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Le détournement de médicaments à base de codéine par les adolescents inquiète

De plus en plus d’adolescents utilisent la codéine trouvée dans les médicaments en libre service en pharmacie pour se droguer en la mélangeant à d’autres substances.

 

Le ministère de la Santé l’a annoncé hier : désormais, les médicaments contenant de la codéine ne seront accessibles qu’avec une ordonnance. Jusqu’à aujourd’hui, ils étaient en vente libre dans les pharmacies et sur Internet. Mais depuis que le ministère de la santé s’est aperçu du détournement de codéine par les jeunes, il en a décidé autrement, affirmant vouloir « mettre un terme à des pratiques addictives dangereuses et potentiellement mortelles ».

Ainsi, la codéine est de plus en plus utilisée par les adolescents. Ceux-ci la consomment dans le purple drank (ou codé-sprite), le « lean » ou encore le « sizzurp », des cocktails censés les « faire planner ». Elle est aussi parfois associée à un antihistaminique pour contrer les effets secondaires de la codéine (nausées, démangeaisons) ou à de l’alcool.

Le « purple drank »

La codéine peut être trouvée dans les sirops (Euphon, Néo-Codion) ou en comprimé (Codoliprane) et est un anti-douleur de la même famille que l’opium. Ses effets sont bien connus : le médicament est censé être décontractant, dessertissant, désinhibant et donne « une impression de légèreté, comme de voler, mais des fois des nausées et la tête qui tourne ».

 

Prise de conscience grâce à une pétition

Cependant, la codéine peut ensuite être diluée dans du soda et détournée pour se droguer. C’est ce qui inquiète le ministère et ce qui a motivé leur décision de ne rendre accessible son achat que sous présentation d’une ordonnance.

En effet, dépasser la dose de 30mg par comprimé peut être très dangereux et peut mener à une surconsommation de médicaments qui peut entraîner la mort par overdose. L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a relevé que : « Le nombre de cas graves est en augmentation depuis septembre 2015. Depuis janvier, cinq cas d’intoxication ont été répertoriés dont deux décès d’adolescents ».

La prise de conscience face aux dangers que la codéine représente s’était accélérée grâce à la pétition lancée par la mère d’une jeune fille de 16 ans décédée le 2 mai d’une overdose de médicaments à base de codéine. La pétition avait recueilli plus de 50 000 signatures et la mère de Pauline y demandait l’interdiction de cette « nouvelle drogue des ados ».

 

La codéine rendue populaire à partir de 2013 en France

De plus, les cas signalés sont de plus en plus nombreux depuis 2013. C’est ce qu’a constaté le médecin de santé publique Agnès Cadet-Taïrou : « On a pu constater sur le terrain l’extension du phénomène depuis 2013 ».

Des boîtes de codéine ont par exemple été trouvées dans les poubelles de camping sur la côte Aquitaine en 2015. Des détournements de la consommation de ce médicaments ont aussi été signalés depuis à Paris, Lyon, Marseille et Rennes. Les jeunes peuvent même s’échanger des recettes et des échanges de « bons plans » liés à cette drogue sur internet.

La codéine avait été popularisée par des rappeurs américains dans les années 1990 aux Etats-Unis. Ils vantaient la vertu du médicament dans leurs chansons et celui-ci est devenu à la mode en France grâce aux réseaux sociaux.

« Des demandes suspectes de délivrance de codéinés, des cas d’abus voire de dépendance chez des adolescents et jeunes adultes » ont été repérées « pour la première fois en 2013 ». Elles ont ensuite « continué de faire l’object de signalements avec une multiplication de cas à partir de 2015 » d’après une note de l’OFDT (l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies).

Les pharmaciens alertés

Agnès Cadet-Taïrou explique aussi que cette mode touche surtout « un public jeune et inséré, lycéens, étudiants, jeunes actifs », dans des soirées « entre potes ». Pour Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération addiction, « ce phénomène est d’autant plus déconcertant que ce sont des jeunes plutôt insérés, pas forcément en rupture, ce qui devrait nous interroger ».

Les pharmaciens ne sont pas dupes et certains refusent d’en vendre à des adolescents, parfois des mineurs de 14 ou 15 ans. Un pharmacien marseillais raconte par exemple : « l’un vient chercher un sirop contre la toux, l’autre arrive peu de temps après pour demander un antihistaminique, prétextant une allergie ». Les pharmacies ont donc toutes été averties sur « le risque de mésusage grâce au dispositif d’alerte du dossier pharmaceutique ».

Les consultations jeunes consommateurs (CJC) ont aussi alerté sur la consommation de ce médicament après avoir été confronté à des jeunes souffrant de problème d’addiction, qu’ils prennent en charge. Jean-Pierre Couteron, raconte ainsi qu’il a « deux ou trois cas par mois depuis un ou deux ans dans la CJC. Ce n’est pas une déferlante, mais ce n’est pas anecdotique. »

Effets secondaires méconnus par les jeunes

Les jeunes amateurs de cette drogue sont parfois inconscients des dangers que ce médicament peut présenter. Un d’entre eux assurent « c’est safe, on sait ce qu’on prend ». Le coût faible et la possibilité d’en acheter en pharmacie sans avoir à contacter des dealers attirent les jeunes, qui sont loin d’imaginer les effets secondaires possibles ou le risque d’overdose mortelle.

Pourtant, une altération du sommeil, des problèmes de transit, des démangeaisons sont souvent rapportés. Tandis que d’autres sont encore moins chanceux et finissent aux urgences à cause d’une overdose. De même, consommer trop de codéine avec du paracétamol peut être toxique et endommager le foie.

L’autre risque évident est celui de l’addiction à ces molécules. Si les effets sont positifs et que les jeunes les aiment, ils peuvent en devenir dépendant très vite.

L’arrêté, signé hier, devrait paraître aujourd’hui au Journal officiel et entrera en vigueur demain. La codéine ne pourra donc être achetée que sous présentation d’une ordonnance dès demain.

 

A lire aussi : La MDMA, drogue en vogue chez les jeunes européens.

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