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On débriefe pour vous… Young Wallander, nordic noir classique sur fond de critique sociale

La série Young Wallander transpose le héros de Mankell à notre époque, pour raconter ses débuts d’inspecteur dans la police.

C’est quoi, Young Wallander ? Nous sommes en 2020 et Kurt Wallander (Adam Palsson) n’est pas encore l’inspecteur chevronné que l’on connaît. Agent patrouillant à Malmö, il intervient un soir sur le lieu d’un incident sordide : un jeune homme attaché à une clôture, une grenade dans la bouche, explose sous ses yeux. Tandis que ce meurtre barbare déclenche des émeutes raciales, Kurt s’implique dans l’enquête. Promu inspecteur à la criminelle au détriment de son ami Reza ((Yasen Atour), il se lance dans une première investigation mêlant immigration clandestine, extrême-droite, trafic et corruption.  

Créée par Ben Harris (notamment scénariste de Devils), la série opère un changement assez déstabilisant pour les lecteurs de Mankell: elle situe l’action à notre époque alors que, si les scénaristes avaient suivi la chronologie des romans, l’histoire aurait dû se dérouler dans les années 1970.  Il ne s’agit donc pas vraiment d’un préquel, plutôt d’une réinterprétation du personnage dans le présent. Une fois la surprise passée, l’idée d’actualiser Wallander n’est pas mauvaise, a fortiori parce que Young Wallander a de toute évidence l’ambition de suivre les pas de Mankell et de sous-tendre son récit d’une critique sociale actuelle qui, de facto, ne peut que s’inscrire dans la période contemporaine. 

C’est du reste l’une des caractéristiques des polars scandinaves dont les auteurs utilisent souvent leurs héros pour aborder des problématiques sociales et culturelles propres à leur pays : Per Wahlöö et Maj Sjöwall avec l’inspecteur Martin Beck dès les années 1960 ; Stieg Larsson dans la saga Millenium ; et Henning Mankell dans ses livres mettant en scène Wallander. Young Wallander prend donc le même parti : immigration clandestine, racisme, tensions sociales, corruption, défiance envers la police, drogue, montée de l’extrême-droite sont autant de sujets qui, d’une manière ou d’une autre apparaissent en arrière-plan et jouent un rôle plus ou moins important dans l’intrigue. Une dimension parfois peu subtile et manichéenne, mais pourtant pertinente dans le sens où la série poursuit la démarche de l’auteur en laissant apparaître les fissures du fameux modèle social suédois qui, depuis longtemps déjà, ne cesse de se craqueler. 

Wallander au cœur des émeutes raciales à Malmö

Pour autant, la série en elle-même laisse une impression mitigée : il y a de très bonnes choses dans Young Wallander, et d’autres qui le sont moins. Du côté des points positifs, il y a d’abord cette atmosphère très particulière, ce côté polar nordique sombre et oppressant  avec une photographie soignée aux tonalités froides et bleutés. Délaissant la petite localité rurale de Ystad des romans au profit de Malmö, troisième ville la plus peuplée du pays, les six épisodes plongent Wallander et les spectateurs dans une autre ambiance, forcément plus urbaine et où la violence se manifeste différemment.  

Young Wallander réussit en outre le tour de force de s’adresser autant aux inconditionnels de Wallander qu’à ceux qui ne connaîtraient pas le héros de Mankell. Pour les premiers, la série est remplie d’allusions au futur Wallander (son goût pour l’opéra ou  les tableaux peints par son père) et de références à des personnages des romans (il fait par exemple la connaissance d’une militante des droits de l’homme, Mona, qui deviendra son ex-femme). Pour les autres, la série raconte l’histoire d’un jeune policier méticuleux et idéaliste, désenchanté par la réalité sur le terrain. 

Interprété par Adam Palsson, Wallander n’est pas encore le solitaire mélancolique et désabusé de Mankell, et celui-ci aurait peut-être même trouvé à redire à certains aspects du personnage (plus retors et impétueux que la version qu’il avait imaginé dans le préquel Une main encombrante). Mais il est susceptible de le devenir ; être confronté dès sa première enquête à la haine raciale, à la guerre des gangs, au trafic d’armes et à l’impunité des plus riches, ça vous change un homme. 

Adam Palsson incarne le jeune Kurt Wallander

Reste que le point faible de Young Wallander est son intrigue – ce qui, avouons-le, est loin d’être un détail ! Avec seulement six épisodes, la série a pourtant du mal à trouver son rythme. Non pas qu’on s’ennuie : il y a des scènes d’action, des rebondissements et des cliffhangers efficaces, contrairement aux autres adaptations qui s’attachent davantage à des enquêtes méthodiques à la progression plus lente. Mais a posteriori, le récit linéaire semble parfois faire du sur place après un début tonitruant : certains épisodes ne délivrent aucune information importante et l’enquête, qui s’annonçait complexe avec de nombreuses ramifications, s’achève sur une dénouement somme toute plus basique que ce que l’on pouvait penser. Encore qu’elle ne s’achève pas vraiment :  la fin laisse la porte grande ouverte pour une deuxième saison – non encore confirmée pour le moment.  

Dans l’ensemble, l’intrigue de Young Wallander perd de sa force au fil des épisodes ; la série se suit toutefois avec intérêt Young Wallander n’est pas à la hauteur des romans ni même de certaines des adaptations précédentes, mais le contexte dans lequel elle s’inscrit et la construction psychologique de son héros tendent à compenser ce défaut. Ceux qui connaissent le personnage de Wallander auront plaisir (et curiosité) à le retrouver à l’aube de sa carrière d’inspecteur ; les autres se laisseront sans doute prendre à l’histoire de ce jeune flic naïf dont l’idéalisme va se fracasser contre le versant le plus sombre de la société suédoise. 

Young Wallander (Netflix)
6 épisodes de 50′ environ.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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