Incomplètes ou redondantes, les adaptations animées ou vidéoludiques de Berserk ont toujours peiné à satisfaire l’appétit des fans. À ce titre, l’alliance entre la dark fantasy gore de Kentaro Miura et la verve survoltée des beat-them-up de Koei Tecmo promettait de faire des étincelles : hécatombes en règle, adaptation d’arcs inédits, Berserk and The Band of the Hawk accouche d’un jeu de massacre brutal mais un peu trop sage.
Coups simples, coups chargés, et jauges qui se remplissent : la formule Musou / Dynasty Warriors étant ce qu’elle est, on prend les mêmes et on recommence. Trucider des démons remplit une jauge déclenchant le mode Frenzy : les ennemis lâchent alors des âmes qui remplissent une deuxième jauge du doux nom de Death Blow. Casser des bouches pour casser encore plus de bouches. Bête et méchant, ça n’invente pas l’eau tiède, mais les règles bien établies du genre fonctionnent ici à plein régime.
À couteaux tirés
Guts étant par définition un bon gros tank, sa course lente est compensée par la possibilité de se déplacer très légèrement à chaque coup. Les autres personnages ont des styles bien définis : bien plus rapide, Casca peut par exemple utiliser des arts martiaux et déchaîner une chevauchée sur l’adversaire. De son côté Griffith fend l’air avec ses attaques rapides et élégantes. Malgré cette apparente diversité Berserk and the Band of the Hawk ne permet hélas d’incarner que 8 personnages, 10 si l’on compte les deux skins cachés – le fameux relooking « Éclipe, avant-après » – dont bénéficient Guts et Griffith. Ceux qui espéraient incarner le Skull Knight ou même Puck seront déçus.
Outre les armes blanches, chaque perso dispose d’un arsenal secondaire utilisable avec R1 et interchangeable avec les touches gauche et droite de la croix directionnelle. Une pression de haut ou bas suffit à basculer entre les armes de jet et les objets consommables (soins et buffs temporaires), ce qui n’est pas forcément intuitif dans le feu de l’action… On a vite fait de se tromper !
Registre médiéval oblige – et parce que le cheval c’est génial – Berserk permet au joueur de galoper tête baissée sur ses ennemis. D’une pression sur L2, on pourra donc appeler sa monture et tataner du streum à coups de sabots. Le tout reste néanmoins très peu maniable, et restreint considérablement les possibilités de combo : tout au plus a-t-on droit à une charge bélier pour envoyer voler les ennemis après avoir agité son épée. On n’enfourchera donc le canasson qu’en dernier recours pour se déplacer vers un objectif éloigné, le plus souvent pour secourir un allié mal en point.
Comme un effet buff
Histoire de pimenter les joutes ensanglantées, Berserk and the Band of the Hawk dispose d’un système RPG plutôt sommaire entre augmentation de combos et gestion de l’inventaire. Une fois rentré au bercail, on pourra ainsi s’équiper des objets récupérés au front. Une boutique permet également de vendre ses babioles et de casser sa tirelire pour acheter des équipements. Ces derniers pourront être customisés avec des matériaux récupérés au front pour optimiser voire débloquer certains bonus statistiques.
Outre les habituelles augmentations de stats, le level up enrichit l’arborescence des combos possibles. Un système qui aurait ouvert de belles possibilités, mais qui n’est finalement exploité qu’avec Guts et ses différentes formes. Judeau ou Casca, pour ne citer qu’eux, n’ont clairement pas le même traitement. Si ce système de stats apporte une couche de lecture supplémentaire, il ne fera vraiment la différence que contre les boss et dans les modes de difficulté les plus élevés. Le reste du temps, les escarmouches restent plutôt voire très généreuses en soins et la barre de vie ne descendra jamais vraiment en dessous d’un certain seuil.
On ne retrouvera donc pas vraiment le goût du sang et du danger des batailles du manga d’origine, à moins de se pencher sur la principale exclusivité de ce titre : le mode Eclipse. Prenant la forme d’un survival à difficulté croissante type « tour des défis », ce mode met enfin le joueur en difficulté, moyennant des récompenses très satisfaisantes. Il faudra jongler habilement avec les jauges et abuser de la parade pour récolter tous les bonus et acquérir le Graal : arrivés au 100ème étage, les plus aguerris pourront acquérir les formes ultimes de Guts et Griffith pour tronçonner les démons avec toujours plus de frénésie.
Une chevauchée (pas si) fantastique
L’adaptation animée de l’été 2016 avait fait grincer des dents les fans de l’oeuvre de Miura, The Band of the Hawk saura les consoler sans pour autant les enthousiasmer. L’histoire principale est ponctuée par de courts extraits directement repris des trois longs-métrages animés du studio 4°C consacrés aux tomes 1 à 13, déjà adaptés en série en 1997. Passé le cap de l’Eclipse (et une mise entre parenthèses de l’arc Lost Children), le jeu se contentera de proposer quelques maigres cinématiques réalisées avec le moteur du jeu pour des scènes d’anthologie que les fans auraient aimé redécouvrir dans de meilleures conditions.
Outre le vernis du fanservice propre aux Musou, le jeu accuse un retard technique conséquent que la direction artistique rudimentaire peine à faire oublier. Malgré des graphismes en deçà de ce que la PlayStation 4 a à offrir, le jeu finit par tousser quand des flammes apparaissent à l’écran. On regrette également que les niveaux n’aient pas été plus travaillés : clairières et forteresses sont abondamment recyclées dans des niveaux en couloirs ne proposant aucune profondeur de champ. La répétivité des décors aurait pu être compensée par les objectifs secondaires, si la gestion du moral des troupes ne se résumait pas à capturer des bases et à secourir des alliés mal en point.
Enfin, et c’est un comble pour le genre, on en vient à regretter que la violence viscérale du manga – qui lui donne pourtant tout son caractère – ait été édulcorée. Les lois japonaises étant ce qu’elles sont en matière de démembrement, Omega Force avait promis de lâcher les chiens dans une version intégrale pour l’Occident. Le travail n’a visiblement pas été fait : tout au plus aurons-nous droit à quelques gerbes de sang qui disparaissent comme par magie du décor après quelques secondes.
Œuvre souvent malmenée par ses adaptations, Berserk ne trouvera pas son salut dans la formule Dynasty Warriors. Sans atteindre la rage de l’œuvre originale, le jeu propose un divertissement satisfaisant mais étonnamment sage. Passée une histoire principale bouclée en une petite douzaine d’heures, le système montre vite ses limites : on s’attardera davantage sur le mode Eclipse, de loin le mode le plus généreux tant sur le plan du contenu que celui du challenge. Les amoureux du concept et/ou de la licence y trouveront leur compte, mais ne doivent pas s’attendre à ce que les aventures de Guts bouleversent une formule peut-être trop bien rodée.
Berserk and the Band of the Hawk est disponible sur PlayStation 4.
Crédits : Koei Tecmo, Omega Force
Test réalisé à partir d’une version éditeur