Anthony Modeste, l’attaquant français du FC Cologne en Allemagne, est en pleine forme en ce début de saison. Il a inscrit pas moins de 10 buts en matches disputés en Bundesliga avec son club. Ce qui en fait l’actuel co-meilleur buteur du championnat allemand. Né à Cannes, formé à l’OGC Nice, il est le fils de Guy Modeste, footballeur professionnel à l’AS Saint-Etienne dans les années 1970. Il a débuté sa carrière à Nice avant de passer à Bordeaux, Angers, Blackburn, Bastia, Hoffenheim et enfin Cologne. Anthony Modeste compte également 14 sélections en équipe de France espoirs pour 6 buts marqués. La sensation de ce début de ce saison en Bundesliga a eu la gentillesse de répondre aux questions de Bilal Nedman et des experts d’Euro Foot.
Comment se passe ce début de saison au sein de votre club, avec ce chamboulement des outsiders en Bundesliga ?
Ca se passe plutôt bien. Notre objectif pour cette saison à Cologne est de défendre notre 9ème place car la saison dernière nous avons fini 9èmes. Pour l’instant nous sommes dans nos clous, en espérant que ça dure.
Waalid Acherchour : bonsoir Anthony. Vu votre très bon début de saison et que des gros clubs comme le Borussia Mönchengladbach ou Wolfsburg connaissent des difficultés en ce début de saison, visez-vous les places européennes ?
Notre objectif est bien de finir plus haut que la 9ème place de la saison dernière. Si nous finissons plus haut, forcément nous serons européens à la fin de la saison. Le FC Cologne n’est promu en Bundesliga que depuis trois ans. C’est un club qui cherche à se stabiliser. Si on peut accéder à la Ligue Europa cette saison, on le fera avec plaisir. Mais d’abord nous voulons assurer notre 9ème place.
W.A : cette année votre club a su conserver vos meilleurs joueurs. Cette saison vous êtes plus solides à domicile, où vous maîtriser vos matches de la 1ère à la 90ème minute. Sens-tu que ton équipe a progressé ? Et penses-tu qu’avec des surprises comme Leipzig ou Hoffenheim cette année, les difficultés du Borussia Dortmund et du Bayern Münich, il y a la place pour Cologne cette année ?
Je pense que oui et tant mieux. Il y a la place pour toutes les équipes d’être en haut et ça donne un championnat plus équilibré. Pour notre part, le club a fait en sorte de conserver nos meilleurs éléments. Nous sommes trois ou quatre joueurs à avoir prolongé. La saison dernière, beaucoup de joueurs avaient en majorité 21 ou 22 ans et c’était leur première saison en Bundesliga. Cette saison est donc leur deuxième et la deuxième saison est forcément mieux que la première. A nous de faire en sorte que ça continue.
« Pour un attaquant, évoluer en Bundesliga est un pur plaisir »
Habib Achour-Tani : tu es actuellement co-meilleur buteur du championnat allemand avec 9 buts. En France, nous sommes tous impressionnés de voir que tu as franchi un palier en Bundesliga. C’est un championnat que l’on imagine différent de la Ligue 1 que tu as connue. Peux-tu nous parler de ce changement d’environnement ?
C’est un championnat extrêmement ouvert. Pour un attaquant c’est un pur plaisir. Il y a des buts tous les week end, dans tous les matches. Il y a très peu de 0-0. Donc c’est un championnat qui me convient très bien. Je prends beaucoup de plaisir à évoluer avec le FC Cologne et à jouer en Allemagne.
En plus, c’est un championnat familial. Les matches sont à 15h30 donc les gens peuvent venir les voir en famille. Certains matches, les stades sont pleins à craquer. A domicile, nous jouons devant 50 000 personnes. Et à l’extérieur, nos supporters viennent à 5 000, 10 000, et même parfois quand ils peuvent venir à 20 000, il le font. C’est quelque de vraiment à part, il faut le vivre pour le croire.
Samuel Vaslin: Et au niveau du football, du jeu, de l’intensité, de la technique, la tactique, as-tu senti une différence avec la Ligue 1 ?
Oui il y a une énorme différence. L’Allemagne c’est un peu comme l’Angleterre, c’est « box to box ». La mentalité c’est de jouer pour gagner et non pour ne pas perdre ou rester derrière. Ici c’est tout pour l’attaque et c’est un jeu qui me convient à merveille.
Nicolas Cuoco : en tant qu’attaquant tu as plus ou moins « explosé » sur le tard. Ta première saison à plus de 10 buts, il me semble que c’était à Bastia quand tu avais 26 ans. Est-ce que c’est dû à l’expérience que tu as engrangée ou au fait que tu te sois exporté ?
Excuse-moi Nicolas mais je dois te reprendre. Car quand j’avais 22 ans j’avais marqué 10 buts avec Bordeaux. Ensuite pour répondre à ta question, oui c’est dû à l’expérience. Mais c’est aussi dû à la confiance que m’accorde mon entraîneur actuel à Cologne. Je suis un joueur affectif. Chaque fois qu’un entraîneur m’a fait confiance, j’ai toujours marqué des buts.
Et ce depuis mes débuts en Ligue 2 car je n’ai pas honte d’avoir évolué en Ligue 2 (il a évolué à Angers lors de la saison 2009/2010 – ndlr). Certains joueurs ont honte mais moi je l’assume. Ca fait partie de ma carrière. J’ai eu une carrière atypique, j’ai changé de club très tôt. Mais tout expérience est bonne à prendre et je m’en sers aujourd’hui car je pense que j’ai franchi un cap. Mon début de saison parle pour moi et à moi de continuer comme ça pour que ça dure.
« Francis Gillot n’a pas été honnête avec moi »
Samuel Vaslin : quand tu es arrivé à Bordeaux en 2010 c’était compliqué pour toi. Jean Tigana venait tout juste d’arriver au poste d’entraîneur. On te présentait comme le successeur de Marouane Chamakh et de Fernando Cavenaghi, partis du club. Tu as fait une première saison plutôt correcte. Mais la suite est plus compliquée et tu quittes le club deux ans après. Francis Gillot, ton entraîneur d’alors, avait dit de toi que tu n’étais pas forcément impliqué à l’entraînement, que tu ne donnais pas tout pour être titulaire et t’imposer à Bordeaux. Tu nous parlais tout à l’heure de la maturité et de ta relation avec tes entraîneurs. Est-ce que tu penses que ta mauvaise période de l’époque était due à un manque de maturité de ta part ?
Je pense pour ma part avoir fait le nécessaire à l’époque pour pouvoir jouer. Je ne discute pas les décisions d’un entraîneur mais tout ce que je demandais à Francis Gillot, c’était d’être honnête avec moi. Ce qui n’a pas été le cas. Mais en aucun cas je n’en veux à quelqu’un. C’est sûr que la relation avec un entraîneur c’est très important, surtout pour un attaquant.
L’attaquant et le gardien de but sont les deux postes où on a le plus besoin de confiance. L’attaquant c’est celui qui marque mais c’est aussi celui qui rate et le gardien de but c’est celui qui arrête mais c’est aussi celui qui encaisse les buts. Et à l’époque, quand je suis revenu de prêt de Bastia à Bordeaux (en 2013), je n’ai pas senti que le coach me voulait vraiment. Et quand tu sais que, quoique tu fasses, tu ne vas pas jouer, c’est compliqué. Donc je suis parti ailleurs et c’était très bien comme ça.
Waalid Acherchour : je voudrais t’interroger à propos de ton passage en Bundesliga et de ta progression, pas seulement du point de vue de tes stats mais aussi de ton jeu. J’avais suivi ton ascension à Hoffenheim (il y a évolué de 2013 à 2015 – ndlr) où tu étais arrivé dans la peau d’un remplaçant et où tu t’es fait une belle place aux côtés de joueurs comme le Brésilien Firmino (qui joue actuellement à Liverpool – ndlr) ou l’Allemand Kevin Volland (qui joue maintenant au Bayer Leverkusen – ndlr). Est-ce que l’année 2013 à Hoffenheim a été une année charnière pour ton adaptation à la Bundesliga et dans ta façon de jouer ?
Oui surement. Les deux championnats qui me correspondaient le plus étaient le championnat anglais et le championnat allemand. Je suis parti six mois en Angleterre (à Blackburn, de janvier à mai 2012 – ndlr) mais ça ne s’était pas très bien passé. Il me restait donc le championnat allemand et après ma saison à Bastia en 2013, j’ai senti que c’était le moment de changer. J’ai donc fait le choix de signer en Allemagne à Hoffenheim.
Ce club me suivait déjà avant même que je signe à Bordeaux, quand je jouais à Angers. Les dirigeants d’Hoffenheim m’ont suivi pendant quatre ans, ils me voulaient absolument. Et depuis que j’ai signé là-bas j’ai progressé dans mon jeu dos au but, dans mon jeu de tête, je marquais plus de buts car là-bas on avait plus d’opportunités de marquer des buts. Le jeu allemand me correspond tout à fait et j’en suis content.
« Lors de mon premier entraînement à Hoffenheim, j’ai cru que j’allais vomir »
Nicolas Cuoco : Anthony je voudrais évoquer avec toi la différence entre les clubs en France et à l’étranger. As-tu ressenti une différence, que ce soit à Hoffenheim ou à Cologne en ce moment, au niveau de l’hygiène de vie, la nourriture, les siestes, la mentalité, la tactique, entre la France et l’étranger ?
J’ai toujours adoré les siestes mais depuis que je suis arrivé en Allemagne je n’en ai pas fait beaucoup (rires). Là-bas aussi, beaucoup joueurs arrivent au stade deux heures avant l’entraînement et ils repartent deux heures après. Ils ont une certaine rigueur. Moi ça me va très bien car j’arrive en général, non pas deux heures, mais plutôt une heure avant l’entraînement. Là-bas, je prends soin de mon corps, avant et après l’entraînement. Aujourd’hui encore plus car j’ai 28 ans et je suis plus proche de la fin de carrière que du début. En France, on ne le fait pas assez. Il y a une grosse différence aussi au niveau de l’intensité des entraînements. Le tout premier que j’ai fait en Allemagne j’ai cru que j’allais vomir (rires).
Habib Achour-Tani : cette semaine l’équipe de France joue un match important face à la Suède (le 11 novembre) dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde 2018. Depuis l’Euro 2016, on a l’impression que certaines cartes vont être redistribuées en attaque. On l’a vu avec l’arrivée de Kevin Gameiro. Il y a aussi la question du choix du quatrième attaquant en bleus. Tu as déjà eu des sélections en équipe de France espoirs. Au vu de ton début de saison, est-ce que tu crois en tes chances d’intégrer l’équipe de France et participer à la Coupe du monde 2018 ?
Honnêtement je n’y pense pas. Je me concentre sur mon début de saison et sur la saison que j’ai à faire. Mais je ne vais pas faire de langue de bois non plus. Je suis français, j’ai eu des sélections en espoirs donc bien sûr que j’aimerais revêtir le maillot de l’équipe de France. Néanmoins je ne me pose pas plus la question que ça. Il faut savoir aussi que tous les attaquants que le sélectionneur a pris ces derniers temps ont été performants. Dans le football, il n’y a pas d’injustice. Si tu mérites, tu y vas, si tu ne mérites pas, tu n’y vas pas. A moi de continuer comme ça et on fera le point plus tard. Aujourd’hui je suis content pour ceux qui y vont.
« Tout part du terrain, tout revient au terrain »
Samuel Vaslin : Anthony, ce qui est frappant aujourd’hui chez les joueurs qui postulent en équipe de France, c’est leur présence dans les médias. Toi, c’est un peu l’inverse. Tu es quelqu’un d’assez discret, tu ne fais pas beaucoup parler de toi. Est-ce une volonté personnelle ou le fait de vouloir esquiver les journalistes pour éviter les problèmes ?
C’est vrai que je suis plutôt discret. J’essaie de ne pas trop faire parler de moi à part sur le terrain. La communication n’est pas trop mon fort. Mais il faut qu’en je fasse aussi parce que c’est comme ça que ça marche. En fait, je pars du principe que si je suis bon, on fera appel à moi. Un jour une phrase m’a marquée. Elle était de mon premier entraîneur en pro, Frédéric Antonetti. Il m’a toujours dit : « Tout part du terrain, tout revient au terrain ». Je n’arrive pas à me servir des journalistes pour me faire encenser. J’ai du mal à faire ma pub il est vrai. Mais peut-être que je vais m’y mettre un jour, j’ai 28 ans, il n’est jamais trop tard (rires) !
Waalid Acherchour : justement Anthony, tu as 28 ans, ça fait maintenant quatre ans que tu évolues en Bundesliga. Tu es en constante progression en terme de statistiques et de jeu. Quels paliers aimerais-tu encore franchir ?
J’aimerais passer ce palier de la période de novembre-décembre, un creux que je n’arrive toujours pas à passer à cette période. Si je passe ce palier cette saison, alors je ferai une bonne saison. C’est pourquoi je me suis acheté un bonnet et une écharpe en plus au cas où (rires) ! Plus sérieusement je vais me plonger dans le travail et redoubler d’efforts. C’et ce que je sais faire de mieux.
Romain Beddoukh : est-ce que un jour tu espères pouvoir frapper à la porte de clubs européens plus huppés que Cologne, malgré tout le respect qu’on a pour Cologne ?
Honnêtement, à Cologne, j’ai trouvé un environnement au top, pour ma famille et pour moi. D’ailleurs j’ai prolongé mon contrat en début de saison alors qu’un club en Chine voulait absolument me recruter. Ca veut dire que je suis bien installé à Cologne, ma famille et moi sommes très heureux et je ne me pose pas la question de savoir si à la fin de la saison je signerai dans un autre club. Je me concentre sur mon club, sur la confiance qu’il m’a apportée. A moi de leur rendre.