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Adèle Haenel se libère et avec elle toutes les femmes

Lundi 4 novembre 2019, sur le site de mediapart.fr, Adèle Haenel est sortie du silence.

Après une enquête de plus de 7 mois l’actrice française a révélé, avec l’aide de la journaliste Marine Turchi, avoir subi des agressions sexuelles de la part du réalisateur Christophe Ruggia en 2002.

La délivrance après plus de 15 ans de silence

En 2002, le film « Les Diables » réalisée par Christophe Ruggia sortait dans toutes les salles de cinéma. Les acteurs principaux, Adèle Haenel et Vincent Rottiers, n’étaient encore que des adolescents. Adèle n’avait que 12 ans et c’est durant le tournage que le réalisateur aurait abusé d’elle.

Capture du film « Les Diables » / Crédit photo : Océan Films

Durant un entretien d’une heure, l’actrice s’est exprimée face à Edwy Plenel sur son agression et les séquelles qu’elle a pu laissé en elle.

À voir aussi : Mediapart / #MeToo : Adèle Haenel explique pourquoi elle sort du silence https://www.youtube.com/watch?v=QFRPci2wK2Y

À plusieurs reprises, Adèle Haenel explique avoir subi entre 12 ans et 15 ans des « attouchements » et du «harcèlement sexuel » de la part de Christophe Ruggia. Elle dénonce toute une manoeuvre du réalisateur pour l’isoler :

 »  Cette personne a mis en place un système d’isolement d’une jeune fille, donc moi, (…) pour m’avoir chez lui, à disposition, tous les week-ends. Ce n’est pas quelqu’un qui a une pulsion, c’est un harcèlement qui est permanent. Hebdomadaire s’il on veut être plus précis. « 

Le visage crispé, très émue, Adèle Haenel a pourtant tenu le coup et a essayé de décrire ce qu’elle avait vécu il y a maintenant plus de 15 ans. 

Si elle s’est décidée à parler, c’est parce qu’elle a vu en mars dernier sur la chaine HBO le documentaire  «Leaving Neverland» portant sur Michael Jackson et les témoignages d’adultes l’accusant d’avoir abusé d’eux alors qu’ils n’étaient encore que des enfants.

Elle s’est alors reconnue dans ces paroles et a pu enfin mettre des mots sur cette histoire qu’elle avait vécu avec Christophe Ruggia et que le réalisateur qualifiait autrefois « d’histoire d’amour ». Elle comprit ainsi l’emprise sous laquelle elle avait pu être et sa colère se décupla quand elle vit sur Internet que le cinéaste préparait un nouveau film, « L’émergence des papillons », avec des adolescents.

 » Je pensais alors qu’il ne pouvait pas refaire de film avec des adolescents, je ne peux pas laisser faire ça aujourd’hui . »

Mais cette émission spéciale sur la chaine de mediapart.fr fait suite à une enquête de plus de 7 mois réalisée par Marine Turchi. En avril 2019, Adèle Haenel lui confia ce qu’elle avait vécu et la journaliste décida de ne pas s’arrêter à son témoignage mais véritablement de construire une enquête autour de ses paroles. 

Durant des mois, elle interrogea plus de 30 personnes ayant connu l’actrice à cette époque et 23 d’entre elles acceptèrent de témoigner en « on » (sans être anonyme). Si certains expliquent s’être simplement interrogés sur le comportement de Christophe Ruggia et d’autres l’avoir même prévenu de ses gestes, aucun d’entre eux ne nient les paroles d’Adèle Haenel. Véronique Ruggia, la soeur du réalisateur qui a travaillé sur le tournage du film « Les Diables », a confirmé avoir été prévenu auparavant par Adèle Haenel et d’autres personnes mais qu’elle se trouvait dans l’embarras du fait de sa situation.

Ainsi, un vrai travail d’enquête a été fait autour des propos de l’actrice pour prouver leur véracité. Mais Adèle Haenel ne s’est pas simplement exprimée pour raconter son histoire, elle l’a surtout fait pour questionner notre société et son comportement vis-à-vis des agressions sexuelles.

Un plaidoyer plutôt qu’un lynchage

Adèle Haenel est célèbre, demandée par de nombreux réalisateurs et a un grand avenir devant elle. Mais l’actrice, âgée de 30 ans, considère avoir la responsabilité de s’exprimer sur ce qu’elle a vécu et ainsi mettre en lumière celles et ceux qui n’ont pas son confort de vie, quitte à tout perdre.


 » La parole des victimes est méprisée et c’est pour cela que je parle. »

Elle ne se fait la porte-parole de personne, elle parle au nom d’elle-même uniquement, mais ses propos mettent en lumière tout un système patriarcal dans le monde du cinéma. Elle dénonce la « culture du viol » mise en avant persistant depuis longtemps dans la société et qui conduit la plupart des agresseurs à se voiler la face.

Ils voient alors leurs actes comme une histoire d’amour, une romance, alors qu’il s’agit bien de violence. Ce système, elle le remet en cause. De plus, l’actrice explique vouloir ouvrir un débat, elle ne souhaite pas punir sur la place public les agresseurs mais plutôt amener à un changement dans la société.

Les monstres, ça n’existe pas. C’est notre société, c’est nous, c’est nos amis, nos pères, c’est ça qu’on doit regarder (…) on n’est pas là pour les éliminer, on est là pour les faire changer. »

Elle prend aussi l’exemple du réalisateur Roman Polanski qu’elle désigne comme ayant « un rôle emblématique de cette société violente vis-à-vis des femmes « . Ainsi, elle remet en question la société et sa façon de traiter les femmes en général.

À voir aussi : Roman Polanski compare #MeToo au massacre de la Saint-Barthélémy https://vl-media.fr/roman-polanski-compare-metoo-au-massacre-de-saint-barthelemy/

Adèle Haenel peut encore aujourd’hui porter plainte contre Christophe Ruggia car il n’y a pas prescription, mais elle s’y refuse. En effet, elle estime que la justice ne sera pas efficace du fait que 7 personnes sur 10 mises en cause pour viol ont vu leur affaire classée sans suite selon une note du Ministère de la justice de mars 2018.

Mais cette intervention a permis un réveil au sein du cinéma français. Depuis lundi dernier, ses paroles ont pointé du doigt un problème au sein de notre société qui perdure depuis bien trop longtemps déjà.

Les prémices d’un nouveau changement

Suite à cette enquête et cette interview par Mediapart, Adèle Haenel a reçu de nombreux soutiens de la part de personnalités. Marion Cotillard, Julie Gayet, Flavie Flament et d’autres célébrités ont posté des messages de soutien sur Instagram. Des centaines d’internautes ont également tenu à encourager l’actrice dans son combat.

La Société des Réalisateurs de Films (SRF) a quant à elle lancé une procédure d’exclusion vis-à-vis de Christophe Ruggia. De plus, le parquet de Paris a ouvert aujourd’hui une enquête préliminaire « pour agressions sexuelles sur mineure » suite aux accusations d’Adèle Haenel.

Le réalisateur a réagi sur mediapart.fr dans la journée niant tout geste déplacé mais reconnaissant une certaine emprise sur la jeune femme en ayant voulu « jouer les pygmalions ». Dans son droit de réponse, il s’est excusé et a dénoncé la façon dont il est aujourd’hui petit à petit exclu socialement.

Mais Adèle Haenel, par ses paroles, change la donne et conduit à une remise en question de la société et de la « culture du viol ». Ainsi, il ne s’agit pas de dénoncer mais plutôt de changer.

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Maëva, 20 ans Journaliste VL Média Bordeaux
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