Une proposition de loi présentée au Sénat vise à rendre imprescriptibles les viols commis sur des mineurs. Une mesure forte qui bouleverse le droit pénal français et pourrait transformer durablement l’accès à la justice pour les victimes. Mais que signifie exactement le terme « imprescriptible » ?
La prescription, un obstacle majeur pour les victimes
En droit français, la prescription est un délai au-delà duquel il n’est plus possible de poursuivre une infraction. Pour les crimes sexuels sur mineurs, ce délai est aujourd’hui de 30 ans après la majorité, soit jusqu’aux 48 ans de la victime. Au-delà, aucune action pénale n’est plus possible.
Rendre un crime imprescriptible, c’est supprimer totalement ce délai : les victimes pourraient porter plainte toute leur vie, même plusieurs décennies après les faits, comme c’est déjà le cas pour les crimes contre l’humanité.
La proposition est défendue par la sénatrice centriste Annick Billon, qui rappelle que les violences sexuelles vécues dans l’enfance sont souvent révélées très tard, en moyenne 17 ans après les faits, selon la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants). Pour elle, la prescription actuelle empêche de nombreuses victimes d’accéder à la justice.
Qu’est-ce que cela changerait concrètement ?
Si le Parlement adopte la loi, les viols sur mineurs seront les premiers crimes « non historiques » imprescriptibles en France.
- Les victimes pourraient porter plainte à n’importe quel âge, sans limite de temps.
- La justice pourra ouvrir une enquête, même des décennies après.
- Les prédateurs pourraient être poursuivis toute leur vie, même très tardivement.
La proposition de loi prévoit aussi un autre changement majeur, celui de reconnaître l’inceste comme un crime spécifique, avec une définition élargie aux cousins germains. Selon l’association Face à l’Inceste, 1 agresseur sur 5 est un cousin germain, ce qui justifie, selon la sénatrice Billon, d’inclure ces liens familiaux dans la loi.
Rendre les viols sur mineurs imprescriptibles permettrait à de nombreuses victimes d’oser porter plainte, même plusieurs décennies après les faits. Aujourd’hui encore, beaucoup se taisent par peur, par honte, ou simplement parce qu’elles pensent qu’il est “trop tard”. C’est ce qu’illustre notamment l’affaire Flavie Flament.
L’animatrice a révélé que le photographe David Hamilton l’avait violée à l’âge de 13 ans, mais elle n’a jamais porté plainte, car le délai de prescription avait expiré. Elle a publiquement expliqué qu’en l’absence de prescription, elle aurait eu la possibilité, et peut-être la force d’engager une action en justice.
Plusieurs associations de victimes saluent la réforme, mais certains juristes alertent sur les difficultés d’enquêter sur des faits très anciens (preuves limitées, témoins décédés, dossiers complexes). C’est un débat qui animera les prochaines étapes parlementaires.