Invité dans l’émission Tohu-Bohu#52 de Radio VL le 3 novembre 2015 pour s’introduire et lâcher un freestyle, c’est en exilé nostalgique de son enfance que Gaël Faye s’exprime dans son tout premier roman paru chez Grasset le 24 août, Petit pays. Né en 1982 au Burundi d’une mère rwandaise et d’un père français, il fuit la région en 1995 suite au déclenchement du génocide rwandais qui sonne le glas d’une enfance insouciante. Il arrive en France décontenancé, en proie à une crise identitaire dont son art est indubitablement imprégné.
Par la force de son rap, la pertinence poétique de ses mots, il cherche à retranscrire un état flou, une sensation d’avoir été tiré contre son gré d’une assise confortable pour se retrouver entre deux chaises. L’une symbolise son enfance africaine, chargée de souvenirs intenses et idéalisés, l’autre représente une réalité plus abrupte, la France de l’exil et de l’éloignement.
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Exorciser son mal-être par les mots
Son roman et ses morceaux relèvent de cette nostalgie qui agit comme force créatrice pour Gaël Faye. Par écrit ou à l’oral, en rappant ou en slamant, l’artiste met en forme l’écartèlement identitaire dont il est l’objet. Mais aussi la violence avec laquelle un drame historique comme un génocide peut engendrer un drame psychologique qui prend les traits d’une crise identitaire. Comme une poussière balayée par l’histoire et ses tensions politiques, c’est dans les mots qu’il trouve matière à s’épanouir, et ce dans son album Pili Pili sur un croissant au beurre (2013) comme dans son roman Petit Pays (2016).
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Entre musicalité et littérarité
Une fois établi en France, dans Les Yvelines, il fait ses premiers pas dans le hip-hop et le rap, genre musical qui lui permet d’introduire toutes les nuances de son passé. La liberté de composition des textes qu’offre le rap est l’occasion pour lui de mettre ses mots en musique pour leur donner de la puissance évocative. Évocation des parfums, des odeurs, des couleurs dont son passé abonde ; sur un rythme oscillant entre hip-hop et plus afro. Dans Petit Pays, les mots deviennent les seuls garants du rythme, et bien que l’auteur se raconte à travers un alter ego fictionnel, il semble que le récit en devient plus confidentiel, faisant entrée son lecteur dans l’intimité de tous les exilés.
« Petit Pays »
De Cesaria Evora à Hocus Pocus, ces mots résonnent pour désigner l’espace de l’enfance. L’appellation traduit une mélancolie de la légèreté passée, une relation intime à un pays que l’on chante affectueusement. Le Burundi est à Gaël Faye ce que le Cap-Vert est à Evora ou la France à Hocus Pocus, des pays dont l’histoire, l’atmosphère, imprègnent profondément l’œuvre des artistes. Le pays n’est plus un espace administré mais un espace personnifié, un ancien compagnon de route, un « petit » frère qui reflète notre passé et sa confusion.