Peu de monde connait son vrai visage, et pourtant ses créations inspirent encore la mode d’aujourd’hui, près de 10 ans après sa dernière collection. Martin Margiela est exposé à Paris dans deux lieux mythiques : « Margiela / Galliera, 1989-2009 » au Palais Galliera et « Margiela, les années Hermès » au Musée des Arts Décoratifs. Figure avant-gardiste, iconoclaste, destructeur de formes, il a réussi à imposer son style dès les années 80 avec ses vêtements oversized, le « vieux neuf », la superposition, l’androgynie dérangée, le plastique des emballages etc. Toutes ces silhouettes, on les retrouve sur les podiums des plus grands couturiers, de Balmain à Lacoste, en passant par Balenciaga lors des défilés automne/hiver 2018-2019.
Margiela : détruire pour mieux reconstruire
Martin Margiela, un nom sans visage. Même si sa carrière a commencé en 1988, aucun objectif n’aura réussi à capturer le visage de ce génie au cours de ses 20 années de carrière. L’homme, comme ses mannequins dont le visage reste systématiquement caché lors des défilés, préfère l’anonymat et laisse parler ses créations pour lui. Margiela a donc eu quartier libre au Musée Galliera pour composer une rétrospective de ses œuvres et, par la même occasion, rappeler à la nouvelle génération de créateurs qu’on ne peut revendiquer ce qui a déjà été inventé. A travers ses 136 silhouettes, on comprend son obsession pour la reconstruction, les trompe-l’œil, l’oversized. Ses formes épurées s’ornent de blanc dès le début de sa carrière, puis vient le tabi, chaussures traditionnelles japonaises, qui devient sa marque de fabrique. Faire du neuf avec de l’ancien, voilà la spécialité de Margiela qui achètera des stocks de costumes anciens pour les remodeler, affichant toutes les modifications. Et comment ne pas penser à Duchamp et ses ready made en le voyant reconstruire des affiches publicitaires en gilet !
Les années Hermès
Mais le monde de la mode ne se laisse pas berner par les mises en scène pauvres des défilés dans des lieux désaffectés. Hermès y reconnait la griffe d’un grand artiste, et surtout d’un excellent tailleur. Ces modèles ont beau être reconstruits, ils le sont à la perfection. Margiela devient ainsi le directeur artistique d’Hermès de 1997 à 2003. Cette rencontre d’une maison de mode classique et raffinée avec un génie iconoclaste, beaucoup la redoutait. Et pourtant, loin de s’effacer ou de se répéter, Margiela arrive à insuffler son style dans des pièces épurées et intemporelles. On découvre ainsi au Musée des Arts Décoratifs les pièces devenues célèbres de la collaboration : trenchs superposés, vareuse, losange. Les tons neutres blancs, camel, bruns sont encore aujourd’hui plébiscités par la marque. Lors des défilés, les mannequins retrouvent des visages de femmes mûres et sûres d’elle. « Il avait pensé une garde-robe pour les clientes, pour celles qui la portent, pas pour celles qui la regardent » précise Kaat Debo, directrice et commissaire d’expositions du MoMu.
S’inspirer des silhouettes de Margiela
Unique, Margiela l’est, même si la maison Margiela continue d’exister sans lui depuis 2009, avec Galliano à sa tête. A défaut de pouvoir vous procurer une pièce du créateur, vous pouvez vous inspirer comme lui de votre environnement pour créer des tenues fortes et actuelles. Evoquez son passage à Hermès en superposant un col roulé kaki, une veste en jean et une robe beige avec décolleté en V des plus classiques comme on en retrouve sur Peter Hahn. Si vous avez quelques bases de couture, lancez-vous dans un projet DIY et inspirez-vous d’une de ses pièces emblématiques, le pull chaussette composé de huit paires de chaussettes. Enfin, restez dans la tendance Margiela en invitant l’oversize dans votre vestiaire. Difficile de dire à quoi ressemblerait la mode d’aujourd’hui sans ce précurseur et génie…