Qui n’a jamais vu un seul film de Walt Disney ? Cet entrepreneur américain, figure incontournable de l’histoire de l’animation, est rapidement devenu une icône planétaire, et ce, grâce à la contribution artistique qu’il apporta au XXe siècle, tout autant que la manière dont il révolutionna le divertissement. Il est effectivement le créateur du premier « parc à thèmes », inventant ainsi le concept.
Walt Disney est indéniablement l’un des plus grands cinéastes de son temps, et pas seulement pour la qualité visuelle des films qu’il a produits. À travers ses œuvres, Walt Disney a réussi à créer un véritable langage cinématographique. Tous les long-métrages dont il a supervisé la réalisation, possèdent un schéma narratif moderne et audacieux, privilégiant le manichéisme et les happy-end certes, mais ne négligeant pas les aspects les plus sombres de l’humanité. Walt Disney a su matérialiser toutes les émotions humaines, et surtout la peur, avec une efficacité sans précédent dans l’histoire du Cinéma, voire de l’art en général.
Walt Disney est encore aujourd’hui peu considéré par certains milieux, qui n’apprécient pas, ou peu, l’importance que ce dernier accorde au monde de l’enfance. Pourtant, comme il l’a si bien dit : « Dans mon studio, nous n’avons qu’une certitude : chaque grande personne a d’abord été un enfant. Et quand nous préparons un film, nous ne pensons pas à « enfant« ou « adulte« , nous nous adressons à la petite lueur de fraîcheur et d’innocence enfantine qui demeure au plus profond de chacun de nous. La vie nous l’a fait quelque fois oublier, et nous espérons à chaque fois, que nos films la raviveront. »
De 1922 à 1937, les studios Disney se spécialisent dans la production de court-métrages, telle la célèbre série des Silly Symphonies, qui représentent surtout un apprentissage pour les jeunes artistes qui deviendront plus tard des grands noms de l’animation. Les innovations se sont bousculées sur le tournage de ces petits films, avec notamment l’utilisation de la couleur grâce au procédé Technicolor. Cette période s’achève plus ou moins en 1937 avec la sortie du premier long-métrage d’animation du studio et annonce l’avènement du « premier âge d’or » de Disney.
Pour leur premier long-métrage, les studios Disney démarrent sur les chapeaux de roue avec Blanche Neige et les Sept Nains. S’il n’est pas le premier long-métrage animé de l’histoire du cinéma, il éclipse littéralement ses prédécesseurs et représente une véritable révolution cinématographique et artistique. Adapté du roman homonyme des Frères Grimm paru en 1812, il s’inscrit dans une grande tradition européenne, tant sur le plan idéologique qu’esthétique. Le film se déroule dans un contexte médiévale, ornementé de forêts scandinaves et de boiseries nordiques, et réalisé avec un amour authentique pour la nature. Pensé dans les moindres détails, Blanche Neige et les Sept Nains n’est pas qu’une simple histoire de princesse et puise son inspiration dans des sources très variées : de la scène du balcon de Roméo et Juliette pour la rencontre entre Blanche Neige et le Prince, ou du cinéma d’horreur pour le passage dans la forêt et la transformation de la Reine. Le film s’impose comme le modèle incontestable des long-métrages Disney et en implante les codes principaux, à savoir un méchant, des personnages secondaires attachants et des parties chantées.
La musique de Leigh Harline et Paul J. Smith y tient une place importante et les chansons comme Someday My Prince Will Come ou Whistle While You Work demeurent inoubliables. La scène dans la forêt représente un pur moment d’anthologie et se base sur un principe assez simple : Blanche Neige a peur de l’inconnu. Durant sa fuite, la jeune princesse est prise de panique et sa peur altère la réalité : les arbres prennent vie, leurs branches se changent en mains squelettiques qui tentent de l’attraper et des centaines d’yeux terrifiants tapissent les bois. L’allure cauchemardesque de la séquence et l’expression de terreur qui se dégage du visage de Blanche Neige contraignent le spectateur à ressentir la même peur. La Reine, plus communément appelée the Evil Queen, figure parmi les plus grand méchants du 7e art. Dans son classement 100 Years… 100 Heroes and Villains, l’American Film Institute la classe 10ème plus grande méchante du cinéma anglophone, juste derrière Regan McNeil, la jeune fille possédée dans L’Exorciste. Son visage a été inspiré par celui de l’actrice Joan Crowford. Il existe d’ailleurs une confusion à propos de la Reine, certains disant qu’elle se transforme en sorcière, ce qui est faux. Elle se transforme en vieille femme, car pratiquant elle-même la magie, elle est déjà une sorcière.
Considéré par beaucoup comme un véritable chef-d’œuvre, Blanche Neige et les Sept Nains suscita un impact international et reste l’un des grands succès majeurs des studios Disney – il aurait même été selon certains historiens, l’un des films préférés d’Adolf Hitler, qui voyait dans Blanche Neige l’archétype de la beauté nordique et aryenne. En 1939, Walt Disney reçut des mains de Shirley Temple un Oscar d’honneur, constitué d’une grande statuette accompagnée de sept autres petites avec la mention : « « Innovation indiscutable dans le domaine de la cinématographie ayant charmé des millions de spectateurs et ayant ouvert au cinéma de vastes perspectives ».
Le deuxième long-métrage des studios Disney est Pinocchio, sorti en 1940. Malgré la dimension poétique indiscutable de son scénario, il s’agit d’un film très noir qui démontre l’attirance de Walt Disney pour les thématiques sombres : cupidité, malhonnêteté, etc.. Il comprend un nombre de méchants étonnement élevé dont le saltimbanque Stromboli, le cocher machiavélique et Monstro la baleine. Les deux escrocs Gideon et Honest John sont plus des bouffons que des méchants et leurs pitreries rappellent celles des personnages de la commedia dell’arte. Certaines séquences, presque traumatisantes, ont marqué plusieurs générations de spectateurs – comme celle où un jeune garçon se transforme en âne. Les principaux antagonistes du film présentent une certaine particularité : ils aiment faire du mal aux enfants et aux créatures innocentes : donc aux être les plus faibles. Même si le cocher emmène les enfants sur l’île des plaisirs pour en tirer des bénéfices, il semble ressentir un certain plaisir à l’idée de les faire souffrir. Pinocchio est souvent décrit par la critique comme l’un des meilleurs films de Walt Disney, surpassant même Blanche Neige.
Les qualités du film reposent une virtuosité technique irréprochable et innovante, ainsi qu’une profondeur émotionnelle privilégiant la terreur à l’humour. Conformément au conte de Carlo Collodi dont il est adapté, Pinocchio est une fable sur la préparation de l’enfant à intégrer le monde des adultes, tout en le mettant en garde sur le sort réservé à ceux qui ne s’y soumettent pas. Cependant, le personnage crée par Disney est beaucoup plus gentil et naïf que celui du conte, rude et destructeur. Pinocchio présente un récit initiatique, c’est à dire qu’il suit l’évolution, positive ou négative, d’un personnage vers la compréhension du monde ou de lui-même. Il est également un film sur la solitude et la recherche identitaire, trois des personnages principaux ayant une quête personnelle : Pinnochio doit devenir humain, Gepetto souhaite être un vrai père, et Jiminy Cricket ambitionne de devenir une conscience professionnelle. Bien qu’il soit adapté d’un conte italien, les décors sont, à l’image de ceux de Blanche Neige, d’avantage inspirés des ambiances propres à l’Europe du Nord et du style architectural privilégiant les boiseries des villages germaniques. Pinocchio possède une galerie de personnages secondaires attachants comme le chat Figaro et Cléo, le poisson rouge femelle.
C’est un film américanisé et profondément « disneyien » ; on le remarque notamment aux mensurations de la Fée bleue, qui rappellent les canons esthétiques de l’époque. Après Blanche Neige, Leigh Harline et Paul J. Smith s’occupent à nouveau de la musique du film, pour laquelle ils remportent cette fois un Oscar. Ils recevront également celui de la meilleure chanson originale pour When You Wish Upon a Star. Malheureusement, Pinocchio n’atteint pas le succès escompté et malgré des critiques dithyrambiques, fut presque un échec commercial.
Sorti la même année que Pinocchio, Fantasia est un véritable ovni dans la grande histoire des classiques d’animation Disney. Ce projet colossal et ambitieux est une expérimentation artistique tout à fait inédite dans le monde du 7e art. Le film est dénué d’intrigue et ne présente aucun dialogue, mais une série de sept séquences animées distinctes illustrant et/ou accompagnant des morceaux de musiques classiques célèbres. La programmation musicale est prestigieuse et regroupe la Toccata et Fugue en ré mineur de Bach, le Casse-noisette de Tchaïkovski, L’Apprenti sorcier de Paul Dukas, Le Sacre du printemps de Stravinski, La Symphonie pastorale de Beethoven, La Danse des heures de Ponchielli, et enfin, Une nuit sur le mont chauve de Moussorgski suivie de l’Ave Maria de Schubert. Les extraits musicaux ont été joués par l’orchestre philharmonique de Philadelphie, sous la direction de Leopold Stokowski. Ce dernier avait préalablement arrangés les morceaux sélectionnés. Voici une brève analyse de chaque séquence :
Toccata et fugue en ré mineur – Pour cette première séquence, l’idée de Walt Disney aurait été de recréer l’impression qu’un spectateur ressent lorsqu’il ferme les yeux durant un concert. Il s’agirait donc de la mise en image d’une musique qui n’existe que pour elle-même. Le spectacle commence par des jeux d’ombres et de lumières ainsi que des éclairages colorés mettant en scène les musiciens de l’orchestre. On assiste ensuite à un festival d’illustrations abstraites symbolisant les instruments de musique, tout en évoquant des éléments naturels comme le ciel, les nuages, les oiseaux, les vagues, etc. Les motifs s’inspirent du travail du réalisateur allemand de films abstraits, Oskar Fischinger. L’étrange gravité de la musique de Bach participe grandement à l’élaboration de l’ambiance singulière de la séquence.
Casse-noisette – Sur une sélection de morceaux extraits du ballet homonyme de Tchaïkovski (la Danse de la fée Dragée, la Danse chinoise, la Danse des mirlitons, la Danse arabe, la Danse russe et la Valse des fleurs), le spectateur découvre une procession de créatures magiques, d’animaux et de végétaux, rythmée par le cycle des saisons. Ces derniers défilent dans des décors sylvestres et aquatiques qui évoqueraient presque la mysticité de l’univers propre à la pièce de Shakespeare, Le Songe d’une nuit d’été. Véritable hymne à la nature et grand moment de poésie, le Casse-noisette vu par Fantasia émerveille par son aspect esthétique sans précédent. On retiendra notamment des fées déposant de fines gouttes de rosée sur la flore forestière, ou encore un ballet aquatique de poissons d’or, aux nageoires caudales longues et transparentes. Certaines scènes sont devenues des images marquantes, comme la danse des champignons, où un petit champignon n’arrive pas à entrer dans la ronde, ou encore le passage de l’automne à l’hiver rythmé par la Valse des fleurs.
L’Apprenti sorcier – Ce court-métrage est basé sur le célèbre poème homonyme de Goethe publié en 1797, ainsi que sur la musique que Paul Dukas composa un siècle plus tard pour illustrer ce dernier. L’intrigue est très simple : Profitant de l’absence de son maître, l’apprenti sorcier ordonne à son balais d’aller chercher l’eau à sa place, mais la situation devient rapidement incontrôlable. Le rôle de l’apprenti sorcier est dévolu à Mickey Mouse, égérie et alter-ego de Walt Disney dont il relancera le succès auprès du public. La morale de l’histoire est universelle et compréhensible par tous : ne jamais s’attribuer une haute fonction sans formation. Séquence phare de Fantasia, L’Apprenti sorcier présente un exemple remarquable de musique narrative et bénéficie d’une mise en scène astucieuse – par exemple, lorsque le balais se dédouble, les cuivres se multiplient. On retiendra des scènes importantes, comme celle où Mickey s’assoupit et se laisse emporter par le fantasme du contrôle des éléments : il joue avec les comètes et les étoiles, dirige les flots de l’océan et les nuages, provoque des éclairs, etc.. Une autre, particulièrement expressionniste, représente son ombre « assassinant » littéralement celle du balais, sous un éclairage rougeoyant.
Le Sacre du printemps – À l’origine, le but du ballet de Stravinski, était d’évoquer la vie primitive. Walt Disney l’a pris au mot, et, au lieu de présenter le ballet original – une suite de danses tribales – a choisi d’illustrer l’évolution de la vie sur Terre. Dans cette séquence, tout est représenté avec un réalisme quasi-scientifique et une extrême précision : qu’il s’agisse de la formation des continents et des océans, de l’apparition des premières bactéries, ou de l’époque des dinosaures. Walt Disney nous offre une véritable leçon de géologie et de paléontologie. Une des scènes les plus importantes du court-métrage est bien sûr l’effrayant duel opposant le tyrannosaure au stégosaure, qui fut animée par Wolfgang Reitherman – futur réalisateur des classiques des années 60 et 70. Une fois de plus, la mise en scène est flagrante d’efficacité et révèle un monde pour le moins oppressant.
La Symphonie pastorale – La séquence présente une succession de créatures de la mythologie gréco-romaine : des pégases, des licornes, des centaures mâles et femelles, des petits anges ailés, ainsi que plusieurs divinités comme Bacchus, Zeus, Héphaïstos, etc.. La musique de Beethoven est originairement un tableau musical d’une journée à la campagne, les instruments imitant des éléments naturels précis. Les studios Disney en ont fait une journée dans le domaine des dieux antiques, au pied du mont Olympe. Pour certains critiques, La Symphonie pastorale présente un répertoire d’images inspirées de l’art européen, et surtout de l’Art nouveau, notamment pour l’utilisation de lignes courbes dans les graphismes. La nature, thème cher à Beethoven, reste au centre de ce récit mythologique plein de couleurs et de poésie.
La Danse des heures – La musique de cette séquence est issue d’un court ballet extrait de l’opéra d’Amilcare Ponchielli, La Gioconda. L’action est à l’origine située dans le palais d’un noble vénitien, mais ici le ballet est dansé par des des hippopotames, des éléphants, des autruches et des crocodiles. Si ces bêtes essayent de rivaliser de grâce et de virtuosité, elles finissent naturellement dans un joyeux fracas. La Danse des heures vue par les studios Disney est un amusement que les réalisateurs ont traité avec légèreté, comme une blague. L’intégralité de la séquence est en fait une parodie sensible des prétentions du ballet classique. Pour la plupart des critiques, il s’agit de la séquence la plus drôle de Fantasia. Disney a eu fortement recours à l’anthropomorphisme pour attribuer aux animaux des caractères humains – on peut le ressentir par exemple lors de la danse de séduction entre le crocodile et l’hippopotame.
Une nuit sur le mont chauve / Ave Maria – La dernière séquence de Fantasia est un peu particulière, car elle présente deux parties si différentes dans leur construction et leur ton, qu’elles se mettent réciproquement en valeur. La première est basée sur la musique de Modeste Moussorgski et met en scène un sabbat se déroulant sur le sommet d’une montagne, près d’un petit village rural. La « cérémonie » est orchestrée par un démon apocalyptique du nom de Chernabog qui étend son ombre sur la ville. À noter que ces images de la séquence sont clairement inspirés du Faust de Murnau (1926). La deuxième partie utilise, elle, le célèbre Ave Maria de Schubert. Elle illustre une lointaine procession aux flambeaux pénétrant dans une forêt-cathédrale, dans la sérénité et loin des maléfices de la Nuit de Walpurgis – une fête néo-païenne médiévale très répandue en Europe de l’Est, représentée dans la séquence.
Les dessins de la deuxième partie s’inspirent particulièrement de l’art romantique. Pour beaucoup, la réussite de cette double séquence est portée par l’image de Chernabog, dont l’animation seule lui accorde la qualité de chef-d’œuvre. Ce personnage amène à une « portraitisation » du démon, un fait encore très rare pour l’époque – bien que Murnau l’ait déjà fait auparavant. La séquence mêle des évocations érotiques – les danseuses de feu nues par exemple –, des idolâtries démoniaques et des revenants avec des symboles chrétiens : un parfait contraste entre le démoniaque et le sacré.
Après cette expérience, les studios Disney retournent à des long-métrages de fiction avec deux productions centrées sur des animaux. La première, Dumbo, sorti en 1941, avait pour but de compenser les faibles recettes de Pinocchio et Fantasia. L’histoire de Dumbo pourrait s’apparenter à une version modernisée du Vilain Petit Canard avec un pachyderme. Dans un cirque installé en Floride, toutes les mamans reçoivent leur bébé d’une cigogne postière. Madame Jumbo, une éléphante reçoit un petit aux oreilles surdimensionnées qui deviendra la risée du cirque et se verra affublé du surnom de Dumbo. Il découvrira plus tard que ses ailes lui permettent de voler.
Le film est traité dans un style relativement cartoonesque, avec des dessins et des couleurs beaucoup plus simples que ceux utilisés dans les premiers long-métrages. Dumbo est avant tout une œuvre sur l’amour maternelle, matérialisée par la relation entre l’éléphanteau et sa mère. Plusieurs séquences illustrent des marques d’amour, d’affection et de protection entre les deux personnages, notamment lorsque Dumbo rend visite à sa mère emprisonnée : ils ne se voient pas et peuvent seulement se toucher avec leur trompes, mais toute l’émotion est là. Dumbo délivre également un message religieux et universel : chaque bébé est (ou devrait être) attendu, désiré et aimé par sa mère. L’allégorie de la cigogne apportant les bébés dans des balluchons renforce l’aspect poétique du film. Dumbo est également célèbre pour la séquence psychédélique qui accompagne la chanson Pink Elephants on Parade. Après avoir ingéré une certaine quantité d’alcool, Dumbo et son acolyte Timothy la souris, sont victimes d’hallucinations. Cette scène, totalement surréaliste, balaye les codes d’une mise en scène usuelle – les éléphants marchent sur les bords de l’écran et se métamorphosent constamment. La musique d’Oliver Wallace et Frank Churchill est l’un des points forts du film et fut récompensée par un Oscar. Dumbo est un film plein d’innocence, de tendresse et d’optimisme.
Le second film dont l’intrigue se focalise sur un animal est Bambi, sorti en 1942. C’est un film complètement différent de son prédécesseur et ancré dans une authentique volonté de réalisme. La nature et les animaux sont représentés avec un souci méticuleux du détail, faisant de Bambi une œuvre quasi-naturaliste – on peut aisément reconnaître la représentation des grandes forêts américaines avec notamment la présence sapins géants. Le style graphique du film recourt à des techniques de pointe, avec par exemple l’utilisation d’une caméra multiplane pour créer un long travelling d’ouverture dans la forêt.
Ce long-métrage est adapté du roman Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois de l’auteur autrichien Felix Salten. Il suit la naissance, l’enfance et l’entrée dans l’âge adulte d’un jeune faon qui grandit au fil des saisons. Le film est particulièrement connu pour une des séquences les plus pénible du Cinéma, la mort de la mère de Bambi, tuée par des chasseurs. Ces derniers incarnent les méchants du film mais ils n’apparaissent jamais à l’écran, faisant ainsi de Bambi l’un des rares long-métrage des studios Disney sans humains – ce sera le également le cas avec Le Roi Lion, qui lui ne fait même pas allusion aux humains, contrairement à Bambi. Le film présente un excellent exemple de court thème musical associé à un méchant ou à un ennemi, qui laisse de ce fait, deviner sa présence. Ce thème est composée de trois notes reconnaissables et annonce la proximité des chasseurs. Cette technique sera reprise par Steven Spielberg en 1975 dans Les Dents de la mer pour illustrer l’arrivée du requin qu’on ne voit pas avant la moitié du film. Dans Bambi, l’autre principal antagoniste est le feu qui instaure une atmosphère terrifiante, évoquant ainsi la force destructrice des catastrophes naturelles.
Dans le film, le traitement de la couleur est très particulier, dans la mesure où il alterne entre des teintes tantôt froides comme la plupart des plans de la forêt, et tantôt chaudes comme l’envolée de feuilles mortes à l’arrivée de l’hiver. Une scène bien précise démontre l’attention portée aux détails et la modernité des techniques d’animation du studio, celle illustrant la chanson Little April Shower : un moment de poésie rythmé par la rencontre de la pluie et de l’écosystème forrestier. Bambi est avant tout un film sur l’amour, comme cela est précisé dans la chanson d’introduction Love Is a Song, et sur l’amitié, illustrée elle par le trio Bambi, Thumper le lapin, et Flower la moufette. Il est également un hymne à la nature et une exaltation du cycle de la vie. En témoignent les scènes d’ouverture et de clôture qui se focalisent sur des naissances.
De 1942 à 1950, les studios Disney traversent une période financièrement difficile et peu prolifique, marquée par la Seconde Guerre mondiale et une grève des employés. Toutes les productions sont uniquement des compilations de court-métrages, artistiquement moins glorieuses que les films du « premier âge d’or ». En 1950, la sortie de Cendrillon sonne le glas de cette période médiocre et inaugure une nouvelle ère fastueuse pour les studios Disney qui fera l’objet de notre prochain article.