Un récent article publié par Slate.fr revenait sur la question du « décalage » qui existe entre les grandes écoles françaises et les établissements supérieurs anglo-saxons. « La culture managériale » de ces derniers serait la clé de la réussite des jeunes diplômés. Mais rien n’est parfait non plus de l’autre côté de l’Atlantique.
En cette rentrée 2014, nombre de professeurs et observateurs de l’enseignement s’accordent sur la nécessité de promouvoir « un changement d’état d’esprit« dans nos grandes écoles, comme l’indique Monique Valcour, professeur de management à l’EDHEC Business School, dans une tribune du Financial Times.
Des écoles supérieures balisées
L’esprit d’innovation et le goût du risque sont des qualités professionnelles essentielles. Dans un article consacré au parcours atypique d’une jeune ex-enseignante de l’Éducation Nationale, désabusée par l’École « à la française », Le Monde.fr revenait cette semaine sur le besoin de redonner une place à l’audace dès le plus jeune âge. En réalité, la capacité d’adaptation des programmes à ces qualités humaines est mince. Selon certains observateurs, cette recherche serait même à l’antithèse de notre modèle culturel.
En France, l’admission dans ces cursus d’excellence est un parcours du combattant. Elle est conditionnée à une préparation accrue en vue des concours d’entrée toujours plus sélectifs. Les étudiants, une fois intégrés à ces établissements d’excellence, ne manquent pas de se désintéresser des programmes souvent perçus comme timides au regard de la pression en amont.
À la sortie des écoles, ces managers fraîchement diplômés restent dans le club des « meilleurs ». Cette situation répétée accuse le rétrécissement du panel de la diversité au sommet de la hiérarchie des entreprises. On retrouve ce manque d’innovation et le sentiment de décalage entre les secteurs professionnels et les différents corps de métiers.
Un écho élitiste Outre-Atlantique ?
Si les observateurs identifient clairement l’élitisme économique au sein du système français de recrutement des jeunes diplômés, ils ne se réjouissent pas des conséquences de ce phénomène. Ils jugent nécessaire de mettre l’accent sur les « compétences interpersonnelles » qui sont, selon Monique Valcour, très présentes dans les pays anglo-saxons et « vu avec scepticisme en France. »
Il est venu le temps où, le quotient intellectuel ne suffit plus, comme poursuit l’auteur de l’article. Selon les propos de Ray Williams dans un article du Financial Post, « l’intelligence émotionnelle prédit désormais la réussite professionnelle » au-delà des compétences techniques voir même l’origine social des futurs cadres et employés.
Ce phénomène est-il réellement Franco-français ? Dans un second article, le site d’informations révèle que la situation Outre-Atlantique n’est pas forcément meilleure. Parmi le peloton d’excellence de la Yvy League : Yale, Harvard ou encore Stanford; des usines à produire des stars du business pour certains, ou encore « des petites merdes autosatisfaites » pour Wiliam Deresiewicz, cinglant, dans un article publié sur le site du The New Republic en Juillet 2014.
Un manque d’innovation mondialisé
D’autres arguments permettent d’alimenter la critique. Mais il reste que les méthodes de ces monstres américains célèbres aux quatre coins de la planète, ne font pas l’unanimité parmi les observateurs du monde enseignant. Certes, ces écoles fournissent un environnement de travail hors norme à leurs élites d’un point de vue pratique et technique. Il est possible d’être un as en droit des affaires internationales tout en poursuivant une carrière brillante dans les rangs d’une équipe de football médiatisée comme un grand club. Évidemment, les équipements ultra-modernes et la notoriété de ces campus font de leurs habitants des heureux sur le papier glacé.
Mais ces enfants de Jupiter sont-ils aussi des esprits novateurs ? Wiliam Deresiewicz répond et les qualifient d’élèves « anxieux, timides, perdus, ayant peu de curiosité intellectuelle et sans raison d’être ». C’est, poursuit l’écrivain, « parce qu’il y a une récompense sociale supérieure à savoir parler des livres » qu’ils leurs préfèrent les notes et résumés.
Méritocratie et Élitisme, même combat ?
D’un point de vue psychologique, les étudiants développeraient dans ces établissements une force mentale capable de faire face à l’échec mais également une « aversion pour le risque ». La « méritocratie » est le maître-mot de ces écoles mais pas selon les observateurs critiques. Les États-Unis sont d’ailleurs de plus en plus attaqués sur, ce que certains affirment être, le favoritisme des classes sociales les plus aisées. Le budget de beaucoup d’universités privées repose, en partie, sur les donations généreuses des anciens élèves. S’il on retrouve des points communs sur les deux continents, rappelons toutefois que le coût des grandes écoles américaines s’envole bien au-dessus de celui des nôtres.
Toujours dans The New Republic, Steven Pinker, psychologue américain, a répondu aux propos de Deresiewicz. Il a défendu la méritocratie, expliquant que des tests standardisés à l’entrée sont bien plus efficaces et novateurs que la subjectivité des entretiens personnels… Une réponse qui laisse de côté la question de l’élitisme bien réel selon les observateurs critiques.