La trilogie de mini-séries de la BBC « A very » retrace avec brio trois des scandales les plus médiatiques de l’Histoire britannique récente.
En matière de séries, il est une chose que les britanniques savent faire : les mini-séries basées sur des faits divers médiatiques. L’anthologie composée de A very English scandal, A very British scandal et A very royal scandal – disponibles sur HBO Max – fait partie des grandes réussites du genre. Pour ces trois volets liés par une même thématique, la BBC n’a pas lésiné sur les moyens, faisant notamment appel à la crème des acteurs, réalisateurs et scénaristes. Jugez plutôt : Hugh Grant, Ben Whishaw, Claire Foy, Paul Bettany, Ruth Wilson, Michael Sheen, Russell T. Davies ou encore Stephen Frears. Et le résultat est à la hauteur du name dropping.
A Very English Scandal : politique et homosexualité
Étoile montante du parti libéral en ce début des années 1960 et élu au parlement, Jeremy Thorpe (Hugh Grant) croise un jour un charmant jeune homme sans argent, Norman Jossife (Ben Whishaw). Il entame avec lui une liaison torride, l’héberge chez lui, le soutient financièrement et le couvre de cadeaux. Mais lorsque Thorpe se lasse de cette relation et décide d’y mettre un terme, Jossife ne l’entend pas de cette oreille. La rupture va créer au député une multitude de problèmes, conduisant rapidement à une spirale d’événements incluant chantage, tentative de meurtre, révélation du scandale dans la presse et procès, ruinant définitivement sa carrière.
A Very English Scandal est une petite merveille. Avec le scénario millimétré de Russell T. Davies, qui choisit de ponctuer le drame de touches d’humour britannique brillantes, et la réalisation maîtrisée du grand Stephen Frears, elle nous plonge au cœur de l’engrenage dans lequel se retrouvent impliqués les principaux protagonistes de l’affaire – membres du parti libéral inclus. Intelligente, à la fois plaisante et édifiante, elle retrace méticuleusement cette histoire, incluant notamment la criminalisation de l’homosexualité à l’époque et ses conséquences sur l’image publique, ici d’un homme politique. Le tout, avec les remarquables performances d’un Hugh Grant qui se transforme en Jeremy Thorpe jusque dans la manière de parler, et de Ben Whishaw dans ce qui est probablement un de ses meilleurs rôles.
A very British scandal : le divorce du Duc et de la Duchesse
Dans les années 1960, la duchesse Margaret Campbell (Claire Foy) est une figure emblématique des cercles huppés londoniens. Récemment divorcée, elle entame une relation passionnée avec Ian Campbell (Paul Bettany), l’héritier du duché d’Argyll. Marié, celui-ci divorce de sa première femme pour épouser sa maîtresse, avec qui il s’installe dans le château écossais d’Inveraray (où la série a été tournée). Mais l’idylle fait long feu, le mariage se détériore rapidement jusqu’à atteindre une situation insoutenable qui conduit à une véritable bataille rangée entre les deux protagonistes. La séparation tourne à la foire d’empoigne, les deux époux multipliant les accusations mutuelles d’infidélité et de tromperie, prenant la presse et le public à témoin.
Avec Sarah Phelps comme scénariste, cette deuxième saison est axée sur une histoire complètement différente, nous emmenant cette fois en Écosse pour raconter le divorce ultra-médiatisé du duc et de la duchesse d’Argyll, qui a fait la une de tous les tabloïds britanniques en 1963. L’intention de Phelps est clairement de réhabiliter la figure de la duchesse d’Argyll qui a toujours été décrite comme la méchante de l’histoire, stigmatisée et vilipendée pour ses aventures et sa vie amoureuse tumultueuse – alors que son mari faisait exactement la même chose voire pire. Mais la société traitait alors les femmes avec beaucoup moins d’indulgence dans ce domaine, et la pauvre duchesse est vite devenue la cible des tabloïds. Dans le rôle, Claire Foy est impressionnante, et Paul Bettany est impeccable dans son rôle de duc d’Argyll.
A Very Royal Scandal : la chute du Prince Andrew
En 2019, le prince Andrew (Michael Sheen) est au cœur de la tourmente, son nom ayant été cité dans l’affaire Jeffrey Epstein – milliardaire américain accusé de crimes sexuels et trafic de mineures, retrouvé pendu dans sa cellule. Face au scandale, Andrew accepte d’accorder une interview exclusive à la journaliste Emily Maitlis ( Ruth Wilson), depuis le palais de Buckingham, pour s’expliquer sur sa relation avec Epstein. Cet entretien censé redorer son image, est une erreur colossale : mal à l’aise, le prince Andrew s’enlise et ses réponses ne font qu’accroître l’indignation nationale et même mondiale – notamment lorsqu’il affirme ne pas regretter son amitié avec Epstein.
Créée par Jeremy Brock (Le dernier roi d’Écosse) , A Very Royal Scandal retrace cette fois un événement plus proche de nous, un épisode parmi les plus controversés de l’histoire récente de la monarchie britannique : l’implication du Prince Andrew dans l’affaire Jeffrey Epstein. Plus précisément, la série raconte méticuleusement l’interview donnée par Andrew à la journaliste Emily Maitlis en 2019, en suivant la préparation de la journaliste et de l’équipe de Newsnight, l’interview elle-même, et les conséquences dévastatrices qu’elle a eues pour Andrew et la famille royale. Unanimement qualifiée de « désastre médiatique », elle a affecté irrémédiablement son image publique, le contraignant même à renoncer à toutes ses fonctions publiques.
Avec Ruth Wilson qui incarne brillamment une Emily Maitlis déterminée et qui ne lâche rien, et un toujours formidable Michael Sheen en prince Andrew dont il montre le malaise et le manque de préparation, A very royal scandal n’est pas seulement l’histoire d’un scandale royal ; c’est aussi une démonstration de la manière dont une mauvaise gestion de la communication peut détruire une personnalité publique.
Trois saisons retraçant chacune de manière fiable et passionnante une affaire ultra-médiatisée outre-Manche : English, British ou royal, les scandales racontés sont remarquables dans la reconstitution des faits, l’écriture, la réalisation et l’interprétation. Et chaque saison va au-delà de la simple évocation d’un fait divers, en mettant à chaque fois en exergue ce que ces affaires nous disent de la société britannique. Rule, Britannia !