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5 éléments pour comprendre… l’affaire Patrick Dils

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Cela fait vingt ans que Patrick Dils est sorti de prison. Accusé du meurtre de deux enfants, il est innocenté après avoir passé plus d’une dizaine d’années derrière les barreaux. Retour sur l’une des plus grandes erreurs judiciaires de l’histoire française.

1. Que s’est-il passé ?

Nous sommes le 28 septembre 1986. Dans la soirée, deux enfants du nom de Cyril Beining et Alexandre Bechkrich, tous deux âgés de huit ans, sont retrouvés morts le long d’une voie ferrée du côté de Montigny-lès-Metz (Moselle). Selon la première autopsie effectuée par les enquêteurs, ces derniers ont été tués à coups de pierre.

Une liste de suspects se dresse rapidement. Parmi eux se trouve Patrick Dils, un jeune apprenti cuisinier. Cet adolescent de 16 ans est interrogé car il habite dans la même rue que les deux bambins retrouvés décédés, mais également parce qu’une personne jugée « digne de foi » l’a signalé à l’inspecteur. Il sera finalement relâché rapidement en raison de son emploi du temps, justifiant qu’il ne se trouvait pas sur ces lieux au moment du drame.

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2. Trois aveux en même temps

Au fil des six mois suivants, les enquêteurs, jusque là sans piste, obtiennent les aveux de trois suspects simultanément. Le premier avoue le 10 décembre, en décrivant exactement le vélo et la tenue vestimentaire des enfants au moment des faits. Néanmoins, sa version va vite être remise en cause et va mener à sa disculpation. Le deuxième, lui, passe aux aveux mais se montre incohérent dans son témoignage. Il connaitra finalement le même sort que son prédécesseur. Et désormais, il n’en reste plus qu’un : Patrick Dils.

Le 28 avril 1987, l’apprenti se fait interpeller par les forces de l’ordre, à la suite d’un nouveau témoignage remettant en question l’heure précise du crime. Après 36 heures de garde à vue, il finit par admettre être le véritable meurtrier. Toutefois, il raconte ne pas savoir pour quelle raison il les a assassinés. Ses propos sont tellement clairs et précis que les enquêteurs n’ont plus aucun doute.

3. Direction la case prison

30 avril 1987. Trois jours après sa GAV, Patrick Dils est officiellement inculpé pour « homicides volontaires ». Il est alors incarcéré à la maison d’arrêt de Metz-Queuleu. Dans l’attente de son jugement, l’adolescent s’entretient avec son avocat. Quand tout à coup, premier hic : il lui avoue en toute franchise être innocent. Alors pourquoi a-t-il avoué devant les enquêteurs ? C’est la grande question que se pose son défenseur. Sachant que quelques heures plus tard, le suspect n’éprouvera aucun mal à identifier les pierres qui ont servi d’armes pour tuer les deux victimes devant la magistrate.

Un mois complet se déroule, et l’avocat reçoit un courrier. Il s’agit d’une lettre écrite que lui a envoyé son client, Patrick Dils. À l’intérieure de cette dernière, le suspect se rétracte au sujet de tout ce qu’il a pu dire jusque là… Comme s’il voulait soudainement annuler ses aveux. La lettre est alors transmise par la suite à la magistrate.

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27 janvier 1989. L’heure du jugement est venue. Contre toute attente, Patrick Dils ne se montre pas très bavard alors que par derrière, il clame son innocence. La cour d’assises des mineurs de Moselle le condamne donc à la réclusion criminelle à perpétuité. Une peine accablante jamais attribuée à un mineur pour l’époque qui a fait polémique. Pour cause, il a été reproché aux jurés de ne pas avoir pris en compte son âge. En effet, la peine de l’apprenti aurait dû être divisée par deux, étant donné qu’il n’est pas encore majeur.

Ses avocats tenteront en vain de revenir sur sa peine. Dans un premier temps, avec un pourvoi en cassation en 1990 puis avec une demande de grâce présidentielle à François Miterrand en 1994. Toutes ont été rejetées.

4. Un nouveau témoignage sème la zizanie

Alors que Patrick Dils purge sa peine, un adjudant-chef prénommé Jean-Français Abdgrall flaire une nouvelle piste. En tant que spécialiste dans les affaires de Francis Heaulme (un célèbre tueur en série français), le gendarme retrouve un rapport d’entretien entre le « routard du crime » (surnom donné à Heaulme) et lui-même, datant de 1992 à la maison d’arrêt de Brest.

Étonnamment, en relisant les paroles tenues par le meurtrier, il y fait une étrange découverte. Selon le document, « Francis Heaulme a tenu les propos suivants, disant avoir effectué une promenade à vélo le long d’une voie de chemin de fer dans l’est de la France, avoir reçu des pierres jetées par deux enfants, être parti, puis repassé sur les lieux quelques minutes plus tard, où il aurait vu les corps de deux gosses près de wagons non loin de poubelles et d’un pont, avant d’avoir vu des pompiers et des policiers sur les lieux« . Les cailloux, les deux enfants, la balade près d’un voie ferrée dans l’est de la France… Tout y est, et pourtant jusqu’à maintenant, personne ne savait qu’il se trouvait à proximité des lieux du crime.

De fil en aiguille, l’adjudant-chef en vient à rédiger un procès-verbal de renseignement judiciaire à l’avocat de Dils.

5. La libération de Patrick Dils

Un des magistrats délégué par la Cour de cassation prend la décision de mener sa propre enquête. Il rend visite à Francis Heaulme, déjà condamné pour deux affaires. C’est lors de cette rencontre qu’il apprend que Heaulme travaillait à seulement 400 mètres au moment des faits. Même s’il déclare n’avoir rien fait, la présence seule de l’assassin constitue un « fait nouveau de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné« .

En 1999, face à ces nouveaux éléments, l’avocat de Patrick Dils tente à nouveau un pourvoi en cassation. Cette fois-ci, il est accepté. En conséquence, un nouveau procès s’organise en avril 2001. Résultat ? Mitigé, la Cour de révision annule la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, mais refuse de remettre le Mosellan (habitant de Moselle) en liberté dans l’attente d’un nouveau jugement.

8 avril 2002. Sous les projecteurs des caméras s’ouvre le troisième et ultime procès de Patrick Dils. Francis Heaulme est également présent à l’occasion en tant que témoin. De son côté, l’accusé revient alors une énième fois sur ses « faux témoignages » remontant au début de l’enquête et son parcours difficile en prison. Sauf que dans le cas présent, de nouvelles preuves fournies par la gendarmerie viennent s’insérer au dossier. Ces dernières certifient pour de bon que Patrick Dils n’a pas pu commettre le meurtre car il est revenu à son domicile vers 18 h 45, alors que le meurtre s’est déroulé sur les coups de 17 h.

Après trois heures et demie de délibéré, les juges font finalement leur choix : Patrick Dils est acquitté et libéré. Il aura passé 15 années de sa vie en prison alors qu’il était innocent.

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Au terme de multiples batailles judiciaires, c’est finalement Francis Heaulme qui paiera pour le meurtre d’Alexandre Beckrich et Cyril Beining. Le tueur en série a été condamné définitivement, le mercredi 17 juin 2020, par la Cour de cassation de Paris.

À lire aussi : 5 éléments pour comprendre… l’affaire Delphine Jubillar

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