Ce dimanche, le leader indépendantiste catalan a été arrêté par la police allemande à sa frontière avec le Danemark. Puigdemont rentrait sur sa terre d’exil, la Belgique, après un séjour en Finlande. La question est désormais de savoir si les Allemands livreront à l’Espagne celui qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt européen. Mais que lui reproche-t-on exactement ?
Des milliers de personnes ne sont réunies hier à Barcelone. À l’annonce de l’arrestation de l’ancien président de la Généralité de Catalogne, la population indépendantiste est spontanément descendue dans les rues. Cette nouvelle est peut-être l’étincelle qui rallumera le volcan, des affrontements ayant eu lieu hier avec les forces de l’ordre. Mais pourquoi l’arrestation de l’ancien président catalan en Allemagne suscite autant de secousses de l’autre côté des Pyrénées ?
Carlos Puigdemont, c’est la déclaration d’indépendance de la Catalogne
Ce feuilleton a à peine 5 mois d’existence. Le 27 octobre dernier, Carles Puigdemont auto-proclame fièrement la Catalogne comme une république indépendante. Ce n’est pas un coup d’État au sens premier du terme. En effet, le débat, puis le vote, mené au parlement de Barcelone accouche d’un vote favorable : 135 votes à 70.
Madrid ne laisse pas les choses trainer. Mariano Rajoy met la région sous tutelle, et destitue le gouvernement catalan, puis le Parlement. Des élections régionales sont organisées pour le 21 décembre. Deux jours plus tard, les Catalans qui ne veulent pas de l’indépendance défilent dans les rues en s’égosillant sur le slogan « Puigdemont en prison ».
Comment ce feuilleton judiciaire a-t-il pris forme ?
Devant la montée des tensions en Espagne, et craignant pour sa liberté physique, Carles Puigdemont fuit secrètement la Catalogne. Il se réfugie en Belgique, à Bruxelles, qu’il rejoint avec 4 membres de son gouvernement destitué. Du plat pays, il assure ne pas demander « l’asile politique ». Deux jours plus tard, pourtant, les ministres restés sur place sont emprisonnés pour « rébellion et sédition », et l’Espagne lance des mandats d’arrêt pour les fuyards. Devant le risque d’incarcération, Puigdemont lance la campagne régionale depuis la province flamande.`
Le gouvernement indépendantiste est réélu malgré la détention et l’exil de ses membres. Mariano Rajoy les attend pour la première session du parlement, le 17 janvier. Le lendemain, Puigdemont exige dès lors une négociation politique et la restauration par Madrid de son gouvernement : échec.
Le 5 janvier, la Cour Suprême annonce son refus de libérer son bras droit Oriol Jonqueras. Rajoy affirme que la tutelle ne sera pas levée tant que Puigdemont tentera de la gouverner de Bruxelles, « les fonctions doivent être prises physiquement » déclare-t-il.
Le jeu du chat et de la souris
Le 17 janvier, c’est finalement l’indépendantiste Roger Torrent qui est élu à la tête du parlement de la Catalogne. Il propose alors le nom de Carles Puigdemont à la tête de la région. Malgré la volonté de ce dernier à rentrer gouverner sa région en Espagne, il craint fortement d’être arrêté. Le pouvoir central espagnol n’attend que cela pour l’attraper, il met en place un rideau de fer pour empêcher un retour « secret ». Les services de police ibériques sont prêts à tout pour le coincer : « ULM, hélicoptère », ils iront même le chercher « dans le coffre d’une voiture ». Devant le risque, le leader bientôt réélu, ne prend pas le pari d’un retour. 3 jours avant son investiture, Madrid suspend l’élection sous prétexte d’illégalité.
Roger Torrent ajourne la séance et saisit la CEDH pour contrer le pouvoir de la Cour Constitutionnelle. Puigdemont renonce à la présidence le 1er février. Il est mis en examen pour rébellion le 23 mars, comme 24 autres personnes, puis est arrêté deux jours plus tard, en Allemagne.
Et maintenant, que va-t-il faire ?
Aujourd’hui, l’Allemagne se divise sur le sort du « premier prisonnier du pays ». La ministre de la Justice allemande, Katarina Barley, s’est exprimée hier en fin d’après-midi : « Les premiers temps de l’affaire sont purement judiciaires. Vous comprendrez donc que je n’intervienne pas politiquement dans une procédure qui ne relève que du droit. Et que je ne fasse pas de déclarations précipitées ».
De la langue de bois, car cette arrestation soulève un énorme problème politique. Si Angela Merkel a défini la cause de Puigdemont comme « ni légale, ni légitime », l‘Allemagne va-t-elle le droit d’agir de manière différente que la Belgique ? Elle qui n’a jamais rien intenté contre le politique catalan. Va-t-il être extradé en Espagne ? Certainement. Si pour l’instant l’arrestation n’a pour but que de vérifier son identité, le juge a jusqu’à demain pour le poursuivre sur le fond. Et dans la mesure où se sont les services secrets espagnols qui ont délivré à la police allemande les détails permettant son interception, nul doute que Carles Puidgemont retrouve le soleil de sa bien-aimée Catalogne. Mais comme les stores vénitiens, la lumière de son indépendance devrait être définitivement découpée par les barreaux d’une prison d’État.