A la tête du FMI et favori pour les primaires du Parti socialiste, Dominique Strauss-Kahn avait toutes les cartes en main pour remporter le cœur des Français. Cependant, les révélations de Nafissatou Diallo ont tout remis en question. A l’occasion de la sortie de la docu-série « Chambre 2806 : L’affaire DSK » sur Netflix, on vous propose 5 éléments pour comprendre l’affaire DSK
1/ Qui est Nafissatou Diallo ?
Nafissatou Diallo, de nationalité guinéenne et âgée de 32 ans au moment des faits, est femme de chambre depuis 2008 dans l’hôtel Sofitel de New York. Sa direction l’a décrit comme une personne sérieuse et digne de confiance. Le 14 mai 2011, Nafissatou Diallo est retrouvée vers 12h30 dans un des couloirs de l’hôtel du Sofitel de New York. Prostrée et cachée, elle se confie à sa collègue qui la découvre. Elle raconte que Dominique Strauss-Kahn a tenté de la violer. Elle déclarera par la suite à deux de ses supérieurs hiérarchiques, puis à la police, être rentrée dans la suite 2806, vers midi pour y faire le ménage. La porte n’étant pas fermée, elle n’a pas utilisé sa carte magnétique.
Peu après, et selon elle, Dominique Strauss-Kahn serait sorti nu de la salle de bain et se serait approché d’elle par-derrière pour tenter de la contraindre à des rapports sexuels. Cependant, après avoir chuté, elle réussi à prendre la fuite et se cache dans le couloir où elle a été retrouvée.
Nafissatou Diallo porte plainte le jour même. Dans la foulée, un document de 17 pages accuse DSK d’avoir commis une « agression violente et sadique« . De plus, la plainte détaille que « pensant bénéficier de l’immunité, le défendant DSK a intentionnellement, brutalement et violemment agressé Mme Diallo, et ce, faisant humilié, dégradé, abusé et privé Mme Diallo de sa dignité de femme ». Un rapport médico-légal, réalisé le même jour sur Nafissatou Diallo, conclut « Diagnostic: agression. Cause des blessures : agression. Viol« .
2/ Un procès qui tourne court
Dominique Strauss-Kahn, alors patron du Fond Monétaire International, nie toutes les accusations qui lui sont portées. Ainsi, avec ses avocats, il tente de reconstituer son emploi du temps afin de prouver son innocence. De ce fait, il aurait quitté l’hôtel trente minutes plus tôt, soit avant « l’agression ». Il aurait retrouvé sa fille à 12h45 afin de déjeuner avec elle avant de se rendre à l’aéroport de JFK pour prendre l’avion en direction de Paris. C’est d’ailleurs à bord de celui-ci que Dominique Strauss-Kahn est arrêté.
Le 16 mai 2011, lors de l’ouverture du procès, le patron du FMI se voit signifier de sept chefs d’accusations. Dont deux actes sexuels criminels au premier degré, tentative de viol au premier degré, agression sexuelle au premier degré, emprisonnement illégal au second degré, attouchements non consentis et agression sexuelle au troisième degré. De plus, la juge craignant qu’il ne s’enfuît rejette sa demande de libération sous caution. DSK est de ce fait incarcéré dans la prison de Rikers Island.
Le 1er juillet, il est libéré sous parole, car le procureur général met en doute les dires de la plaignante. Une lettre de service du procureur liste par ailleurs les éléments entachant la crédibilité de la femme de chambre. Celle-ci aurait menti sous serment à plusieurs reprises. Elle a affirmé que le régime dictatorial guinéen l’a menacé et torturé. Elle aurait aussi livré deux versions différentes des faits. De ce fait, l’affaire prend pénalement fin le 23 août 2011. Ce jour-là, toutes les charges sont abandonnées.
Par la suite, les deux partis portent plainte au tribunal civil. Le 10 décembre 2012, le tribunal civil règle l’affaire. Une transaction a lieu entre les deux. Nafissatou Diallo aurait donc touché une somme de 1,5 million de dollars.
3/ Conséquences politiques
Cette affaire, même si DSK a été blanchi, lui a été fatal politiquement en France. Le socialiste n’a pas pu participer aux primaires du Parti socialiste, les 6 et 16 octobre 2011. Dominique Strauss-Kahn était de plus pressenti favori pour prendre la tête et mener le parti lors des élections présidentielles de 2012.
Jusque-là, DSK était même la personnalité politique favorite des français. Cependant, selon un sondage IFOP, il a perdu 29 points entre 19 et 20 mai 2011. Même après l’abandon des poursuites, une majorité des Français ne souhaitait plus que DSK soit présent sur la scène politique française. De ce fait, beaucoup voient dans cette affaire un coup monté de l’opposition, voire même du FMI ou de son propre parti, afin de lui nuire.
A l’étranger, l’affaire a aussi fait beaucoup de bruit. En quelques jours, 150.000 Unes de l’affaire ont été publiées à travers le monde par des quotidiens nationaux. Face à cette médiatisation, l’affaire entraîna sa chute au sein du Fond Monétaire Internationale. Le 18 mai 2011, il démissionne et indique dans sa lettre « je démens avec la plus grande fermeté possible toutes les allégations portées à mon encontre ».
4/ Les autres affaires DSK
Deux autres affaires ont nui à Dominique Strauss-Kahn lors de son procès. En 2008, DSK avait déjà vu sa carrière être menacée. En effet, il a été révélé qu’il avait une affaire avec Piroska Nagy, une économiste d’origine hongroise et alors en poste au département Afrique du FMI. Mais il a fini par être blanchi de toute accusation d’abus de pouvoir. L’institution avait, en effet, estimé qu’il n’y avait « pas eu de harcèlement, ni de favoritisme ni aucun autre abus de pouvoir » de la part de son patron.
Un an avant, en 2007, c’est Tristane Banon, une journaliste et romancière, qui l’accusait sur le plateau de « 93 Faubourg Saint Honoré » présenté par Thierry Ardisson, d’avoir tenté d’abuser d’elle en 2002. Elle raconte, que l’agression se serait déroulée lors d’une interview. « J’ai posé le magnétophone tout de suite pour enregistrer, il a voulu que je lui tienne la main pour répondre […], explique-t’elle. « Ca s’est fini très très violemment, puisque je lui ai dit clairement non non, on s’est battu au sol, pas qu’une paire de baffes, moi j’ai donné des coups de pieds, il a dégrafé mon soutien-gorge, il a essayé d’ouvrir mon jean… » En juillet 2011, Tristane Banon décide de porter et l’accuse de tentative de viol. La même année, en octobre, le parquet de Paris décide de ne pas le poursuivre pour « tentative de viol » mais estime qu’il a reconnu des faits pouvant être qualifiés « d’agression sexuelle ». En effet, il a admis avoir essayé d’embrasser Mme Bannon. Cependant, le parquet classe l’affaire sans suite, car le délai de prescription du délit « d’agression sexuelle » est dépassé.
Une dernière affaire vient ébranler la réputation de Dominique Strauss-Kahn, l’affaire du Carlton de Lille. En février 2012, DSK est interrogé par la police dans le cadre d’une affaire de proxénétisme. Son nom est cité dans l’affaire qui mêle René Kojfer, chargé des relations publiques des hôtels Carlton, et « Dodo la Saumure », proxénète. Le premier organisait des soirées réunissant des personnalités et des prostituées. Le second, fournissait les prostituées. Dominique Strauss-Kahn, quant à lui, participait à ces soirées et, selon des SMS, choisissait les participantes. Ainsi, en mars 2012, il est mis en examen pour « proxénétisme aggravé en réunion« . Il sera relaxé en juin 2015.
5/ Et maintenant ?
Peu d’informations sont sorties sur la nouvelle vie de Nafissatou Diallo. Entre 2014 et 2015, elle a ouvert un restaurant dans le Bronx baptisé « Chez Amina« . Cependant, l’aventure fut de courte durée, le restaurant pris feu en mars 2015. Par la suite, elle aurait été vue en Guinée et au Sénégal où elle aurait acheté un immeuble de trois étages grâce à l’arrangement avec DSK. Dernièrement, neuf ans après l’affaire, Nafissatou Diallo a accordé une interview à Paris Match où elle revient sur les faits. Lors de cette interview, Nafissatou Diallo indique « J’ai dit la vérité. J’ai été piégée et trahie. Je ne me remettrai jamais de la façon dont les procureurs de New York m’ont traitée. À cause de ce qu’ils m’ont fait subir, j’ai eu envie de me suicider. J’ai été traitée de prostituée !«
De plus, elle interviendra dans la docusérie de Netflix « Chambre 2806 : L’affaire DSK » qui sortira le 7 décembre.
De son côté, Dominique Strauss-Kahn s’est totalement éloigné du monde politique. En 2012, il crée sa société de conseils « Parnasse » à Paris, qu’il fermera trois ans plus tard, puis en 2013 « Parnasse » au Maroc. Depuis, il conseillerait plusieurs chefs d’Etats, dont le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso.
Le 4 décembre 2020, il a indiqué sur Twitter, qu’un documentaire relatant de sa version des faits sortirai à l’automne 2021. « Je n’ai jamais donné ma version des faits qui ont marqué mon retrait de la vie politique. D’autres s’en sont chargés à ma place, prenant la parole à partir de coupures de presse, d’interviews et de faits réels ou supposés. L’heure est venue de m’exprimer« , a jugé Dominique Strauss-Kahn.