Dans la dramédie Lucky Hank, Bob Odenkirk excelle en professeur d’anglais d’université en pleine crise existentielle.
C’est quoi, Lucky Hank ? William Henry Devereaux, Jr., alias Hank (Bob Odenkirk), est le directeur du département d’anglais du Railton College en Pennsylvanie. Mais à cinquante ans passés, il traverse une profonde crise existentielle. A une carrière au point mort dans l’ombre d’un père lui-même universitaire réputé (Tom Bower) s’ajoutent des rivalités entre collègues, un mariage avec Lily (Mireille Enos) qui bat de l’aile, des tensions avec sa fille Julie (Olivia Scott Welch) et une poignée de traumatismes d’enfance. Autant d’éléments que Hank n’arrive pas à gérer. Au point qu’en l’espace d’une semaine, il va se faire casser le nez par un collègue, soupçonner que sa femme a une liaison et menacer de tuer une oie en direct à la télévision… Bref, Hank est au bord de la crise de nerfs ou de la dépression – voire des deux.
Avec Lucky Hank, les showrunners Paul Lieberstein (The Office) et Aaron Zelman (The Killing) adaptent le roman Un rôle qui me convient, publié par Richard Russo en 1998. On peut y ajouter Peter Farrelly comme coproducteur et réalisateur du premier épisode, mais c’est un autre nom qui retient l’attention : Bob Odenkirk. Celui qui a incarné l’avocat Saul Goodman dans Breaking Bad et Better Call Saul est indéniablement le grand atout de cette comédie dramatique en huit épisodes, disponible en France sur OCS.
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Odenkirk incarne Hank Devereaux, Jr., fils d’un prestigieux universitaire et lui-même directeur du département d’anglais d’une modeste université. Mais il traverse une période difficile. C’est par la presse qu’il a appris que son célèbre père, avec lequel il ne parle plus depuis 15 ans, avait pris sa retraite et quitté son poste dans une université plus prestigieuse, et c’est l’élément qui va le faire basculer. Lors d’un cours, il explose : il éreinte un des ses élèves qui se prend pour un futur Pulitzer et qualifie Railton de « capitale de la médiocrité ». Un coup de sang qui surprend sa femme Lily mais aussi ses collègues et le directeur. Menacé de renvoi suite aux plaintes des parents des étudiants, insatisfait de son travail et de son mariage, sans cesse sollicité par sa fille qui lui demande de l’argent, Hank perd pied.
Hank pourrait être un cousin éloigné de Saul Goodman ; en revanche Lucky Hank n’a rien à voir avec Better Call Saul. Loin de la frénésie narrative et de la tension permanente du spin off de Breaking Bad, Lucky Hank est une série posée, qui prend le temps de développer les situations qu’elle met en scène en mettant subtilement l’accent sur leur dimension psychologique. Après tout, c’est l’histoire – classique – d’un homme en pleine crise de la cinquantaine emporté par une spirale de dépression lorsque, arrivé à ce stade de sa vie, il prend en pleine tête toutes les insatisfactions, les traumas et les frustrations qu’il avait contenus jusque-là.
Si la série est remplie de personnages secondaires potentiellement intéressants, ils ne sont finalement pas vraiment approfondis et c’est bien sur Hank que se focalise exclusivement le récit. C’est son regard que l’on adopte, et on comprend progressivement qu’il se déteste, déteste son travail et déteste sa vie. Bien sûr, Hank est directeur du département d’Anglais et a publié un roman, mais il n’a plus aucune motivation pour enseigner ou pour écrire ; il est lassé de devoir arbitrer les disputes futiles entre ses collègues ; si son mariage semble heureux, Lily envisage de prendre un poste dans une autre ville. À vrai dire, Hank est juste fatigué – du monde et de toutes les personnes qui l’entourent.
Aux côtés notamment de Mireille Enos, Oscar Nuñez ou Kyle MacLachlan en guest, Bob Odenkirk est génial (il l’est toujours). Il illustre parfaitement la douleur derrière le désenchantement de son personnage, manie très bien le mélange de drama et de comédie, réussit à faire de Hank quelqu’un d’ennuyeux, terne et pourtant attachant, qui semble détruit de l’intérieur. Il faut dire que le passé de Hank, qui se dévoile au fil des épisodes, est extrêmement lourd. Sans trop en dévoiler, il s’est construit tant bien que mal après avoir été abandonné par son père, à un moment particulièrement sombre de son adolescence. Il se sent coupable, pas à la hauteur de cet homme décidément trop brillant , il a ravalé sa colère et sa souffrance pendant quarante ans. Du lourd, on vous dit.
Et pourtant Lucky Hank penche nettement du côté de la comédie mâtinée de mélancolie, plutôt que du drama teinté d’humour. Elle est pleine de dialogues enlevés, de scènes réjouissantes (quoi que parfois outrancières), d’interactions amusantes entre les personnages. Et en particulier entre les universitaires, qui ne sont pas épargnés. Comme dans certains romans de Tom Wolfe ou David Lodge, la série exagère les travers de ce milieu jusqu’à l’absurdité ; les scènes les plus drôles sont celles où Hank se retrouve avec ses collègues en salle des profs, la série brocardant alors tout un système éducatif pédant, inégalitaire et déconnecté des réalités. Pour autant, ce n’est pas une série où l’on éclate de rire, principalement parce qu’elle exploite avant tout un paradoxe : elle utilise la morosité de Hank et les éléments les plus triviaux du milieu universitaire pour en tirer une comédie qui, en même temps, offre quelques réflexions bien senties sur la nature et les relations humaines.
Au final, Lucky Hank est une bonne série… qu’on ne recommandera pourtant pas à tout le monde. Au premier abord, elle n’apporte rien de neuf et on pourrait même la trouver insipide. C’est parce que Lucky Hank est une série subtile à laquelle il faut laisser le temps de faire son petit effet : ce n’est que progressivement qu’on se laisse porter par l’histoire et entraîner dans le sillage de son héros. Et le fait qu’il soit interprété par le grand Bob Odenkirk y est certainement pour beaucoup.
Lucky Hank
8 épisodes de 47′ environ.
Actuellement sur OCS.