Le jugement de la justice californienne pourrait bien peser sur l’avenir de l’agriculture mondiale. Quelles pourraient être les conséquences de ce procès?
Dewayne Johnson met Monsanto au banc des accusés
Glyphosate : Monsanto condamné à verser 289 millions de dollars à un jardinier américain atteint d’un cancer https://t.co/XX7r089vDf
— Le Monde (@lemondefr) 10 août 2018
Rappelons-le, vendredi 10 Août, la justice californienne à condamner le géant chimique à payer 289 millions de dollars à Dewayne Johnson. Le jardinier, atteint d’un cancer du sang en phase terminale, attribue sa maladie à son exposition répétée au Roundup ou Ranger Pro, produits contenant du glyphosate. Les jurés accusent Monsanto d’avoir caché la dangerosité du produit à ses clients, et d’avoir fait preuve de « malveillance ». Ce sont les documents internes de la société, tenus secrets pendant des années, qui lui ont valu la condamnation. Ceux ci révèlent que la firme a connaissance de la dangerosité du produit dès 1984, suite à l’observation de la mortalité de souris exposée au glyphosate. En 1999, des expériences avaient aussi montré que le produit provoquait des lésions d’ADN in vivo sur les organismes vivants.
Ce jugement est historique car c’est la première fois que Monsanto est condamné pour l’utilisation du glyphosate dans les herbicides. Cette décision pourrait faire jurisprudence (les tribunaux peuvent juger les affaires suivantes en ayant recours aux précédentes décisions).
Monsanto fait appel, cependant, ce procès peut être la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
En effet, selon le Monde, des milliers de procédures sont en cours aux États-Unis. En France aussi, la firme est en procès pour deux affaires. Cependant, la plainte de Dewayne Johnson bénéficie d’un contexte particulier. Premièrement, en 2015, l’OMS et le CICR (Centre international de recherche sur le cancer) reconnaissent le glyphosate comme cancérogène probable. Auparavant, les agences européennes reconnaissaient le produit comme non cancérigène … mais fondaient leurs études sur des documents procurés par les industriels (dont Monsanto).
All EU Authorities confirm that #glyphosate is safe @EFSA_EU @EU_Commission @EU_ECHA #GlyphosateisVital pic.twitter.com/rw5fPjNL4V
— Glyphosate (@glyphosate) 25 octobre 2017
Ensuite, Monsanto a mauvaise presse depuis le procès de La Haye, rendu par le tribunal international citoyen d’octobre 2016. Ce procès avait inculpé la société de crime contre l’humanité et écocide (notion encore non reconnue dans le droit international). Cependant, ce tribunal ne pouvait prononcer qu’un avis consultatif, et une condamnation symbolique. Largement médiatisé, le procès avait bénéficié d’une grande visibilité. Ce précédent juridique a éventuellement pu préparer le terrain pour le procès de Dewayne Johnson.
Quel destin pour Monsanto et son produit phare, le Roundup contenant du glyphosate?
Le glyphosate dans le monde, c’est 800 000 tonnes utilisées par an. Et environ 9 000 tonnes par an en France. Un usage massif dont dépend l’agriculture conventionnelle. Effectivement, seules les semences OGM Monsanto sont résistantes au puissant herbicide, ce qui créé une forte dépendance des agriculteurs au géant semencier. Difficile de sortir de ce cercle vicieux où le complexe herbicide-semence se pose en incontournable pour les agriculteurs.
Cependant, étant donné la pente d’impopularité sur laquelle Monsanto glisse, et la nouvelle jurisprudence, peut on espérer la fin prochaine de l’herbicide controversé? Le doute s’est définitivement immiscé dans les esprits à propos du glyphosate. C’est pourquoi l’Union Européenne n’a ré-autorisé le produit que pour cinq ans à l’intérieur des frontières. La France compte ainsi en interdire l’utilisation pour 2022.
Cependant, le géant chimique allemand, Bayer, a racheté Monsanto. Bayer, avant l’affaire, voyait l’opportunité d’étendre ses débouchés au marché américain (il était plutôt présent en Europe et en Asie). Il peut aussi à présent mettre la main sur les brevets du semencier américain. Cependant, après le procès, le rachat de Monsanto devient risqué pour le chimiste allemand.
Monsanto, en contre-partie, gagne le droit de se faire oublier. Changer de nom serait le prix à payer pour enterrer les cadavres, ou en d’autres termes, pour soigner une image détestable. Un autre herbicide pourrait-il être commercialisé dans l’inattention générale, sous un autre nom? En France, Emmanuel Macron promet d’interdire le glyphosate dès qu’un produit alternatif aura été trouvé. Un produit interdit peut-il en cacher un autre… réinventé? Le problème n’en serait que déplacé. C’est une éventualité que l’on peut considérer étant donné que l’utilisation d’un herbicide est souvent nécessaire dans le cas de la monoculture intensive.