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« Ça a chamboulé tous nos plans » : hôtesses de l’air et stewards à l’heure de la crise sanitaire

Présentation parfaite et sourire dissimulé derrière leurs masques, les hôtesses de l’air et stewards pour la plupart ont repris leur activité professionnelle depuis le rebond du tourisme et des vols. Aujourd’hui, 5 jeunes hôtesses de l’air et stewards entre 24 et 34 ans en CDD, communément appelés  » le personnel navigant commercial (PNC) « , nous racontent comment la crise sanitaire a impacté leur profession de rêve paradoxalement frappée par la précarité. 

Une année sans vols 

En mars 2020, la plupart des compagnies suspendent leurs vols face à la situation sanitaire qui devient de plus en plus alarmante, les personnels navigants commerciaux volent de moins en moins mais étaient loin de se douter de la longue année qui allait suivre : « On pensait que ce serait provisoire, on ne s’en rendait pas vraiment compte » avoue Asma, 28 ans et hôtesse de l’air depuis 1 an et demi. 

Le confinement frappe la France et ceux qui vivaient une vie mouvante retournent à une vie sédentaire. Pour la plupart, le chômage partiel remplace leurs revenus jusqu’à la fin de leur CDD quelques mois plus tard. Après la fin de leur contrat, le chômage représentait une baisse considérable de leurs revenus : « Le salaire d’hôtesse de l’air fonctionne principalement grâce aux primes de vols, après la fin de notre contrat, Pôle Emploi n’a calculé que notre salaire fixe qui revient à un smic » ajoute Asma qui s’est retrouvée avec un chômage de 1000 euros environ.

« C’était une situation très précaire, quand ton niveau de vie est divisé plus que par deux, c’est compliqué » avoue également Marie, 29 ans. « Je vivais à Paris et c’était devenu quasi impossible pour moi de payer mon loyer et vivre à côté » ajoute Asma. 

Laura, 24 ans, n’avait pas le droit au chômage « J’étais en CDD chez une compagnie seulement depuis 4 mois donc je n’avais pas le droit au chômage, j’ai dû travailler en tant que caissière chez Carrefour« .

Au-delà de l’aspect financier, le changement de vie était également une épreuve difficile à surmonter, Marie et Asma évoquent un état dépressif en voyant leurs vies professionnelles s’arrêter, tandis que Antoine 34 ans, exprime le chamboulement que représente ce vide professionnel pendant plus de 1 an : « Ça a chamboulé tous nos plans, j’avais prévu de m’établir et acheter un appartement, je devais être renouvelé en CDI et finalement la compagnie a fait faillite« .

Au total et à l’échelle internationale, les compagnies aériennes ont subi des pertes cumulées de 370 milliards de dollars en 2020, beaucoup de compagnies ont fait faillite dès les premiers mois de la crise sanitaire. La plupart des jeunes hôtesses de l’air et stewards en CDD n’ont pas pu être renouvelés, laissant un nombre conséquent de PNC en recherche d’emploi pour peu de compagnies qui recrutent.

Une reprise d’activité compliquée

« C’est cool de reprendre mais c’est différent » nous dit Asma, réembauchée dans une compagnie aérienne pour qui elle travaillait quelques années auparavant, un retour en arrière inévitable face à la difficulté de l’embauche. « Ça n’embauchait pas à Paris, on m’a donc basée à Lille et je ne peux pas déménager pour un contrat de 4 mois, je fais des allers retours, d’autant plus que je ne vole que 1 à 2 fois par semaine ce qui revient à un revenu assez modeste face aux dépenses que cela implique« .

Antoine lui a dû être basé à Nador au Maroc afin de reprendre son activité « Je considère ma situation comme extrêmement précaire, je travaille en contrat d’intérim géré par des sociétés à Dubaï et je n’ai aucun droit du travail garanti, si ça s’écroule je ne serais quasiment pas payé…« 

 » Quand on en vient à accepter n’importe quoi juste pour travailler c’est que ça devient grave, notre expertise n’a même plus importance  »

L’embauche dans le domaine de l’aviation semble tellement bouchée que beaucoup sont prêts à accepter des conditions précaires dont la contrainte du déplacement des bases aéroportuaires et dans d’autres cas un salaire très bas et des conditions de travail compliquées chez des compagnies low cost.

Matthieu, toujours en recherche d’emploi dans le domaine de l’aviation n’a toujours aucun retour « Pour ceux qui ont eu la chance de trouver quelque chose c’est cool mais pour les autres on va devoir retourner en travail de bureau« . 

La reconversion semble avoir traversé l’esprit de beaucoup d’entre eux mais la réalité et les possibilités en sont toutes autres. L’embauche d’ex-hôtesses de l’air et stewards semble d’autant plus compliquée dans les autres domaines tant les clichés et la dévalorisation du métier est présente. Selon Marie « Ceux qui ne sont pas dans le domaine de l’aérien n’ont aucune connaissance de comment on est formés à bord » 

 » Ils voient juste la fille qui sert leur café, nos qualifications ne sont pas reconnues « 

Cette dernière qui s’est reconvertie dans l’aviation privée a eu des difficultés à faire reconnaitre sa situation auprès de Pôle Emploi : « Pôle emploi a refusé de financer ma formation parce qu’ils ne croyaient pas que je pourrais trouver du travail dans ce domaine, j’ai dû me débrouiller. »

Une perspective d’avenir pour les hôtesses de l’air et stewards ? 

Bien que l’activité aérienne ait repris, la plupart des compagnies aériennes low cost ne sont qu’à un tiers de leurs capacités. « Ils disent qu’on devrait revenir à la normale d’ici 2024-2025 » dit Laura. Certains doutent encore de leur patience tant leur évolution professionnelle a été lourdement freinée  » J’ai peur de pas être capable d’attendre des années pour un CDI«  avoue Asma tandis qu’Antoine « pense beaucoup à la reconversion« . 

C’est avant tout l’instabilité qui marque la précarité des emplois de PNC comme le souligne Antoine :

 » On ne sait même pas où on sera dans quelques mois, c’est vivre en permanence en se disant que ça va peut-être bientôt s’arrêter « 

Beaucoup ont encore la patience et l’espoir de revenir à une activité professionnelle normale, c’est le cas de Laura « Ça va bien reprendre un jour et je ne me vois pas faire autre chose que ce métier-là » tandis que Matthieu toujours en recherche d’emploi affirme qu’il essaiera de « retourner à l’aérien quand ça reprendra« .

Une méconnaissance ainsi qu’une dévalorisation interne mais également externe du métier semble être bien présentes au-delà de la crise sanitaire. La plupart des jeunes PNC entretiennent des contrats courts et saisonniers en CDD et peinent à réellement décrocher un contrat en CDI, une situation qui ne s’améliore pas depuis la crise sanitaire. 

Pour la plupart, continuer à exercer ce métier requiert beaucoup de patience et de passion. Derrière les mythes et clichés d’une profession qui fait souvent rêver, se cache une profession précaire et instable pour ceux qui n’ont pas encore obtenu de CDI. On peut notamment se poser la question de la formation des futures hôtesses de l’air et stewards dans un contexte qui décourage les jeunes à se diriger vers ce type de profession. 

Pour des raisons de confidentialité, les noms des intervenants ont été modifiés.

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