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Corse : vers une nouvelle « Catalogne française » ?

C’est inédit dans l’histoire de la Corse. Les 3 et 10 décembre, ses habitants voteront pour élire leur collectivité unique, fruit d’une fusion entre les deux départements et l’actuelle région. Une collectivité aux pouvoirs étendus, pour laquelle les nationalistes sont favoris pour l’emporter. Avec, sur le long-terme, la question de l’indépendance en ligne de mire.

Une campagne atone, aux enjeux cruciaux

Rarement une élection locale n’aura été l’objet d’un tel enjeu. Avec la fusion des départements et de la région actuelle, la collectivité unique aura des compétences élargies en matières de subventions, de finances, d’aide à l’investissement ou encore d’emploi public, puisque la nouvelle entité emploiera près de 5 000 agents sur les 320 000 habitants de l’île.

Pourtant, lassés après une année politique intense, les électeurs semblent manquer d’enthousiasme. Même le nombre de listes présentées est en forte baisse : 7, contre 12 en 2015. La droite part divisée, avec deux listes distinctes. Le Front National, la République en Marche, et la France Insoumise sont présents, tandis que, première historique, la gauche dite de gouvernement n’a pas réussi à présenter sa propre liste.

Toutes ces divisions, risquent de profiter à un acteur : les nationalistes. Unis sous le slogan « Pè a corsica » (Pour la Corse), la liste rassemble des autonomistes, en faveur d’une autonomie juridique beaucoup plus forte de la Corse, et des indépendantistes, qui souhaitent l’indépendance de l’Ile de Beauté. Signe de l’attrait électoral de la question de l’autonomie, une deuxième offre indépendantiste, beaucoup plus radicale et plus isolée, est également présente. 

Une percée nationaliste constante

C’est une constante depuis une dizaine d’années. De tous les scrutins, les nationalistes ont fortement progressé, jusqu’à s’imposer comme la force politique principale de l’Ile-de-Beauté. En 2015, coup de tonnerre : ils arrivent à s’emparer de la région Corse, jusqu’alors constamment dirigée par la gauche ou la droite.

Les raisons de cette percée électorale sont nombreuses :

  • Le renouvellement politique. Sur le même créneau que LaREM, les nationalistes ont balayé les vieilles familles politiques (Giacobbi, Zuccarelli, Rocca Serra) qui régnaient sans partage, de père en fils, sur tous les échelons politiques l’Ile-de-Beauté. Cette lutte contre le « clanisme » est une constante dans le discours des indépendantistes.
  • Un discours populaire. Dans une île marquée par une forte croissance économique mais d’importantes inégalités, le discours indépendantiste s’appuie sur des propositions populaires comme la protection du littoral via l’arrêt du « bétonnage » intensif ou encore la préférence de « l’insulaire » pour l’emploi. D’autres propositions, comme la reconnaissance de la langue Corse, au même niveau que la langue française, sont elles aussi plébiscitées.
  • Une légitimité politique. Si le nationalisme corse s’est surtout fait connaître pour ses faits d’armes via le FLNC, l’arrêt de la lutte armée depuis 2014 a crédibilisé les revendications du mouvement. Depuis, les indépendantistes ont fait preuve de leur capacité à gérer sans accros, via des candidatures d’union, la Région ou encore la ville de Bastia. Mais les nationalistes sont approuvés au-delà de leur camp. Lors des élections législatives, 3 des 4 députés de l’île ont été élus sous l’étiquette indépendantiste, notamment grâce aux reports de voix des électeurs de droite et d’En Marche.

 

Une Corse indépendante en ligne de mire?

Une victoire électorale de Pè a Corsica serait un véritable plébiscite, seulement deux ans après la victoire aux élections régionales de 2015. Plébiscite sur lequel Gilles Simeoni, leader du camp nationaliste, essayera de s’appuyer.

Dans son programme en dix points, la liste sortante promet une « autonomie de plein droit et de plein exercice, avec pouvoir législatif, réglementaire, et fiscal ». Le diable se cache dans les détails. Et en cas de victoire nationaliste, l’enjeu principal, les prérogatives de la nouvelle collectivité, sera âprement discuté. Car pour avoir d’avoir davantage d’autonomie, la coalition indépendantiste exigera probablement que les recettes des impôts prélevés restent en Corse.

Une autre revendication pourrait également émerger : la tenue, courant 2028, d’un référendum d’indépendance sur le statut de l’île. Encore controversée, cette option pose la question de la dépendance économique au continent. Et l’idée d’un référendum divise même la coalition nationaliste sortante.

Pour l’heure, la situation en Corse est donc bien éloignée d’un scénario à la catalane, et officiellement la question de l’autodétermination n’est pas à l’ordre du jour. Pourtant, l’élection territoriale aura une portée considérable. En cas de victoire, plus l’adhésion à Pè a Corsica sera large, et plus les pourparlers avec Paris seront âpres. Car c’est bien d’autonomie qu’il sera question dimanche.

À lire aussi : Corse : polémique sur une charte qui intègre la préférence régionale à l’emploi

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