
Alors que l’on pensait la mouvance « incel » cantonnée au monde anglo-saxon, ce 2 juillet 2025, un jeune homme de 18 ans se proclamant de la mouvance « incel » a été arrêté par le parquet national antiterroriste alors qu’il prévoyait un attentat.
La mouvance « incel »
Le terme « incel » ou « involuntary celibate » (célibataire involontaire) désigne en général de jeunes hommes pour qui la femme a pris trop de pouvoir dans la société et qui souhaitent alors former un contre-mouvement au féminisme. Néanmoins, ce n’est que depuis la tuerie d’avril 2018 à Toronto que ce terme prend ce sens, lorsque l’auteur se réclame de la « rebellion incel ». Le terme devient alors un signal de regroupement pour les misogynes extrémistes nourrissant une haine de la femme. Avant cela, il désignait tous les hommes célibataires involontaires non misogynes.
Initialement marginale, c’est avec Internet que la mouvance « incel » prend de l’ampleur, notamment avec les réseaux sociaux, terreau fertile. Notamment avec les influenceurs masculinistes comme Andrew Tate, qui cumulait plus de 10 millions d’abonnés sur son compte X. Véritable gourou, ce dernier prônait un culte de la virilité et de la salle de sport, un rejet de toute vulnérabilité, une haine de la femme et un retour à une société dominée par les hommes. Le tout sur fond de discours misogynes. Ces propos trouvent un écho chez de nombreux jeunes hommes, pour la plupart insatisfaits de leur vie sexuelle. Ces derniers y trouvent une explication, un bouc émissaire à tous leurs maux : les femmes.
Pourtant, c’est précisément ce discours viriliste qu’ils embrassent qui est à l’origine de leur mal-être. C’est-à-dire l’idée qu’un homme doit être musclé, ne pas montrer ses émotions, et traiter les femmes comme inférieures. Ce discours les enferme dans l’idée que les femmes ne sont intéressées que par le haut du panier du stéréotype de l’homme viril, et que toute forme de vulnérabilité, de féminité, est mal vue. En conséquence, cela nourrit un idéal masculiniste toxique qui peut être source de mal-être et alimenter une haine envers les femmes.
La violence masculiniste
Isla Vista, Californie, le 23 mai 2014 : 6 morts et 14 blessés ; Roseburg, Oregon, le 1er octobre 2015 : 9 morts et 8 blessés ; Toronto, Ontario, le 23 avril 2018 : 10 morts et 14 blessés ; Tallahassee, Floride, le 2 novembre 2018 : 2 morts et 4 blessés ; Hanau, Allemagne, le 19 février 2020 : 10 morts et 6 blessés ; Toronto, Ontario, le 24 février 2020 : 1 morte et 1 blessée ; Glendale, Arizona, le 20 mai 2020 : 3 blessés ; Plymouth, Royaume-Uni, le 13 août 2021 : 5 morts. Voilà le bilan de la mouvance « incel » : 43 morts et 50 blessés. Motivés par la haine pour les femmes, ces hommes ont commis selon eux un « acte de rebellion », comme un mouvement de résistance dans un système répressif dont ils seraient ici les victimes.
« Les filles…je vais vous détruire »,
Elliot Rodger, auteur de la tuerie d’Isla Vista
Un attentat masculiniste c’est notre échec en tant que société. Non seulement pour ne pas avoir pu empêcher l’attentat, mais aussi pour ne pas avoir pu l’anticiper en aidant ceux pris dans cette spirale de haine à s’en sortir avant de commettre l’irréparable. Il ne faut surtout pas déshumaniser et commencer à traiter qui que ce soit de fou. Même si c’est plus simple. Il faut essayer de trouver les raisons, pas les excuses non, les raisons qui ont mené ces jeunes hommes à éprouver une telle haine et à commettre un meurtre. C’est pourquoi la décision de diffuser dans les classes la série Adolescente est une très bonne initiative. En effet cela pourrait aider certains à s’ouvrir, à parler de leurs frustrations, plutôt que de se refermer sur eux et de s’isoler dans une réalité biaisée que sont les réseaux sociaux. En somme, les aider à ne pas rompre le lien humain et à ne pas déshumaniser les femmes.
Que ce soit bien clair, les femmes sont les victimes, ces hommes sont les coupables. Mais la société est coupable aussi et ce serait contre-productif de le nier.