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Baisse du Livret A: vers un choc de consommation?

Le placement préféré des français va lui aussi connaître la crise avec un taux de 1.25% dès le 1er août 2013. Derrière cette décision symbolique, des enjeux forts et un pari: relancer la consommation pour retrouver la croissance.  Solution ou illusion? Décryptage.

Avec prés de 265 milliards d’euros collectés fin mai 2013, le livre A est de loin le produit d’épargne privilégié par les français. Les raisons de ce succès sont multiples, un produit simple avec une épargne immédiatement disponible sans frais, une épargne dont les intérêts sont défiscalisés (le livret A est bel et bien une niche fiscale) et le sentiment de participer au financement des logements sociaux (la finalité principale des fonds collectés avec le livret A est pour la Caisse des Dépôts d’octroyer des prêts aux organismes HLM), bref, nous l’avons compris, le Livret A a tout pour plaire.

Pourtant tout n’est pas rose pour le célèbre livret qui se retrouve au cœur d’arbitrages politiques, on se souvient du plafond repoussé à 22.950 euros, manœuvre qui a pu surprendre car il convient de rappeler que presque la moitié des livrets A existants (46,6 %) sont dotés de moins de 150 euros et ne représente que 0,4 % de l’encours total du livret A. A l’inverse, les 8,5 % de livrets plafonnés représentent 43,2 % de l’encours total. Relever le plafond semble donc être un cadeau aux classes moyennes, une oasis défiscalisée dans un déluge fiscal.

Agir sur les taux pour orienter l’épargne

Plus que le plafond, c’est le taux d’intérêt qui détermine si le placement est intéressant financièrement. La formule magique pour calculer le taux de rémunération du Livret A comprend 2 composantes principales, la première est l’inflation (la hausse générale des prix, hors tabac) et la seconde est financière, le taux d’intérêt de l’Euribor (le taux auquel les banques se prêtent de l’argent à 3 mois). Mécaniquement donc, le gouverneur de la Banque de France en appliquant la formule, propose au gouvernement le taux à fixer pour le livret A. Sur le papier cela semble transparent, rien à y redire, toutefois ce n’est pas si simple, en effet, si la formule était appliquée pour la prochaine réévaluation du taux d’intérêt, ce n’est pas 1.25% mais 1% qui ressort du calcul, un taux largement tiré par le bas par l’inflation assez basse (0.8% en rythme annuel).

Le gouvernement n’a pas voulu fixer le taux à 1%, une barre symbolique qui aurait fait grincer les dents des 94% de français qui détiennent un livret A, mais la baisse est bien là, et cela est loin d’attrister le gouvernement qui croit qu’un taux bas déclenchera un sursaut de la consommation des ménages (qui pèse à hauteur de 60% dans la croissance produite), mais encore faut-il que ces ménages aient envie de consommer, et en temps de crise, de chômage galopant, l’heure pour ceux qui ont encore de l’argent à la fin du mois est d’épargner pour faire face à un avenir à court terme qui s’annonce sombre.

Le livret A, un instrument d’épargne populaire qui doit le rester

Que vont donc faire ces ménages? C’est la question que doit se poser Bercy, mais le livret A est un instrument d’épargne populaire, sa vocation n’est pas de rendre riche son propriétaire mais de protéger les économies des ménages populaires contre l’inflation. Cette vocation est saine et il ne faudrait pas la changer. Le rendement en finance est fonction du risque pris, s’il y en a pas, celui-ci est faible, c’est le cas du livret A, quand le risque est supérieur, que l’argent placé sert par exemple à financer une entreprise, le taux est supérieur pour rémunérer ce risque, c’est le cas des obligations ( lorsque qu’un particulier ou une institution prête de l’argent à une entreprise ou un pays en échange d’un intérêt et du remboursement du capital initial au bout d’une certaine durée) ou des actions d’entreprises dont le dividende est la rémunération du risque pris par l’investisseur qui a apporté ses capitaux à l’entreprise.

Plus le taux de rémunération du livret A est important moins les investisseurs vont prendre des risques à financer les entreprises (avec le risque de perdre leurs capitaux en cas de faillite, mais aussi la fiscalité de plus en plus lourde qui impacte ces placements. Le livret A doit donc rester une épargne populaire pour les ménages les moins aisés qui ne peuvent légitimement prendre le risque de perdre des capitaux en les investissant dans le financement des entreprises. Pour les ménages plus aisés qui ont des liquidités à placer, il convient en ces temps de crise de les orienter vers le financement des PME, gravement sous-capitalisées, ce sont elle, à l’instar de l’Allemagne, qui créent des emplois et qui font la croissance en France, celles-ci ont besoin de financement pour grandir et devenir cette armée d’entreprises de taille intermédiaire qui fait la croissance allemande.

Le succès des livrets d’épargne investis dans l’économie réelle

LIVRET RENAULTPSA BANQUE

 

En attendant des initiatives politiques sur la création d’un livret finançant l’économie réelle, les entreprises ont pris les devants, notamment PSA et Renault, deux entreprises au cœur de l’actualité par leurs plans sociaux et/ou d’amélioration de productivité. Aprés RCI banque et son livret Zesto (voir pub ci-contre) qui est la banque de Renault,    le dernier né des livrets a été lancé par le concurrent PSA (les mauvaises langues diront que PSA a toujours un train de retard face à son concurrent, et ce, dans tous les domaines…), quoi qu’il en soit,  le livret d’épargne du constructeur automobile  dépasse les attentes des dirigeants de la « banque de l’économie réelle ». Plus de 14.500 livrets Distingo ont été ouverts depuis le mois de mars, représentant un encours de 780 millions d’euros alors que PSA attendait 400 millions de collecte sur l’année.

La communication est importante dans ces deux livrets, on essaye de toucher la fibre sociale, patriotique même des épargnants, ceux-ci ont l’impression de contribuer au maintien de l’emploi en France en investissant dans « l’économie réelle », preuve que les épargnants sont prêts à financer l’économie réelle, la vraie, car ces deux sociétés peuvent emprunter sur les marchés obligataires, ce qui n’est pas le cas des petites entreprises qui ne peuvent lancer de tels livrets sans la puissance des communicants et un budget promotionnel abyssal.

En ce qui concerne le taux, les offres sont classiques, on les retrouve dans les « super livrets » des banques en ligne, un taux boosté pendant une période limitée, puis après un taux faible, 2.2% pour le livret Distingo passé les 4 premiers mois, et ce taux est brut, contrairement au livret A, les intérêts sont fiscalisés mais aussi variables, ce qui les rends sur le papier moins attractifs que le livret A avec son taux net de 1.25% (et sans le risque de faillite de l’émetteur, l’Etat,  théoriquement.)

Plus d’un hypothétique choc de consommation qui succéderait au choc de simplification présenté il y a peu, il est temps d’agir pour orienter l’épargne vers les petites entreprises qui créent la richesse et les emplois plutôt que d’espérer une fièvre acheteuse des ménages en temps de crise, dont la probabilité, à l’image des objectifs de croissance fixés, est malheureusement illusoire.

Christophe Crépin

 

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