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L’Europe mise en demeure par S&P

Après de nombreuses rumeurs parues ces dernières semaines, et alors que l’agence de notation Fitch avait confirmée le AAA de la France mardi dernier pour 2012, François Baroin, ministre des Finances de la France, a annoncé la dégradation de la note de la France d’un cran, à AA+, le Portugal, l’Italie et l’Espagne ont été dégradés de deux crans, d’après Les Echos.

La France ne vaut plus la note AAA pour S&P

L’annonce de la dégradation de la note de la France par François Baroin dans le journal de 20h de France 2, a fait l’effet d’une bombe. Pourtant, la perte du AAA français semblait être inévitable, malgré, il est vrai, l’annonce de Fitch de ne pas dégrader la France cette année avait suscité un regain d’espoir il y a quelques jours à peine. Mais au delà du cas de la France, c’est un séisme qui s’abat sur l’Europe, un état des lieux s’impose.

Tous les pays de la zone euro placés sous surveillance négative sauf l’Allemagne et la Slovaquie

C’est vraiment l’élément majeur du communiqué publié il y a quelques heures par S&P,  en effet, la vague de dégradation qui a frappé la zone euro ce soir est le résultat de la mise sous surveillance négative de S&P de 15 pays de la zone euro le 5 décembre. Sur ces 15 pays, 9 ont été dégradés:

  1. La France perd 1 cran, passant de AAA à AA+ perspective négative
  2. l’Autriche perd 1 cran, elle perd aussi son AAA,  elle a désormais la note AA+ avec une perspective négative
  3. l’Italie perd 2 crans, passant de A à BBB+, perspective négative
  4. l’Espagne perd 2 crans, de AA à A, perspective négative
  5. le Portugal perd 2 crans, de BBB à BB (catégorie spéculative), perspective négative
  6. la Slovénie perd 1 cran, de A+ à A, perspective négative
  7. la Slovaquie perd 1 cran, de AA- à A+, perspective stable
  8. Chypre perd 2 crans, tombant en catégorie spéculative avec la note BB+, perspective négative
  9. Malte perd 1 cran, passant de A à A-, perspective négative

Mais en dehors de cette liste, la Finlande, conserve son AAA, mais également assorti d’une perspective négative, la Belgique conserve sa note AA (perspective négative), et on peut remarquer qu’il ne reste plus que 4 pays AAA dans la zone euro: l’Allemagne qui conserve sa perspective stable, les Pays-Bas et le Luxembourg qui sont désormais sous surveillance négative et donc la Finlande qui contrairement à l’Autriche et la France, est parvenue à conserver la note suprême.

Le « cas » français

Sans aucun doute, ce déclassement de la France va avoir des conséquences considérables sur le rôle joué par la France au côté de l’Allemagne, très clairement, le couple franco-allemand est irrémédiablement déséquilibré maintenant que la France n’est plus noté AAA, la légitimité de la France à déterminer une marche à suivre pour les pays en difficultés s’est évaporée, et la participation de la France aux garanties constituant le Fond Européen de Stabilité Financiére (FESF), fond noté AAA, semble être remise en cause.

Alors, analysons le communiqué de S&P motivant la dégradation de la France. La phrase qui saute aux yeux sur la raison principale de la dégradation est  » l’aggravation des problèmes politiques, financiers et monétaires dans la zone euro à laquelle la France est étroitement liée ». Dans cette phrase, on peut voir que l’agence pointe du doigt un processus de sortie de crise qui reste paralysé concernant la Grèce, ainsi, les banquiers, créanciers de la dette, n’ayant pas trouvé un accord avec la Grèce quand aux modalités de l’effacement d’une partie de ses dettes, ont claqué la porte des négociations ce Vendredi, on imagine que si la situation ne s’arrange pas dans les jours à venir, la pression des agences sur la Grèce, notée CC (soit une situation de défaut partiel imminent) sera très forte.

Concernant la situation propre à la France, l’agence avait menacé la France d’une dégradation de deux crans, ce soir, elle s’est ravisée à abaisser seulement d’un cran, en soulignant que la note AA+ « reflète son économie saine, diversifiée et solide dont la main-d’oeuvre est hautement qualifiée et productive« . Cependant, elle met à l’index « l’endettement relativement élevé des administrations publiques ainsi que les rigidités du marché du travail » On pourra alors tenter de faire un rapprochement avec la question des 35 heures dont l’étude Rexecode sur la durée effective du travail, d’où il résulte que la France fait partie des pays qui ont la durée effective du travail la plus faible. Standard&Poor’s prend acte des mesures de rigueurs, selon elle, le gouvernement « traite ces questions par une stratégie de consolidation budgétaire et de réformes structurelles ».

« Au moins 1 chance sur 3 d’être à nouveau dégradé en 2012 ou 2013 »

Il faut rappeler que l’agence de notation est la seule à avoir dégradé la France et que les deux autres agences, dont Fitch, qui a annoncée qu’elle ne dégradera pas le AAA cette année, quand à Moody’s, elle étudie actuellement la possibilité d’une révision de sa note. Mais, ce qui est le plus problématique, c’est cette perspective négative qui laisse envisager une nouvelle dégradation dans les mois à venir. Dans l’état actuel, les conséquences de cette dégradation seront vraisemblablement mineures pour ce qui concerne les taux d’intérêts, et ce pour plusieurs raisons, la première est que la France emprunte actuellement autour de 3% à 10 ans quand l’Allemagne emprunte à 1.7%, on peut donc voir aisément que la dégradation est dans les cours, la France empruntant plutôt sur une note correspondant plus au AA+ qu’aux AAA. Au cours de la journée, alors que les rumeurs de dégradation se précisaient, les indices boursiers n’ont pas chuté, le CAC 40 terminant sur un recul de 0,11%, les taux d’intérêts restant globalement stables. La seconde est que la France reste AAA pour encore 2 agences, ce qui suffit pour correspondre aux critères des investisseurs institutionnels, certains ne pouvant qu’acheter que des AAA. Et la dernière qu’on peut exposer, peut se résumer à une question: La France méritait-elle de conserver son AAA? A la lecture des principaux indicateurs économiques comme la dette proche de 1700 milliards, qui atteint 85% du PIB, le déficit public qui sera entre 5.5 et 5.7% du PIB, des budgets qui ne sont plus à l’équilibre depuis prés de 40 ans, une croissance au ralenti allant même jusqu’à  une récession pour ce début d’année, un déficit commercial record, alors chers politiques, chers candidats, c’est à vous de prendre vos responsabilités et de prendre ces problèmes à bras-le-corps si l’on veut qu’un jour, la France renoue avec son AAA…

Christophe Crépin

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