Teen drama sensible, Felicity porte un regard délicat et réaliste sur une héroïne attachante, incarnée par la magnifique Keri Russell.
C’est quoi, Felicity ? Felicity Porter (Keri Russell) est une brillante lycéenne californienne, qui prévoit d’étudier la médecine à la prestigieuse université de Stanford. Le jour de la remise des diplômes, Ben Covington (Scott Speedman), le garçon dont elle est secrètement amoureuse, signe son album de promo en regrettant de ne pas l’avoir mieux connue… Felicity bouleverse alors tous ses projets : elle s’inscrit à New York dans la même université que Ben, sans lui révéler pour autant ses sentiments. Un choix de vie radical, qui va déterminer toute la vie de la jeune femme.
A 25 ans, J.J. Abrams est déjà un scénariste talentueux, auteur des films A propos d’Henry et Armageddon. En 1996, il a l’idée d’un film racontant le parcours initiatique d’une jeune adolescente, nommée Felicity d’après une ancienne camarade d’université. Avec son ami le réalisateur Matt Reeves, il se rend vite compte que le format de la série lui permettrait de donner plus d’ampleur à l’histoire et à l’évolution de son personnage. Le projet, refusé par David E.Kelley qui se consacre alors à Ally McBeal, intéresse en revanche Ron Howard. Reste à trouver un diffuseur ; rejetée par les grandes chaînes, la série atterrit finalement sur la modeste WB qui programme le premier épisode à l’automne 1998. D’emblée, le pilote retient l’attention des critiques, surpris par son ton adulte et réaliste, sa sensibilité et sa délicatesse.
Felicity reprend la structure du cursus aux États-Unis : chacune des quatre saisons relate une année d’études, avec la nomenclature utilisée dans les universités (freshman year, sophomore year, junior year, senior year.) Dans quelques épisodes, la série utilise également un procédé narratif astucieux : en ouverture de l’épisode, l’héroïne enregistre sur une cassette ses pensées et sentiments les plus intimes et l’envoie à sa meilleure amie restée en Californie ; à la fin, celle-ci répond de la même manière, sur une autre cassette. Cette idée permet au spectateur d’approcher au plus près la psychologie du personnage, qui se livre avec honnêteté, un peu à la manière d’une psychothérapie.
Dans Felicity, toute l’histoire découle d’un seul moment : celui où la jeune héroïne, pourtant sage et rationnelle, fait le choix impulsif de bouleverser un projet de vie mûrement réfléchi et de s’inscrire à la même université que Ben, un garçon qu’elle connaît à peine. Cette scène, fondatrice, et les conséquences directes du choix de Felicity sont au cœur de tout le scénario. Au grand dam de ses parents, désarçonnés par le comportement de leur fille et qui tentent de la ramener à la raison, Felicity persiste et signe, quitte la Californie et s’installe à New York. Rapidement, la jeune femme est en proie au doute : perdue dans un nouvel environnement où elle ne connaît personne, elle se remet en question, se demandant ce qui a bien pu la pousser à traverser le pays pour suivre un type dont elle est vaguement amoureuse, sans même savoir si les sentiments sont réciproques.
Dans le même temps, elle s’adapte à sa nouvelle vie, tant sur le plan scolaire que personnel. Elle se fait rapidement plusieurs amis : sa colocataire Julie (Amy Jo Johnson) qui devient sa confidente ; Elena (Tangi Miller) qui vit sur le même palier; la gothique Meghan (géniale Amanda Foreman) et Sean (Greg Grunberg), ingénieux inventeur d’objets parfaitement inutiles. Felicity rencontre surtout Noel (Scott Foley), le superviseur du dortoir. Celui-ci est de toute évidence attiré par notre jeune héroïne, mais elle n’a d’yeux que pour Ben .
Keri Russell, ancienne du Mickey Mouse Club aux côtés de Justin Timberlake, Cristina Aguilera, Ryan Gosling ou Britney Spears, a tout juste 22 ans lorsqu’elle est choisie par J.J. Abrams pour incarner Felicity. Impossible de résister au charme et au magnétisme de l’actrice : elle est magnifique dans le rôle de cette jeune fille douce et sensible, qui s’accroche et se débat avec les conséquences d’une décision impulsive. A titre de curiosité, sachez que Scott Foley avait d’abord auditionné pour le rôle de Ben ; il hérite finalement du personnage de Noel, et c’est Scott Speedman qui incarne le beau garçon pour lequel l’héroïne bouleverse tout son avenir. Charmants et sympathiques, les deux acteurs correspondent parfaitement à l’idée que l’on pouvait se faire des hommes se disputant le cœur de Felicity.
La saison 1 se concentre presque exclusivement sur les relations fluctuantes du trio Felicity / Ben / Noel, tandis que les autres personnages restent en arrière-plan. La série évolue toutefois, devient plus chorale et accorde plus d’espace aux personnages secondaires. Ce choix scénaristique a deux avantages : d’une part, en accordant un peu moins de place au triangle amoureux, il évite d’épuiser prématurément cette dimension primordiale dans l’histoire ; d’autre part, il donne plus d’épaisseur à l’entourage de Felicity. C’est par exemple le cas de Sean, dont les inventions improbables apportent une touche d’humour, ou de Meghan, la seule à s’interroger sur les idéaux de Felicity et qui la pousse à se remettre en question.
La deuxième saison est aussi marquée par un événement qui semble anecdotique mais qui a pourtant fait couler beaucoup d’encre et qui reste incontournable lorsqu’on évoque la série : Felicity se coupe les cheveux. Elle sacrifie ses longues boucles blondes pour un coiffure beaucoup plus courte, provoquant l’émoi du public. Mal accueilli par les fans de la série, ce changement est toutefois loin d’être gratuit puisqu’il fait figure de métaphore, lorsque notre héroïne rompt une fois pour toutes avec son passé pour se plonger dans sa nouvelle vie à New York.
A priori, toute l’histoire tend vers la résolution de l’intrigue amoureuse : de Ben ou Noel, qui Felicity va-t-elle choisir ? Au fil des épisodes, son cœur balance entre les deux hommes tandis que s’installe entre eux la rivalité. Sans coup de théâtre ou rebondissement majeur, la série fait progresser leurs relations respectives, avec fluidité et sans outrance.
Pourtant, c’est une autre interrogation qui finit par s’imposer : pour quelles raisons Felicity a-t-elle abandonné le chemin tout tracé qui s’offrait à elle ? Est-ce vraiment pour suivre un camarade de classe, pour lequel elle a un vague coup de cœur ? Pour se la jouer Crazy ex-girlfriend avant l’heure ? Non, évidemment. Si Felicity et Rebecca Bunch (qui fait le chemin en sens inverse et quitte New York pour suivre son ex-petit ami en Californie) tirent un trait sur leur vie, c’est moins pour un homme que pour un autre environnement où, livrées à elles-mêmes, elles se découvrent et réinventent sans la pression familiale. Avec beaucoup de finesse et de sensibilité, Felicity s’affirme alors comme le parcours initiatique d’une jeune femme, qui semble avoir pris la pire décision de sa vie, mais qui entame en réalité un voyage vers la maturité et l’accomplissement personnel.
L’une des grandes qualités de Felicity tient aussi à la manière dont elle propose à son public – en majorité des adolescents – des histoires réalistes et positives sans mièvrerie, des personnages auxquels ils peuvent facilement s’identifier, et un cadre qui leur est familier. En cela, Felicity se rapproche de séries comme Angela 15 Ans ou l’australienne Hartley Coeurs à Vif. Et tout comme Dawson (lancée quelques mois plus tôt ,également sur la WB), elle a certainement ouvert la voie à Gilmore Girls ou Les Frères Scott par exemple.
Avec d’excellentes critiques et un socle de spectateurs fidèles, Felicity suit le parcours fixé dès le départ, l’héroïne faisant finalement son choix entre Ben et Noel en saison 4. Mais en plus des 17 épisodes prévus pour cette ultime saison, la WB décide d’en commander cinq supplémentaires. Puisque l’histoire de Felicity est arrivée à son terme, les scénaristes refusent d’écrire une suite et imaginent à la place un futur alternatif : que se serait-il passé, si Felicity avait choisi l’autre garçon ? C’est ce que découvre le public, avant que la série ne se conclue sur la scène où la jeune femme se décide enfin, lorsqu’elle se réveille de ce qui n’était qu’un rêve. (Dans la séquence ci-dessous – alerte, spoilers !)
Signalons que ni Matt Reeves, ni JJ Abrams ne sont impliqués dans ces cinq derniers épisodes. Abrams s’est du reste éloigné de la série au cours de la saison 3, pour développer un autre projet : la série Alias. Avec dans le rôle de l’héroïne, Sidney Bristow, une certaine Jennifer Gardner – alias la petite amie de Noel dans la saison 1 de Felicity. Quant à Keri Russell, une vie d’espionne l’attend aussi : on la retrouvera dans la peau d’une espionne du KGB quelques années plus tard, dans The Americans…
Intelligente et sensible, Felicity a marqué les esprits de tous ceux qui la regardaient à l’époque, et qui se souviennent avec tendresse de cette héroïne attachante. Vingt ans plus tard, la série vaut la peine d’être redécouverte. D’abord parce qu’elle a plutôt bien vieilli, ensuite parce qu’il s’agit de la première série créée par JJ Abrams, enfin parce que le portrait de cette jeune femme à l’aube de sa vie d’adulte n’a rien perdu de sa pertinence. Et puis parce que : Keri Russell. Cheveux longs ou cheveux courts, cette jeune femme est décidément irrésistible.
Felicity (WB)
4 saisons – 84 épisodes de 45′ environ.
Disponible en DVD.