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« Un sentiment de choc, un bruit sourd, une explosion » : Mathias, tétraplégique, revient sur son accident en rugby

A l’occasion du lancement du mondial de rugby, nous nous sommes intéressés au destin tragique d’un jeune rugbyman du sud-ouest. En décembre dernier, suite à un mauvais plaquage, Mathias Dantin, 16 ans à l’époque devient tétraplégique.

Comment est survenu l’accident ?

Je pense que je me souviendrai toute ma vie de cette date. Le 14 décembre 2022, tout a basculé, du jour au lendemain. Comme tous les mercredis, et étant inscrit à l’UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire), notre professeur de sport nous propose un match de rugby contre un lycée dans les Hautes-Pyrénées. On nous avait prévenus que le match allait être rude. Au début, tout se passe bien. Après une mêlée, je pars en couverture, sur un coup de pied rasant. Je fais la passe. Dès lors, je n’ai plus le ballon dans les mains. Dans les règles du rugby, personne n’est censé me faire de plaquage. Derrière moi, un défenseur me suit. Je ne l’ai pas vu venir. Il me soulève, je tente de me débattre, mais c’est déjà trop tard. Je retombe sur la tête.

Je me suis vu mort.

Qu’est-ce que vous avez ressenti ?

Un sentiment de choc. Comme un bruit sourd, une explosion. Au sol, j’avais l’image de mon corps en l’air. Je me suis vu mort. Mon pauvre père qui n’était pas censé être là, arrive sur la pelouse affolée. Il a vu son fils mort. Heureusement, un coéquipier me tient la tête, il avait été formé aux premiers secours. La seule chose que je peux dire c’est : « Appelez les pompiers, je ne sens plus mon corps !« . Mon père panique tellement, que c’est mon coéquipier qui prévient le SMUR et les pompiers qui par la suite me prennent en charge.

Je ne souhaite à personne cette vie

Vous étiez conscient ?

Je suis resté conscient de mon accident à mon arrivée à l’hôpital. Par rapport à certains patients avec qui j’ai pu échanger, je me souviens de tout. Je ne sais pas si je dois m’en réjouir d’ailleurs. Pour revenir à l’accident, je me suis dit que c’était juste un plaquage, rien de grave. Au moment où je me suis fait soulever, j’ai compris que ça allait sans doute être plus grave que prévu. Je considère cet homme comme un agresseur, j’ai subi une agression et j’ai pas peur de le dire. J’ai ressenti le choc, et à cet instant, je me suis dit « Mathias, tu es peut-être mort. » Je ne souhaite à personne cette vie, même pas à mon agresseur. Cette espèce de décharge électrique qui a traversé mon corps et le fait de ne plus ressentir mes bras, mes jambes,… Je ne le souhaite vraiment à personne. J’ai même pensé à une hémorragie. Ce qui m’a fait tenir c’est le fait de ne pas pouvoir dire au revoir à mes proches si je venais à décéder. Alors je me suis répéter « Mathias, tu peux pas mourir comme ça. Tu ne peux pas partir sans dire au revoir à tes proches. »

Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que vous ne marcherez plus ?

Je ne veux pas que les gens se disent « Il se la joue, il veut passer pour un héros ». Mais ce que je vais dire peut paraître dingue. Je savais que mon corps ne serait plus jamais pareil. Même si les pompiers ont tenté de me rassurer. Je savais au fond de moi, que je ne serai plus jamais le même. J’ai compris ça, après la réanimation. Il faut savoir que j’ai subi 7 heures d’opérations, et lorsque je me suis réveille, j’étais sous morphine. Mais, la première chose que j’ai fait, a été de rassurer mes proches avant de me rassurer moi-même. J’étais branché de partout, je compare ça à un réveil des enfers. Je reviens de la mort. Je l’ai vu de près. C’est sans doute le combat le plus difficile que j’ai pu vivre à ce jour. Mais la mort m’a donné une seconde chance. J’ai en quelques sortes gagné face à elle.

Celui que vous considérez comme votre « agresseur » a cherché à prendre contact ?

Je ne le connaissais pas et je n’ai pas envie de le connaître. Oui, il a essayé de me contacter mais je ne veux pas lui parler. Je n’ai rien à lui dire. Néanmoins, je ne lui souhaite aucunes représailles, tout se règlera devant la justice. C’est la seule chose que j’ai à dire à son sujet. A présent, je veux simplement vivre et me concentrer sur mon avenir. Lui, devra s’expliquer devant les tribunaux.

Justement, vos parents veulent porter plainte contre X. L’objectif étant de mettre en place des mesures de prévention au sein du rugby scolaire. Mais quelles mesures seraient les plus adaptées ?

A l’heure d’aujourd’hui, il faut savoir que la plainte a été déposée. Pour moi, il y a plusieurs responsables. Les institutions et l’agresseur. Pour avoir pratiqué de nombreuses fois le sport en UNSS, c’est un foutoir. Des jeunes de n’importe quel âge peuvent jouer ensemble donc forcément, il y a des fossés entre eux. Certains n’ont aucune formation et il ne faut pas oublier que le rugby reste un sport de combat, collectif mais dangereux. On prend le risque de mettre des jeunes qui n’ont jamais eu de formation face à d’autres qui ont l’habitude de pratiquer ce sport. Forcément des accidents arrivent et c’est inadmissible. Il faut continuer l’UNSS, ça reste une belle ouverture au sport et à des jeunes qui n’ont pas forcément les moyens de se payer une licence en dehors de l’école. De ce fait, il y a de nombreuses choses à changer afin d’éviter de futurs accidents. Il faut faire jouer les élèves dans des clubs de rugby avec des licenciés, avec des entraineurs qui sont habitués et pas simplement des professeurs de sport qui ne sont pas spécialisés dans un domaine précis. Il faut aussi sensibiliser les jeunes aux valeurs et aux règles essentiels au rugby. Si, les institutions se rapprochent de la FFR (Fédération Française de Rugby), afin de former les arbitres et les jeunes, les accidents seraient moins présents.

Depuis l’accident, le rugby reste une passion pour vous?

Ce sport m’a tout appris et il m’a aussi tout pris. C’est à cause lui et pourtant c’est grâce à lui que je suis l’homme que je suis aujourd’hui. Je veux dire aux gens que malgré mon handicap, je peux m’en sortir et ce sont les valeurs du rugby. Ce sport restera une passion. C’est une école de la vie. Avec mon histoire, je ne veux pas que les parents aient peur d’inscrire leurs enfants au rugby. Au contraire, continuez à valoriser ce sport et à y inscrire vos enfants.

Comment vous vivez votre vie de jeune au quotidien ?

C’est pas facile tous les jours. Après pour être honnête, la fête n’a jamais été ma préoccupation principale dans la vie. Je préfère la musique, le sport, l’art,… Mais ça reste quand même difficile. Il faut garder la tête haute malgré tout. J’ai de la chance d’être bien entouré. J’en profite pour remercier ma compagne, elle reste avec moi, me soutient et endure cette épreuve à mes côtés. J’ai beaucoup de chance de l’avoir. Et puis, la vie ne s’arrête pas. Au contraire, elle redémarre. Je profite de ce que je peux faire et grâce à mes proches, je vis de beaux moments de joies. Je vis à 200% encore plus qu’avant. J’y crois et c’est ça ma force.

Les joueurs du Stade Toulousain vous ont rendu visite à l’hôpital, qu’est-ce qu’ils vous ont dit ?

Je les remercie. Si j’avais été à leur place, je n’aurai pas su quoi dire. Ils étaient tristes. Ils se sont peut-être vu à ma place. Ils étaient sidérés et choqués de cette situation. Ils m’ont encouragé et m’ont promis d’être toujours là pour moi. Et ils ont tenu leurs promesses. Ils sont toujours là pour moi. J’ai compris que le rugby était réellement une famille. Ils sont formidables, ce sont des personnes avec un grand cœur. Cyril Baille m’appelle souvent d’ailleurs pour prendre des nouvelles. Mais je remercie aussi le staff de l’équipe de France et les joueurs comme Antoine Dupont ou encore Romain Ntamack.

Ce serait mentir que de dire que c’est facile.

Quel message souhaiteriez-vous passer aux jeunes qui font du rugby ou à ceux qui sont potentiellement dans la même situation que vous ?

Le rugby a bercé mon existence. Il m’a fait comprendre la vie. Jouer à ce sport ou à n’importe quel sport collectif apprend aux jeunes de superbes valeurs. Ce qui m’est arrivé ne doit plus jamais arriver. De ce fait, il ne faut surtout pas que les parents aient peur d’inscrire leurs enfants dans des clubs. Et puis si des jeunes sont dans la même situation que moi, j’aimerai dire que pour être heureux, il faut profiter de chaque moment. Pour qu’un souvenir soit le plus beau possible, il faut savoir profiter de chaque instant. Peu importe, que l’on puisse marcher ou pas. Mon corps a changé, mais mon mental, ma joie de vivre, reste identique. Ce n’est pas parce que je ne marcherai plus, que je n’avancerai pas. Ce serait mentir que de dire que c’est facile. Mais, la vie est belle, alors il faut savoir en profiter à fond. Il faut continuer à se battre pour soi et pour les gens qu’on aime.

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