Dans l’adaptation cinéma d’Assassin’s Creed, Justin Kurzel met tout son talent au service d’un film éblouissant visuellement mais plombé par son scénario.
200 millions de dollars de budget, une équipe artistique hyper solide aux commandes, et un univers passionnant à adapter sur grand écran : Assassin’s Creed, le film, a, sur le papier, tout pour être une réussite au cinéma. Malheureusement, la première production de Ubisoft Motion Pictures est, après le Warcraft de Duncan Jones, le second blockbuster jeu vidéo de 2016 à rater le virage du septième Art.
Mais c’est quoi déjà… Assassin’s Creed? Grâce à une technologie révolutionnaire qui libère la mémoire génétique, Callum Lynch revit les aventures de son ancêtre Aguilar, dans l’Espagne du XVe siècle. Alors que Callum découvre qu’il est issu d’une mystérieuse société secrète, les Assassins, il va assimiler les compétences dont il aura besoin pour affronter, dans le temps présent, une autre redoutable organisation : l’Ordre des Templiers.
Justin Kurzel, le très compétent réalisateur de Macbeth, est pourtant loin de nous offrir un navet. Disons qu’il donne le meilleur de lui-même avec ce qu’il a, c’est à dire un cahier des charges dont l’équilibre est infiniment délicat à trouver. Car comme pour Warcraft, Assassin’s Creed se doit, pour être un succès de séduire autant les fidèles de la franchise (ils sont 100 millions à avoir acheté l’un des opus de la série) que les profanes, dont l’auteur de ces lignes fait partie. Malheureusement, le scénario est le principal ratage du film, à la fois trop ambitieux dans son originalité (pourtant louable tentative) et parfois trop caricatural dans les raccourcis, voire les oublis, qui le parsèment. En suivant les pas de Cal Lynch, héritier par le sang d’une confrérie d’Assassins plusieurs fois centenaire, dans les « souvenirs génétiques » de ses illustres ancêtres à la poursuite d’un artefact appelé « la Pomme d’Eden », le film se calque principalement sur le scénario du premier jeu, datant de 2007. Et paradoxalement, c’est quand le film se détache le moins du jeu vidéo qu’il est le plus impressionnant. En effet, les séquences se déroulant sous l’inquisition Espagnole de la fin du XVe siècle concentrent tout ce que l’on attend d’une adaptation d’un jeu vidéo sur grand écran : la virtuosité des caméras, la fluidité de l’action, le rythme effréné des séquences « de jeu »… Tout y est, des costumes aux décors (la précision de l’adaptation historique est l’une des plus grandes qualités du jeu), en passant par l’utilisation de plusieurs armes emblématiques de la saga ou le crapahutage type « parkour » des protagonistes dans le Madrid de l’Inquisition. Maître de l’image et de l’esthétisme (aidé par la photo de Adam Arkapaw, déjà à l’œuvre sur MacBeth, et génie de la première saison de True Detective), Kurzel nous offre des séquences tout simplement brillantes. Aidé d’un Michael Fassbender plus qu’investi, et qui se révèle un « actionman » nerveux et agile, parfait pour remplir la check list de l’assassin sautillant.
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Malheureusement, on parle ici d’environ un tiers du film. Le reste se déroule dans le présent, dans le laboratoire/prison/simulateur des bad guys du film, la confrérie des Templiers. C’est là que les défauts du scénario s’expriment à plein tube, avec une intrigue complexe dont les enjeux sont un peu flous. On comprend en effet que la Pomme est un objet très puissant, mais on ne creusera pas très loin ses pouvoirs. Surtout, en y ajoutant une pseudo réflexion sur la violence, alors que les « gentils » sont une bande d’assassins qui dézinguent à tout va, l’ensemble tombe un peu à plat. Michael Fassbender et Marion Cotillard, le duo central, donnent du relief à leurs rôles, globalement réussis, mais sont victimes de situations qui frôlent parfois le ridicule. Les personnages secondaires, incarnés par des Rolls Royce du calibre de Jeremy Irons, Charlotte Rampling, Brendan Gleeson, Michael K. Williams ou Denis Ménochet sont quant à eux complètement lâchés en rase campagne dans des rôles caricaturaux et insipides. Le final, surtout, est une déception à la hauteur des derniers retournements de situation, dignes d’un mauvais épisode de série TV et qui n’ont pas vraiment de sens.
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Assassin’s Creed est un foisonnement visuel, qui ne permet malheureusement pas de contrebalancer une intrigue qui, si elle a l’ambition (louable) de sortir des sentiers battus du blockbuster d’action, reste trop brouillonne dans sa complexité et son manque de cohérence. Si les séquences du passé sont clairement les plus brillantes, c’est parce que Kurzel peut y exprimer tout son talent esthétique et que l’action y a une place primordiale. C’est lorsque l’on revient au présent que le scénario s’embourbe, jusqu’à presque se noyer dans les dernières minutes du film.
Dommage, car une histoire plus décomplexée aurait offert un chef-d’œuvre de film d’action, original et maitrisé. On est d’autant plus déçu qu’on en a un très bel aperçu dans un bon tiers du film, proportion insuffisante pour nous faire ressortir de la salle les yeux brillants de plaisir.
Assassin’s Creed de Justin Kurzel – En salles le 21 décembre 2016