La crise liée à la pandémie de coronavirus a touché de plein fouet les États-Unis, mettant en évidence les inégalités croissantes et en cause le système de santé américain. Une situation économique et sanitaire problématique qui pose question.
DU CHÔMAGE ET DES MORTS
C’est une image qui a fait le tour du monde. Celle de plusieurs dizaines de sans-abris américains, en pleine crise du coronavirus, répartis sur un parking quadrillé à Las Vegas (distanciation sociale oblige) suite à la fermeture de leurs foyers d’accueil par les autorités locales. Loin des lumières et des casinos, le spectacle est dramatique. Les faits remontent à la fin du mois de mars, mais reflètent toujours la situation précaire de millions d’américains face à la crise liée au COVID-19. L’ « effet coronavirus » a été dévastateur outre-Atlantique pour les minorités et les classes modestes. Mal préparé et inégalitaire, le système sociale américain en a subi les conséquences.
Les chiffres sont éloquents. Durant la pandémie, c’est environ 1 travailleur sur 10 qui a perdu son emploi. Une politique ultra-libérale qui a engendrée une vague de licenciements et de disparitions d’entreprises. Alors qu’en France comme ailleurs, le chômage partiel et les aides étatiques limitent le séisme économique, les classes modestes américaines sont frappées de plein fouet. Le plan de relance du président américain Donald Trump, à hauteur de 2 000 milliards de dollars, sera une aide précieuse mais non disponible immédiatement. Pour l’heure, ce sont des millions d’américains, dont une grande partie issue des minorités, qui vivent dans la précarité.
Mais la crise du coronavirus n’impacte pas seulement l’économie des plus modestes. Elle affecte aussi leur santé, mettant en exergue les inégalités dans le pays. Une fois de plus, les chiffres sont sans appel : dans l’État de l’Illinois, 42% des morts du coronavirus sont des Noirs, ces derniers représentant seulement 14% de la population. Dans la ville de Chicago, les Afro-Américains, qui comptent pour 1/3 de la population, constituent 72% des décès. La conséquence directe d’un système de santé particulièrement inégalitaire : près de 27 millions d’américains sont sans assurance santé, dont une grande partie issue de minorités (soit presque 10% de la population). Des personnes qui tombent dans les « catégories à risque » en cas de pandémie. Les États-Unis subissent les dramatiques conséquences d’une politique discriminatoire systématique. Et ce sont les minorités raciales, en particulier, qui payent au prix fort le système américain. Les minorités américaines ont payées de leurs vies un système de santé inégalitaire, pourtant soutenu par la majeure partie des figures politiques, y compris le futur chef de file du Parti démocrate à la présidentielle de 2020, Joe Biden, qui juge l’existence d’une couverture de santé universelle « irréalisable ».
UN PAS EN AVANT, DEUX PAS EN ARRIÈRE
Barack Obama, président des États-Unis de 2009 à 2017, avait pourtant posé la première pierre d’une refonte en profondeur du système de santé américain, profondément inégal et constitué de couvertures de santé privées. Avec l’Obamacare, surnom attribué à l’ « Affordable Care Act », une loi promulguée en 2010 par Obama et appliquée dès 2014, les inégalités face à la maladie ont chuté. Contraignant tous les citoyens à souscrire une assurance santé auprès d’un assureur privé (logique américaine), faisant ainsi en sorte que l’Etat fournisse des aides fiscales à ceux qui n’ont pas les moyens de financer cette couverture, l’Obamacare a permis au plus grand nombre de bénéficier d’une couverture santé, couvrant une vingtaine de millions d’américains non couverts auparavant. Une petite révolution au sein du système de santé outre-atlantique.
L’Obamacare restera dans l’histoire comme une vaine tentative de changer l’ordre établi
Mais depuis son élaboration jusqu’à son démantèlement partiel, par Donald Trump, l’Obamacare a été la proie d’une farouche opposition des Républicains, opposés à une réforme « trop coûteuse » et ennemis d’une logique de redistribution dans laquelle les personnes en bonne santé doivent compenser les coûts des malades. Aujourd’hui rendue inefficace dans la pratique par le président Trump, l’Obamacare a disparu au pire moment. Alors que les États-Unis sont affaiblis par la crise liée au coronavirus, cette réforme aurait pu contribuer à un amoindrissement des inégalités persistantes dans le pays, dans un contexte sanitaire gravissime. C’est tout l’inverse qui s’est produit, et l’Obamacare restera dans l’histoire comme une vaine tentative de changer l’ordre établi. Qui demeure, inlassablement, propice à l’accroissement des inégalités.
La crise du coronavirus a mis en évidence les limites d’un système américain individualiste, inadapté et à bout de souffle. Reflet d’une mentalité américaine ultra-libérale et fruit des efforts des Républicains pour mettre fin à l’Obamacare, le système social américain n’a pas su protéger les plus démunis. Ni d’un point de vue économique, ni d’un point de vue sanitaire. Les inégalités continuent de se creuser, au prix de conséquences toujours plus dramatiques. Jusqu’à quand ?