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On a vu pour vous … L’aliéniste, adaptation du roman de Caleb Carr

L’aliéniste raconte la traque d’un tueur pervers et les débuts de la psychologie criminelle dans le New York du XIXème siècle.

C’est quoi, L’aliéniste ?  En 1896, le cadavre atrocement mutilé d’un jeune prostitué travesti est découvert à New York. Le commissaire de police (et futur président) Theodore Roosevelt (Brian Geraghty) confie officieusement l’affaire au Dr Laszlo Kreizler (Daniel Bruhl). Pionnier de la psychologie criminelle aux théories controversées, celui-ci comprend vite qu’il a affaire à un tueur en série. Pour le traquer, il sollicite l’aide de son ami John Moore (Luke Evans) et de  Sarah Howard (Dakota Fanning), secrétaire qui rêve de devenir la première femme policière de New York. En se lançant à la poursuite du meurtrier, ils sont loin de se douter dans quelles ténèbres leur enquête va les plonger.

En 1994, Caleb Carr réalise un coup de maître avec son premier roman, L’aliéniste, qui devient un best-seller mondial. Estimant que son livre ne saurait être adapté correctement faute de budget, l’auteur est réticent à en céder les droits – jusqu’en 2015, où 50 millions d’euros sont alloués en vue d’en tirer une mini-série de 10 épisodes, sur laquelle il est en outre consultant. A noter que la mise en œuvre a été perturbée par la défection du showrunner Cary Fukunaga (True Dectective, Maniac), qui a toutefois écrit l’essentiel du scénario.

L’aliéniste s’ouvre par une première scène brutale : le corps d’un jeune prostitué travesti, éventré et les yeux arrachés, est retrouvé au milieu d’un pont. Sollicité pour mener l’enquête officieusement, le Dr. Kreizler s’allie à son ami John Moore, illustrateur de presse ; la jeune secrétaire Sarah et à deux sergents férus de médecine légale complètent l’équipe. Rapidement, le docteur fait le lien avec deux autres meurtres d’enfants non élucidés : le coupable est un « multi-meurtrier », qui semble agir selon un calendrier précis. Mais la traque de l’assassin s’annonce d’autant plus ardue que celui-ci  bénéficie de protection au plus haut niveau, et que nos héros se confrontent au capitaine Connor (David Wilmot), un officier corrompu.

L’aliéniste plonge dans les rues de New York – et dans l’esprit d’un tueur

 

C’est le Dr. Kreizler qui donne son titre à la fiction. Aujourd’hui, on parlerait de psychiatre ; à l’époque, on utilise le mot d’aliéniste, en vertu de la croyance selon laquelle les personnes atteintes de pathologies mentales sont «aliénées» par rapport à leur véritable nature. S’intéressant aux mécanismes de l’inconscient, développant des théories innovantes et controversées, Kreizler est un pionnier de la psychologie criminelle – domaine alors considéré comme du charlatanisme. De fait, lorsque le docteur explique que pour trouver le tueur, il faut le comprendre et pénétrer dans son esprit torturé, il s’attire le scepticisme voire l’hostilité des autorités.

Sur le fond, la série ne raconte rien de neuf – quelque part entre Mindhunter, From Hell, Le Silence des Agneaux voire Penny Dreadful. C’est une histoire classique, dont les rebondissements sont finalement faciles à anticiper. Mais ce qui ressort d’abord de L’aliéniste, c’est l’atmosphère. Bien que tournée à Budapest, la série recrée les aspects les plus sordides d’un New York du XIXème siècle aux accents gothiques. On pénètre  dans les rues grises et crasseuses des quartiers pauvres, les couloirs sordides des asiles et des prisons, le monde interlope de la prostitution infantile, plus rarement dans le luxe feutré des salons bourgeois. Certaines scènes de violence très graphiques et explicites, bien que très esthétisées, renforcent le sentiment de malaise présent tout au long de la saison.

Un trio d’enquêteurs improbable, conforté à l’horreur

 

L’histoire est présentée à travers le regard de Moore, confronté à cette horreur et qui tente de comprendre des concepts psychologiques qui lui sont étrangers. Dans le rôle, Luke Evans parvient à jouer les nombreuses nuances d’un personnage qu’il rend immédiatement sympathique. A ses côtés, Dakota Fanning interprète avec rigidité mais élégance le personnage de Sara, jeune femme brillante en lutte contre la misogynie ambiante.  En revanche, Daniel Brühl est parfois moins convaincant: le processus intellectuel grâce auquel son Dr. Kreizler tente de percer à jour le meurtrier est certes fascinant, mais son interprétation grave et solennelle impose une distance qui l’empêche d’être aussi attachant que le héros du roman.

La série a été critiquée pour son manque de rythme initial. Indéniablement, les premiers épisodes sont lents, insistent sur le cadre, les personnages et sur la manière dont ils tentent de comprendre les motivations et la psyché de l’assassin (en particulier lors des échanges entre Sarah et Kreizler, passionnants mais parfois arides). Lente, d’accord – mais à la manière d’un Mindhunter, où l’analyse prend l’ascendant sur l’action. Ensuite, lorsque la traque commence véritablement, le récit devient beaucoup plus rythmé : des écrans de fumée, des faux indices et des erreurs de jugements lancent nos héros sur de fausses pistes et les projettent dans des situations pleines de tension (à défaut d’un réel suspense puisque, on l’a dit, l’ensemble est assez prévisible) . On serait donc plutôt enclin à parler d’irrégularité, avec une première partie presque théorique et une seconde moitié centrée sur l’action proprement dite. Si elle peut déconcerter, cette dichotomie construit au final un récit cohérent, dont l’atmosphère délicieusement morbide séduira les amateurs du genre.

Si on peut lui reprocher une certaine irrégularité, L’aliéniste reste un thriller prenant. Plongée au cœur des ténèbres – celles des zones les plus glauques du New York au XIXème siècle, et celles des tréfonds de la perversité humaine – la série  remonte aux origines de la psychologie criminelle avec une histoire classique, transcendée par son atmosphère. Résolvant son intrigue à la fin, L’Aliéniste se poursuivra avec une histoire indépendante,  avec les mêmes personnages: L’ange des ténèbres, adaptée du second roman de Caleb Carr. Une histoire toujours aussi sombre et peut-être encore plus malsaine…

L’aliéniste (TNT)
10 épisodes de 45′ environ.
A partir du sur 10 Octobre sur Canal + Séries.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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