin, Michel Neyret et son épouse sont interpellés par l’IGPN, placés en garde à vue par la « police des polices », l’inspection générale de la Police nationale (IGS). Le 3 octobre 2011, à l’issue de cette garde à vue, Michel Neyret est mis en examen, puis écroué à la maison d’arrêt de la Santé. Remis en liberté le 23 mai 2012, il est assigné à résidence. Le 4 septembre 2012, il comparait devant le conseil de discipline de la police, à Paris, l’instance souhaitant sa révocation. Le 7 septembre 2012, il est révoqué par le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, qui suivra en cela l’avis du Conseil de discipline de la police. Une révocation qui sera décrite par les avocats de Michel Neyret comme « infamante à l’endroit d’un homme qui a servi pendant près de trente ans la République et qui a servi ses concitoyens de façon exemplaire ».
Les poursuites
La mise en examen de Michel Neyret est intervenue pour corruption, trafic d’influence, association de malfaiteurs, trafic de stupéfiants, détournement de biens et violation de secret professionnel.
Il sera alors poursuivi, notamment avec trois autres policiers, des chefs de corruption passive de personne dépositaire de l’autorité publique (art. 432-11 du Code pénal), trafic d’influence (art. 433-2 du Code pénal), association de malfaiteurs (art. 450-1 du Code pénal), violation du secret professionnel, et recel.
La peine encourue la plus importante, parmi ces infractions, était de dix ans d’emprisonnement.
Procès et condamnations
Le procès de Michel Neyret s’est tenu en mai 2016, à Paris. Le 5 juillet 2016, Michel Neyret, l’ancienne star déchue de la police nationale, se voit condamné par la 11ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris à une peine de trente mois de prison pour corruption, trafic d’influence et détournement de biens publics (une peine de quatre ans de prison, dont deux ans et demi ferme, avait été requise à son encontre). Cependant, il a été relaxé des accusations de blanchiment d’argent et d’association de malfaiteurs. Il a également été interdit d’exercer toute fonction publique pendant cinq ans. Une condamnation donc pour avoir fourni des informations confidentielles à des membres du milieu lyonnais, présentés comme des « indics » … Avec en échange des avantages, des cadeaux, de l’argent liquide … Et le jugement de souligner alors la « gravité » des faits reprochés à Michel Neyret, lui qui avait perdu « tout sens de la limite légale ». S’agissant des trois autres policiers poursuivis : le capitaine Jean-Paul Marty a été condamné à trois mois de prison avec sursis, pour avoir aidé son supérieur en détournant des scellés de drogue. Le commissaire Christophe Gavat et le commandant Gilles Guillotin, soupçonnés d’avoir détourné des scellés de drogue, ont été relaxés, les faits n’étant pas suffisamment caractérisés. La femme de Michel Neyret a quant à elle été condamnée à 8 mois de prison avec sursis pour avoir profité des largesses des « amis » de son mari.
Le parquet ayant fait appel de cette décision, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée par un arrêt du 12 juin 2018. Michel Neyret a été condamné à quatre ans d’emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis (alourdissant ainsi de dix-huit mois avec sursis, la peine de l’ex-numéro 2), et l’interdiction définitive d’exercer dans la police. Contrairement au jugement rendu par le tribunal correctionnel, la cour d’appel l’a également condamné pour association de malfaiteurs. Bénéficiant d’un aménagement de peine, Michel Neyret est resté en liberté muni d’un bracelet électronique pendant deux ans et demi.
Les suites …
L’affaire Michel Neyret a marqué les esprits et a eu des répercussions importantes dans le monde de la police française. Elle a mis en lumière les liens entre certains policiers et le milieu, ainsi que les pratiques illégales de certains membres de la police judiciaire. Elle a également suscité des interrogations sur l’efficacité des enquêtes menées par la police, ainsi que sur la formation et la déontologie des policiers. L’affaire Michel Neyret a eu un impact durable sur l’administration policière française, poussant les autorités à prendre des mesures pour renforcer la transparence et l’éthique dans les pratiques policières.
Et comme l’avait souligné l’Avocat général dans son réquisitoire cinglant du 10 avril 2018 devant la Cour d’appel de Paris, Michel Neyret a :
« non seulement brisé sa vie et sa carrière mais aussi abîmé l’image de la police » et « créé une sorte d’antimodèle pour les jeunes générations de fonctionnaires ».