BNP Paribas, la première banque de France, est contrainte de payer une amende de 6,5 milliards d’euros pour avoir violé les embargos américains contre Cuba, l’Iran et le Soudan –des pays classés sur la liste noire des USA– entre 2002 et 2009. Une sanction financière record pour une banque étrangère.
Lundi 30 juin, BNP Paribas a plaidé coupable des faits qui lui étaient reprochés et a donc accepté de payer aux Etats-Unis une douloureuse amende s’élevant à 6,5 milliards d’euros. Mais si la banque française a finalement décidé d’honorer cette pénalité financière, ce n’est que parce qu’elle vise à échapper à un procès dont l’issue pourrait être encore plus lourde financièrement.
L’Amérique à cheval sur ses principes économiques
L’enquête des autorités américaines –et plus particulièrement du département de la Justice et du régulateur bancaire de l’État de New York, Benjamin Lawsky– portait sur plus de 100 milliards de dollars de transactions (environ 75 milliards d’euros), dont 30 milliards de dollars (environ 22 milliards d’euros) auraient été dissimulés par la BNP afin de contourner les sanctions américaines. Au cœur de cette affaire : des activités très lucratives de négoce gazier et pétrolier, réalisées depuis les implantations de l’établissement bancaire à Genève, Paris et Singapour. Autant dire qu’en découvrant ces transactions obscures l’Oncle Sam s’est enflammé, allant jusqu’à vouloir imposer à la traîtresse banque hexagonale une amende de 16 milliards de dollars (plus de 11 milliards d’euros).
Il faut dire que les Etats-Unis ne supportent pas qu’on les floue financièrement. Le moindre centime perdu est, pour eux, comme la perte du pactole entier. La banque américaine JP Morgan en sait quelque chose puisqu’en 2013 elle a dû régler une contravention –la plus importante à ce jour– de 13 milliards de dollars (soit plus de 9 milliards d’euros), au motif qu’elle a été largement impliquée dans la crise des subprimes. Celle-là même qui a fait plonger le pays dans la récession en 2008.
Ainsi le message est clair : « aucune banque, aucune société, aussi profitable soit-elle, n’est au-dessus des lois », comme l’affirmait l’année dernière Éric Holder, le procureur général des États-Unis qui a décidé la contravention de JP Morgan.
La fin de l’oligarchie bancaire ?
Au pays du « Grand Capitalisme » –presque érigé en religion– et de Wall Street, il semblerait donc qu’on ne pardonne plus aussi facilement les dérives des spéculateurs et autres loups avides de billets verts, vus comme les principaux responsables de l’actuel marasme financier dont le monde peine à se sortir.
Pour preuve, treize collaborateurs de BNP Paribas, parmi lesquels cinq cadres dirigeants de haut niveau, ont été contraints de démissionner à l’issu du verdict prononcé par les hautes instances économiques américaines. Parmi eux figurent George Chodron de Courcel, l’un des directeurs généraux délégués de la banque française ; Vivien Lévy-Garboua, conseiller du comité exécutif ; Christopher Marks ; Dominique Remy ou encore Stephen Strombelline… Des poids lourds du marché, des têtes qui valent leur pesant d’or qui tombent, et ce qu’elle que soit leur nationalité ou leur statut. Contrairement à la France où ceux qui trinquent sont encore bien souvent les petits poissons en charge des transactions, et non les grands requins, redoutables magnats des Abysses économiques.
A noter qu’on s’aperçoit également que la confiance ne semble plus de mise entre les banques et les institutions étatiques outre-Atlantique puisque le Département des Services financiers de l’État de New York installera un contrôleur au sein de BNP Paribas afin de s’assurer que celle-ci respectera le jugement rendu. Ou est-ce simplement parce que les Etats-Unis se méfient de la France ?
De pénibles négociations où point le Traité transatlantique
On peut en douter étant donné les circonstances. Tout d’abord parce que l’évocation, au départ, d’une somme pharaonique de 16 milliards de dollars à rembourser par BNP a fait peur à l’Etat français. Et que le président de la République, François Hollande, a alors tenté d’intercéder auprès de son homologue américain, Barack Obama, pour que celui-ci fasse baisser l’amende. Mais sans succès puisque le président des Etats-Unis, en proie à d’importants problèmes géopolitiques, notamment en Irak, a exclu toute intervention.
Ainsi, pour apaiser l’ire américaine, le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, a reconnu dans un courrier adressé à ses salariés les « erreurs » commises par la banque. Et les autorités françaises, sans contester la légitimité des sanctions voulues par les USA, n’ont cessé de plaider pour que celles-ci demeurent « justes et proportionnées ». Une clémence qu’Arnaud Montebourg, ministre de l’Economie, avait réitérée dimanche soir sur la chaîne d’infos BFMTV : « Nous sommes en droit de demander un certain équilibre ». Rappelant également que cette affaire pourrait menacer le système bancaire européen tout entier –et donc, par conséquent, Washington, son allié. Mais aussi mettre en péril les négociations en cours sur le Traité transatlantique, qui vise à créer la plus grande zone de libre-échange au monde, entre l’Union européenne et les Etats-Unis.
Toutefois, comme l’affirme Fleur Pellerin, il a de grandes chances que la France se couche face aux exigences du géant américain, car trop dépendante de la santé financière de ce dernier.
BNP Paribas s’en remettra… peut-être pas
L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), le régulateur bancaire français, estime que BNP Paribas est capable « d’absorber les conséquences anticipées » des sanctions infligées. Bien que l’amende représente plus d’une année de profit pour BNP Paribas –qui, en 2013, a dégagé 4,83 milliards d’euros de bénéfices. Mais, d’après lui, « le groupe présente une situation de solvabilité et de liquidité tout à fait solide », ce qui lui permettrait donc de s’en sortir sans faire de trous démesurés dans ses poches et sans toucher au porte-monnaie de ses clients. En effet, selon Jean-Laurent Bonnafé, ce sont les actionnaires qui devront payer la facture, « compte-tenu des dispositifs spécifiques d’intéressement et de participation dans la rétribution des collaborateurs ». Comprendre le gel des bonus de ceux qui détiennent des parts dans la cinquième société au classement du CAC40. Certes, sauf qu’en avril 2009, qui est devenu le premier actionnaire de BNP Paribas ? L’Etat français bien sûr ! Une addition salée qui incombera donc indirectement aux contribuables de payer… et équivaudrait environ à 2,5 milliards d’euros de recettes fiscales.
Autre impact de cette conséquente amende sur l’économie française : une prise de risque minimum de BNP et donc, forcément, moins de crédits accordés aux particuliers. Ce qui n’aidera en rien à booster le pouvoir d’achat des Français, déjà lourdement freiné par les multiples hausses d’impôts. Surtout que d’autres banques françaises, comme la Société Générale et le Crédit Agricole, sont dans le collimateur des autorités américaines pour avoir réalisé, elles aussi, des opérations en dollars avec des pays sous embargo économique des Etats-Unis.
Définitivement, BNP est « la banque d’un monde qui change ».