The Nevers accroche avec son intrigue originale et ses personnages, malgré une mise en œuvre plus complexe que nécessaire.
C’est quoi, The Nevers ? Dans la Londres victorienne, plusieurs personnes (en majorité des femmes) se retrouvent dotées d’un pouvoir qui leur est propre suite à un mystérieux phénomène. Stigmatisées et traquées, certaines de celles que l’on nomme les « touchées » ont trouvé refuge à l’Orphelinat, un foyer créé par Amalia True (Laura Donnelly) et Penance Adair (Ann Skelly). Les deux femmes sont prêtes à tout pour venir en aide et protéger leurs semblables, en les défendant contre ceux qui les poursuivent dans le but de les neutraliser ou de profiter de leurs aptitudes respectives…
The Nevers, c’est la nouvelle série de HBO (en France sur OCS en US+24) et c’est aussi le dernier projet en date de Joss Whedon. Pour des raisons évidentes, la campagne promotionnelle précédant la diffusion des six épisodes formant la première partie de la saison 1 (nous en avons vus quatre) a pris ses distances en éliminant son nom. Rappelons que, avec sur les bras une longue liste d’accusations pour comportement abusif envers les acteurs et surtout les actrices avec qui il a travaillé tout au long de sa carrière, Whedon avait annoncé son départ de The Nevers pour « raisons personnelles », cédant la place de showrunner à Philippa Goslett. Il n’en reste pas moins qu’il a créé la série et a écrit et réalisé plusieurs de ces six premiers épisodes, dont le pilote ; The Nevers porte sa patte et il émane clairement de celui qui a imaginé Buffy ou Dollhouse et qui a aussi travaillé sur les comics Astonishing X-Men.
Ici, nous sommes à Londres en 1896. Suite à un mystérieux événement, plusieurs personnes – surtout des femmes – ont développé une capacité ou un pouvoir spécifique. Mais dans la bonne société victorienne, celles que l’on nomme les « Touchées » sont perçues comme une malédiction voire un fléau à éradiquer. De sorte que bon nombre d’entre elles, poursuivies et persécutées, finissent par trouver refuge dans un foyer financé par la riche Lavinia Bidlow (Olivia Williams). C’est là que nous rencontrons Amalia True et Penance Adair. La première est une veuve badass adepte du coup de poing, qui a le don de voir le futur dans de brefs flash médiumniques ; la seconde est une brillante inventrice en avance sur son temps, grâce à sa capacité à percevoir l’énergie. Ensemble, les deux amies luttent contre ceux qui veulent anéantir leurs semblables, viennent en aide à toutes celles qui sont prises pour cible.
Tous ces personnages « touchés » que l’on découvre progressivement ont chacun un pouvoir ou une aptitude particulière. Ils ne sont pas sans rappeler l’univers des X-Men : maîtrise du feu ou de l’électricité, visions du futur, capacité à parler toutes les langues, gigantisme, transmutation de la matière… Des « dons » inexplicables et extraordinaires qui effraient et provoquent le rejet d’une partie de la population mais suscitent aussi l’intérêt de quelques hommes les plus puissants de Londres. Certains cherchent à les exploiter économiquement (comme Hugo Swan, propriétaire d’un bordel joué par James Norton), s’y intéressent dans le cadre d’une investigation policière sur une série de meurtres violents (c’est le cas de Frank Mundi, enquêteur incarné par Ben Chaplin) ou veulent les étudier par le biais d’expériences sordides (Denis O’Hare est impeccable dans le rôle de Edmund Hague, une sorte de savant fou).
Il est d’ailleurs intrigant de voir comment The Nevers semble prendre le prétexte de ces «touchées» pour dessiner une opposition entre hommes et femmes, les premiers cherchant à utiliser ou brimer les secondes qui, elles, sont en quête d’indépendance et d’affirmation grâce à leurs pouvoirs. Et il sera donc intéressant de voir dans quelle mesure Philippa Goslett, comme on l’a dit désormais en charge de la série, s’appuiera ou pas cette dimension dans les épisodes à venir.
En attendant, dans son entrée en matière, la série a quelque chose d’un peu chaotique et souffre initialement d’une sorte d’excès narratif qui joue contre elle : longs de plus d’une heure, les deux premiers épisodes introduisent toute une mythologie complexe et de nombreux protagonistes, incluent des scènes de nu qui n’apportent pas grand-chose, multiplient les rebondissements et les intrigues secondaires sans laisser le temps au spectateur de s’acclimater à cet univers. Hasard ou pas, il faut attendre les deux épisodes suivants, cette fois confiés à David Semel (Buffy, The Strain) pour que l’histoire gagne en fluidité et qu’on se laisse plus facilement porter.
Pourtant d’emblée, The Nevers propose une histoire surprenante avec ces pouvoirs extraordinaires dont on ne connaît pas exactement la cause, mais aussi des personnages forts. Si les acteurs sont tous très convaincants, il y a surtout les deux héroïnes, pleines de charisme et chacune avec leur personnalité : dans le rôle de Amalia, Laura Donnelly (vue dans Outlander) est formidable notamment lors des scènes de combats hyper chorégraphiées (on pense à la scène sous-marine spectaculaire du troisième épisode) et Penance alias Ann Skelly a quelque chose de charmant qui rappelle un peu le Dr Who incarné par Jodie Whittaker. Bien sûr, la série exploite aussi au maximum le cadre de cette Londres victorienne steampunk, mélangeant dialogues désuets, science-fiction, atmosphère sombre industrielle et machines extravagantes.
En résumé, The Nevers est une série indéniablement intrigante bien qu’inégale dans ses premiers épisodes. Certaines choses fonctionnent très bien à l’instar de l’atmosphère et des personnages ; d’autres sont moins réussies comme le développement de l’histoire et l’entrée dans cet univers qui s’avèrent beaucoup plus complexes qu’ils ne devraient l’être. Avec son duo d’héroïnes réjouissantes, de bonnes séquences d’action et une histoire accrocheuse, The Nevers parvient toutefois à susciter et maintenir l’intérêt. Après le départ de son créateur Joss Whedon, reste à voir comment la série va évoluer au fil des épisodes et notamment dans la deuxième partie de cette première saison, dont la date de diffusion reste à déterminer.
The Nevers (HBO)
Saison 1a – 6 épisodes de 60′ environ.
Sur OCS à partir du 12 Avril.