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Procès Heetch : L’application des jeunes noctambules sur la sellette

Vendredi 9 décembre, le parquet a requis 300 000 euros d’amende contre l’application de transports et une interdiction de diriger toute entreprise pendant 2 ans contre les deux fondateurs.

Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, ont comparu devant le Tribunal correctionnel de Paris pour « complicité d’exercice illégal de la profession de taxi, pratique commerciale trompeuse et organisation illégale d’un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non-professionnels ». Le jugement sera rendu le 2 mars prochain.

Radio VL s’est entretenu avec Teddy Pellerin.

 

« Start-up créatrice de mobilité nocturne »

Le procès a duré deux jours. L’application Heetch, qui rencontre un succès sans précédent auprès des jeunes, a tenté de défendre son modèle de transports entre particuliers. Une « start-up créatrice de mobilité nocturne » qui se développe dans un contexte de législation de l’économie du partage encore floue.

Heetch se présente comme un service d’utilité publique destiné aux 18-25 ans. Active entre 20h et 6h du matin, l’application souligne son action positive dans l’économie de la nuit. Et derrière elle, se rangent de nombreux acteurs de la vie nocturne partout en France, qui insistent sur l’importance pour les jeunes de pouvoir se déplacer pour sortir en soirée.

Alexis Bernier, co-directeur du Trabendo, à Paris.
« En tant que directeur d’une salle de concert et de club, il est indispensable que mon public puisse rentrer chez lui sereinement à toute heure du jour et de la nuit, en disposant de moyens de transport fiables et économiques. Les transports en commun s’arrêtent souvent trop tôt et les taxis sont très chers. Il faut d’autres solutions. »

 Cédric Dujardin, directeur du club Le Sucre, à Lyon.
« La mobilité est au cœur des enjeux de la société de demain où le transport se présente déjà comme le chainon crucial de l’accès à la culture de la nuit »

Sur Twitter en 2016, plus de 45 000 jeunes se sont également mobilisés grâce au hashtag #TouchePasAMonHeetch.

 

« Covoiturage nocturne »

Tout l’enjeu du procès était de démontrer la bonne foi de l’activité de covoiturage nocturne qui ne permet pas aux conducteurs de gagner un salaire mais simplement de partager les frais de leur véhicule. Le gain annuel par conducteur est limité à 6 000 euros, prix moyen de l’entretien d’une voiture. La défense s’est attachée à démontrer la similitude du concept avec l’application de covoiturage BlaBlaCar en prenant soin de souligner les points de divergence avec UberPop qui s’est vu interdire en juin dernier.

 

Communication réussie pour l’application qui fait parler nos politiques dans leur âge tendre. La vidéo est partagée des milliers de fois depuis mai dernier.

 

Teddy Pellerin fait le point avec nous sur l’affaire Heetch

 

Les réquisitions du parquet sont lourdes, une réaction ?

On trouve, en effet, que les réquisitions sont quand même sévères. Je pense que pendant l’audience on a quand même aussi essayé de montrer la pertinence et la viabilité de notre modèle. Après forcément c’est le procureur qui nous attaque donc on s’attendait aussi à avoir des réquisitions relativement sévères. Maintenant l’important c’est qu’on a pu, pendant l’audience bien expliquer notre modèle, bien expliquer pourquoi, d’après nous, on était pas en infraction et puis derrière on va attendre d’avoir l’interprétation des juges et la décision finale.

 

Vous avez beaucoup soutenu la différence de service avec celui d’UberPop dont la justice a imposé la fermeture en juin dernier, vous espérez une issue différente ?

Pour le coup je pense qu’il y a peu de monde qui conteste qu’on a un service différent d’Uberpop. Le but de Heetch c’est de permettre aux jeunes de rentrer chez eux le soir, avec d’autres jeunes qui sont des conducteurs qui ne sont pas des professionnels et qui peuvent conduire uniquement pour amortir une partie des frais de leur voiture. Il n’y a aucune personne qui peut gagner sa vie sur la plateforme. Tous les conducteurs sont limités à 6 000 euros par an maximum, parce que ça correspond au coût moyen de possession d’une voiture. La moyenne des gains, en 2015 et 2016, elle était autour de 1 800 euros par conducteur. On voit quand même bien qu’on est dans cette logique d’économie du partage et cette notion de partage des frais où on va pouvoir amortir une partie des frais de sa voiture.

Ca je pense qu’on l’a bien démontré pendant l’audience. Après c’est vrai que la loi sur le covoiturage est assez imprécise. Il y a une interprétation juridique à donner et là c’est le rôle des juges de la donner.

 

Vous êtes confiant donc ?

Je pense sincèrement que si on veut avoir un marché qui se tient sur la mobilité, il faut que la mobilité partagée se développe vite. Rien que le vendredi et le samedi soir on voit bien qu’il y a énormément de jeunes qui, d’un coup, vont avoir besoin d’autres solutions pour se déplacer. Donc il faut qu’il y ait des solutions complémentaires, des solutions comme Heetch pour pouvoir absorber ce pic de demande et faire en sorte que ces jeunes là puissent rentrer chez eux sans ce mettre en danger en prenant leur voiture alors qu’ils ont bu. Donc voilà on va attendre d’avoir la décision mais, de manière générale, je suis convaincu que si on veut développer la mobilité, ça passe par le développement de la mobilité partagée oui.

 

Vous vous êtes également lancés dans d’autres pays européens, notamment en Pologne ou encore en Suède, qu’en est il de la législation dans ces pays ?  

On n’a pas encore été trainés au tribunal dans les autres pays. Après ça dépendra des pays. On voit que c’est un sujet qui est complexe partout. Dès qu’on touche à ce secteur du transport, on sait que ça crée pas mal de tensions. Donc ça dépend. En Pologne, là on sait qu’on est très bien accueillis, il n’y a aucun problème. En Belgique, ils viennent de voter une loi qui permet à chaque individu de gagner jusqu’à 5 000 euros par an toutes plateformes d’économie du partage confondues avec une taxe de 10 % à la source. Donc, a priori, il n’y aura pas de problème non plus. Après la Suède, l’Italie, c’est un peu plus comme la France où il y a des discussions, on essaye de trouver quelle réglementation il faut faire pour pouvoir développer la mobilité partagée tout en gardant un équilibre sur le marché. Chaque pays tâtonne un petit peu, essaye de sentir ce qu’on peut faire pour développer ça, créer de l’innovation mais en même temps protéger les acteurs historiques et faire en sorte que tout le monde vive bien ensemble. Ce qui est aussi notre intérêt et notre objectif. Donc j’espère qu’on arrivera à trouver des solutions là dessus.

 

On peut espérer que la France aille vers un modèle législatif comme celui de la Belgique.

Oui ce serait très bien. C’est le modèle qu’on pousse, qu’on défend. Moi je pense que c’est hyper important. Au delà du fait que ça nous permettrait d’avoir un cadre plus clair, je pense que c’est très important d’avoir cette distinction, finalement assez simple, entre une pratique amateur et une pratique professionnelle. Je pense que c’est hyper important que ce soit limité toutes plateformes confondues, pour ne pas qu’il y ait des gens qui gagnent 3 000 euros sur une plateforme, 3 000 sur une autre et encore 3 000 sur une autre.

Et en plus, si on veut que l’économie du partage fonctionne, il faut que toute la partie fiscale elle soit gérée par la plateforme et prélevée à la source. Parce que quelqu’un qui gagne, grâce a une plateforme d’économie du partage, 500 euros par an, sincèrement si vous lui demandez de faire une déclaration fiscale ou ce genre de choses, soit il ne les fait pas et du coup il se met en danger, soit il arrête d’être sur les plateformes.

Donc à mon avis si on veut vraiment que ça se développe, c’est bien que ce soit géré par les plateformes vu que ce sont des montants finalement assez faibles.

 

Verdict le 2 mars 2017.

 

À lire aussi : LA JEUNESSE SOUTIENT HEETCH, MENACÉ DE FERMETURE

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