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Doublage : est ce que l’IA est déjà « meilleure que les doubleurs de cinéma » ?

En plein Sommet sur l’intelligence artificielle à Paris, on se met à reparler du monde du doublage, largement menacé par les progrès de l’IA.

Une « intelligence artificielle déjà meilleure »

Le débat est ouvert sur la place qu’il faut faire à l’IA dans nos sociétés. Comme dans toute phase de progrès, cette évolution majeure génère des craintes dans bon nombre de secteurs professionnels.

Profitant du Sommet sur l’IA, l’émission « On refait le monde » a ouvert le débat ce lundi sur RTL et reçu notamment dans son émission Laurent Alexandre (chirurgien, essayiste et auteur de « ChatGPT va nous rendre immortels » (Jean-Claude Lattès)). Ce dernier n’a pas hésité à affirmer : « Il n’y a pas de place pour les doubleurs au cinéma car l’IA double mieux que les doubleurs en plus elle est capable de changer le mouvement des lèvres pour s’adapter à chaque changement linguistique ce qui est impossible avec des doubleurs humains« , provoquant par la même la colère de comédiens et de comédiennes faisant du doublage sur les réseaux sociaux à l’image d’Olivia Luccioni.
Durant l’émission, Gabrielle Halpern, docteur en philosophie, auteure de « Créer des ponts entre les mondes : une philosophe sur le terrain », lui a répondu évoquant le cas précis des traducteurs (ce qu’elle dit peut s’appliquer au doublage) : « On ne se contente pas de traduire des mots, on traduit un esprit, un imaginaire. Passer d’une langue à une autre c’est passer d’un monde à un autre« .

On comprend d’autant plus la colère provoquée par ces paroles que les comédiens et comédiennes pratiquant le doublage sont engagés depuis des mois dans un long combat pour éviter justement que leur métier ne disparaisse pas à travers le mot d’ordre « Touche pas ma VF » dont le leitmotiv est « Aidez-nous pour que la VF soit faite par des artistes, par des humains et jamais par des machines !« , un combat né non seulement des évolutions de l’IA mais aussi de la dernière grève à Hollywood en 2023 qui a laissé un vide dans le domaine de la voix et met sérieusement en danger tout un métier qui fait la fierté de notre pays.

Des artistes en danger et pas des doubleurs

On sait que dans le milieu même du doublage, l’emploi du mot « doubleur » ne dérange pas tous les comédiens et toutes les comédiennes de la même manière, certains s’en accommodant très bien. Mais il cache une réalité primordiale à comprendre (et vitale pour défendre ce métier).

Ils ne sont pas « doubleurs » ce qui reviendra à dire que leur métier consiste à simplement poser sa voix française sur une bande étrangère. Ce sont des comédiens qui s’illustrent dans le doublage, de manière plus ou moins prononcée. De la même manière qu’un traducteur ne se contente pas seulement de traduire des mots mais fait passer un texte d’un pays à un autre, un comédien (comédienne) pratiquant le doublage met toute son expérience, son travail, son émotion, son énergie, au service d’un personnage qui va hériter de sa voix française. Sans réinventer un personnage original, il va lui donner toute l’ampleur dont il a besoin pour réussir son passage d’une langue à l’autre. Si on considère que le doublage consiste seulement à poser une voix pour que l’on comprenne un texte qui n’est pas notre langue, ça revient à considérer que l’acteur qui se produit au théâtre ou joue au cinéma, ne fait que réciter un texte. Il interprète son rôle et c’est ce qu’il y a de commun avec le fait de se produire sur scène, devant une caméra ou derrière une barre de doublage. Quand on est comédien, on a plusieurs voie qui s’ouvre pour pratiquer, le doublage en est une.

A regarder aussi : 10 voix mythiques du doublage contre l’IA | Le Club #24 | VL Média

Ainsi, l’IA est sans doute parfaitement capable de poser une voix sur une autre, de faire l’affaire. Mais l’IA ne sera jamais capable d’interpréter un rôle avec l’intensité d’un comédien ou d’une comédienne, une intensité guidée aussi par ce qu’il ou elle traverse à l’instant où il / elle joue son rôle. L’IA n’est donc pas déjà meilleure, on l’a vu il y a peu avec le cas d’Alain Dorval. Et la question n’est sans doute pas de savoir si elle peut être meilleure, s’il faut attendre qu’elle le soit, mais plutôt de protéger un savoir-faire nécessaire et qui fait la fierté de notre pays.

D’hier à aujourd’hui, le doublage français a été magnifié par d’illustres voix, des comédiens et des comédiennes qui ont donné corps à des personnages passés à la postérité et qui sont dans notre mémoire collective. Pourquoi ces artistes, qui ont doublé des personnages iconiques allant de Joss Randall dans Au nom de la loi à JR dans Dallas ou Fiona dans Shrek ou encore Timon et Pumba dans Le roi lion, ne mériteraient pas qu’on les protège au même titre que le comédien ou la comédienne qui reprend un classique sur une scène de théâtre ?

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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