Emmanuel Macron est en déplacement à Kiev ce jeudi. Mais certaines de ses déclarations récentes ont suscité des tensions avec Volodymyr Zelensky. Voici 5 éléments pour comprendre les tensions entre le Président français et le Président ukrainien.
De potentielles négociations avec Poutine
Le 7 juin, Emmanuel Macron avait appelé à ne pas « humilier la Russie« . Précédemment, il avait déjà insisté pour dialoguer avec Vladimir Poutine. Son but était de « bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques« . Mais cette déclaration n’a pas été appréciée par les Ukrainiens, d’autant plus que le chef de l’Etat français avait refusé d’employer le mot de « génocide » pour qualifier l’invasion russe. Selon le journaliste français basé à Kiev Alexander Query, contacté par franceinfo, c’est « un discours qui est absolument incompréhensible pour les Ukrainiens« .
Au vu des cortèges d’atrocités et d’horreurs que les soldats russes infligent aujourd’hui aux Ukrainiennes et aux Ukrainiens, ne pas humilier la Russie est un discours qui est absolument incompréhensible pour les Ukrainiens.
Ainsi, mi-mai, Zelensky reprochait dans une interview donnée à la Rai à Macron de ménager une « porte de sortie » à Poutine. Il l’accusait aussi d’être prêt à négocier des « concessions territoriales » non consenties par l’Ukraine.
Zelensky ne veut pas « macroner«
Le mot « macroner » est même apparu durant la guerre pour désigner le fait de parler pour ne rien dire, comme le rapporte le Monde. Le Président français avait même été moqué du côté de la Russie. Le chef propagandiste du Kremlin Vladimir Soloviev, qui a aussi repris le terme, avait en effet déclaré ironiquement sur Rossia 1 : « Macron appelle très souvent. Heureusement, Poutine ne décroche pas à chaque fois« . Du côté ukrainien, cette intention de dialoguer face aux crimes subis a été mal perçue. Les ambitions de Kiev sont en effet toutes autres. « L’Ukraine et un certain nombre de ses alliés voient cela à travers la victoire sur le champ de bataille, et Macron le voit en atteignant une sorte de compromis avec Moscou. » a ainsi expliqué l’analyste politique Igor Chalenko au Monde.
L’Ukraine et un certain nombre de ses alliés voient cela à travers la victoire sur le champ de bataille, et Macron le voit en atteignant une sorte de compromis avec Moscou.
L’analyste politique Igor Chalenko
Macron et la question de l’adhésion à l’Union européenne
A cela s’ajoute la question (sensible) de l’UE. En effet, après le début de la guerre, Volodymyr Zelensky demandait une adhésion à l’Union européenne. Mais la réponse d’Emmanuel Macron, qui occupe la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, fut toute autre. Le 9 mai, il annonçait la création d’une « communauté politique européenne« , distincte de l’UE. « Cette Communauté politique européenne permettrait aux Nations, européennes et démocratiques, de trouver un nouvel espace de coopération, en matière de politique, de sécurité, d’énergie, de transport, de libre circulation des personnes. » expliquait alors le Président français.
Contacté par Le Monde, l’ambassadeur d’Ukraine à Paris Vadym Omelchenko expliquait le 19 mai que : « Le discours de M. Macron a été perçu par certains en Ukraine comme une sorte de refus de l’élargissement de l’UE« . Volodymyr Zelensky avait lui-même qualifié cette situation « d’injuste« .
Une visite tardive en Ukraine
Dans ce climat, la visite d’Emmanuel Macron à Kiev n’intervient que tardivement. Le ministère des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kouleba rappelait dès la fin du mois de mais que « Il serait bon qu’Emmanuel Macron vienne pendant la présidence française de l’UE. » Mais celle-ci prend désormais fin dans deux semaines. Le symbole envoyé ne semble donc pas à la hauteur puisque de nombreux dirigeants occidentaux sont arrivés à Kiev avant le Président français. Parmi eux, on peut citer les Premiers ministres britannique, canadien, portugais, le chef de la diplomatie américaine, le président polonais, la présidente finlandaise, le président du Conseil européen ou encore la présidente de la Commission européenne.
Il serait bon qu’Emmanuel Macron vienne pendant la présidence française de l’UE.
Dmytro Kouleba fin mai
« Un message d’unité« selon Emmanuel Macron
Le Président français est arrivé ce matin à Kiev avec le chancelier allemand Olaf Scholz et le chef du gouvernement italien Mario Draghi. Il en a profité pour déclarer : « C’est un message d’unité européenne adressé aux Ukrainiens et aux Ukrainiennes, et de soutien« . A Irpin ce midi, Emmanuel Macron a aussi ajouté que « L’Ukraine résiste. Elle doit pouvoir l’emporter.«
L’objectif, au-delà du symbole, est maintenant d’avancer sur la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. La France, l’Italie, l’Allemagne et la Roumanie soutiennent maintenant son statut de candidat. On a également appris dans l’après-midi que Volodymyr Zelensky participera au prochain G7 comme l’a expliqué Olaf Scholz. Le chancelier allemand a déclaré : « Nous, Européens, sommes fermement à vos côtés. » Les trois dirigeants ont envoyé le message européen, il reste à voir comment les Ukrainiens le recevront.