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On a vu pour vous … Babylon Berlin (Sky), présentée en clôture à Séries Mania

Polar sur fond de conspirations politiques et espionnage, Babylon Berlin et son esthétique époustouflante nous emportent dans l’Allemagne de l’entre-deux guerres.

C’est quoi, Babylon Berlin ? Sous la République de Weimar, le commissaire Gereon Rath (Volker Bruch) est muté à la brigade des mœurs de Berlin pour faire tomber un réseau de vidéos pornographiques aux mains de la mafia russe. Secondé par l’inspecteur Bruno Wolter (Peter Kurth) et par Charlotte Ritter (Liv Lisa Fries), une jeune secrétaire ambitieuse, Rath ne tarde pas à découvrir que les enjeux sont bien plus importants. A mesure qu’il met au jour les ramifications politiques et diplomatiques de l’affaire, il s’engage dans une enquête dangereuse, qui menace la sécurité nationale et même l’équilibre mondial.  

Le festival Séries Mania a toujours su sélectionner des pépites, notamment en matière de séries européennes. C’est encore le cas cette année avec Babylon Berlin, production ambitieuse qui, après Deutschland 83, The Same Sky, Berlin 56, 4 Blocks ou Dark, démontre une nouvelle fois que quiconque serait encore tenté de résumer la fiction allemande à Derrick devrait d’urgence réviser son jugement.

A l’origine de Babylon Berlin, on trouve le réalisateur Tom Tykwer, collaborateur des Wachowski sur Sense8 et à qui l’on doit les films Cours Lola, Cours et Le Parfum. C’est lui qui a acheté les droits de la série de best-sellers écrits par Volker Kutscher mettant en scène Rath (7 romans publiés à ce jour). Le projet a convaincu la chaîne Sky, qui a commandé d’emblée deux saisons diffusées à la suite et n’a pas hésité à investir 40 millions d’euros pour 16 épisodes.

Relativement fidèle aux livres dont elle est tirée, la série se déroule dans un contexte historique bien particulier : celui de la République de Weimar, dans le Berlin des années 1920. Soit une époque profondément troublée, marquée par la crise économique, les séquelles de la première guerre mondiale, l’émergence de mouvements séparatistes et nationalistes, les soulèvements communistes et l’apparition du nazisme.

Gereon Rath est loin de soupçonner où va le mener son enquête

 

Interprété avec intensité et subtilité par l’excellent Volker Bruch, Gereon Rath est un commissaire de police idéaliste mais tourmenté. Souffrant de traumatismes physiques et psychologiques après avoir combattu dans les tranchées, il a perdu son frère à la guerre et  s’occupe désormais de sa belle-sœur et de son neveu. Muté depuis Cologne, Rath arrive dans la capitale allemande afin de retrouver et détruire des vidéos pornographiques dans lesquelles apparaissent de hautes personnalités politiques – dont son beau-père. Au cours de son enquête, il découvre une affaire beaucoup plus complexe : elle met en péril la stabilité de l’état, en proie à la lutte entre les hommes au pouvoir, les militaires nostalgiques de la monarchie prussienne, les ouvriers communistes et le tout jeune parti nazi.

Point de départ de l’histoire, l’arrivée de Rath à Berlin permet d’introduire la situation et de présenter les autres personnages, à mesure que le héros fait leur connaissance. Il rencontre ainsi son partenaire Bruno Wolter, impliqué dans diverses manigances ; son supérieur d’origine juive August Benda qui s’est fait de nombreux ennemis (il est joué par Matthias Brandt qui, pour l’anecdote, est le fils de l’ex-chancelier Willy Brandt); la domestique de ce dernier, Greta (Leonie Benesch), qui entretient des relations dangereuses dans le milieu politique; et surtout Charlotte Ritter (remarquable Liv Lisa Fries), une jeune secrétaire qui vit avec sa famille dans un petit appartement dans des conditions déplorables, et qui nourrit l’ambition de devenir enquêtrice.

La magnifique Charlotte Ritter, personnage marquant de la série

 

Personnage magnifique, complexe et attachant, Charlotte fait office de guide, initiant Rath (et le spectateur) à la vie du Berlin de l’époque dans tous ses aspects, de la misère des quartiers populeux au luxe des soirées mondaines, de l’austérité des rues sombres et étroites à l’extravagance tapageuse des clubs à la mode où s’évade une jeunesse traumatisée par la guerre. Une ambiance superbement rendue, avec une mise en scène et une photographie crépusculaires à la Berlin AlexanderPlatz de Fassbinder ou au contraire, une explosion de sons et de couleurs entre Cabaret et Gatsby Le Magnifique

Berlin, années 20 : bienvenue au cabaret !

 

Chaque épisode comporte son lot de scènes spectaculaires, à la hauteur du budget alloué : séquences musicales somptueuses (comme dans le deuxième épisode, avec la chanson  interprétée par une mystérieuse aristocrate russe – qui joue par ailleurs un rôle déterminant dans l’intrigue), fusillades, poursuites dans les couloirs des trains, émeutes et insurrections populaires…  La reconstruction de l’époque est saisissante, la série s’inspirant notamment de l’expressionnisme allemand des années vingt et d’un style art-déco très marqué – à l’image de son générique.

Portée par cette ambiance, Babylon Berlin semble toutefois un chouïa moins réussie en terme de narration proprement dite. La construction et le rythme restent corrects, l’histoire progresse lentement, en suivant méthodiquement les avancées de l’enquête ; néanmoins (et en particulier dans les derniers épisodes), il y  a quelque chose d’un peu affecté dans certains rebondissements et le récit est parfois légèrement en-deçà des ambitions esthétiques. Cependant, s’il est d’abord difficile de saisir les liens entre les différentes histoires et personnages, tout finit par s’éclaircir à mesure que les éléments convergent. Se dessine alors la lutte acharnée que se livrent les forces politiques en présence, au milieu de laquelle se retrouvent impliqués malgré eux Rath et Ritter.  

Malgré quelques flottements, Babylon Berlin est une réussite incontestable, un excellent polar entremêlant enquêtes, contexte politique et espionnage. Avec des personnages magnifiquement écrits (Charlotte, wenn Sie das liest : ich liebe dich !) et une réalisation superbe, la série capture surtout toute la richesse et la complexité d’une époque historique pleine d’ombre et de lumière, d’austérité et d’extravagance. Une série présentée en clôture à Séries Mania, en attendant – on l’espère – une diffusion française.

Babylon Berlin (Sky)
2 saisons – 16 épisodes de 50′ environ.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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