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Droit de vote interdit au moins de 18 ans

Il y a quelques jours, est revenue sur la table une question d’une haute importance … : faut-il octroyer le droit de vote aux jeunes âgés entre 16 et 18 ans ?

En effet, la Ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, va lancer dans le prochains mois un débat sur un statut de « pré-majorité ».

La Ministre souhaiterait accorder le droit de vote aux élections locales aux jeunes de plus de 16 ans mais le débat ne tournerait pas qu’autour de cela, il serait également dirigé vers une plus grande implication des jeunes dans la vie citoyenne.

« Au fond, la citoyenneté, c’est comme toute chose, ça s’apprend. Renforcer l’apprentissage de la citoyenneté, ça permet d’avoir des citoyens bien éclairés et qui vont être vraiment actifs », a déclaré la Ministre. « C’est beaucoup plus le constat qu’aujourd’hui, nous avons des jeunes et des adolescents qui peuvent commencer à travailler à 16 ans, dont la majorité sexuelle est à 15 ans, avec des droits dans certains cas, mais aussi des incapacités dans d’autres », a poursuivi Dominique Bertinotti.

Il est alors utile de s’interroger : est-ce nécessaire d’accorder le droit de vote aux élections locales aux jeunes de plus de 16 ans ?

Aux premiers abords, c’est une proposition intéressante, progressiste et dans la logique de la campagne présidentielle du Président Hollande qui a voulu faire de la jeunesse l’une de ses priorités.

De plus, un des principaux syndicats étudiants de gauche l’UNL (Union National des Lycéens) milite depuis plusieurs années en faveur du droit au vote à 16 ans pour toutes les élections arguant que les lycéens sont « spectateurs » d’élections qui les concernent.

Le syndicat s’appuie notamment sur l’investissement des lycéens dans les manifestations telles que le CPE en 2005 ou encore la réforme des retraites en 2010.

On peut, par exemple, prendre le cas de l’Autriche qui, en 2007, a abaissé le droit de vote à seize ans pour tous les scrutins, faisant ainsi des jeunes Autrichiens les plus jeunes électeurs de l’Union européenne.

Néanmoins, est-ce bien raisonnable ?

La plupart des jeunes entre 16 et 18 ans ne s’intéressent pas réellement à la politique. C’est un fait.

Les partis politiques manquent de jeunes vraiment investis et actifs et ils sont très minoritaires dans les associations.

Par exemple, en 2008, pour soutenir la réforme Darcos, l’UMP a voulu lancer une antenne lycéenne « UMP Lycée » qui s’est révélée être un échec. Les jeunes n’étant pas assez sensibilisés ni intéressés.

Ensuite, les jeunes ne sont pas bien préparés au vote. Les cours d’ECJS (Éducation Civique, Juridique et Sociale) sont la plupart du temps dispensés par des professeurs d’Histoire-Géographie qui préfèrent utiliser ce temps de cours pour faire de l’Histoire-Géo afin de pouvoir terminer le programme. En soi, le programme d’ECJS est également très pauvre et peu attrayant pour les lycéens : peu de débats d’idées, peu de liberté d’expression, des élèves ayant l’impression de se faire imposer une morale ou une voie à suivre.

Si on s’intéresse de plus près à la vie lycéenne, il existe des Conseils de la vie lycéenne (CVL) qui ont été créés en 1998 afin de représenter les lycéens à l’échelle nationale. Théoriquement, les élus doivent rencontrer le Ministre de l’Éducation deux fois par an afin de lui soumettre des idées de réformes et des propositions.

Malheureusement, ces CVL n’existent pas dans les lycées privés, les élections ne sont pas toujours très respectées dans les académies et il n’y a aucune communication de la part du Ministère de l’Éducation Nationale sur la question.

On peut également se demander si les jeunes entre 16 et 18 ans sont assez matures pour voter.

Avoir une conscience politique ou une culture politique n’apparait pas du jour au lendemain.

Chez une population aussi hétérogène que celle-ci, tous ne peuvent être assez matures pour pouvoir voter en toute conscience et en toute connaissance de cause. Certains jeunes sont très matures pour leur âge alors que d’autres le sont moins. Ces derniers peuvent être facilement influencés car étant une population mineure et par conséquent fragile.

En outre, la proposition de Madame Bertinotti d’instaurer une « pré-majorité » n’est-elle pas tout simplement électoraliste à l’aube des municipales ?

La Ministre s’en défend « Mon propos n’est pas de savoir vers qui ils vont se mobiliser ; c’est de savoir comment on en fait des citoyens éclairés. »

Mais si on se réfère aux chiffres, les jeunes votent majoritairement à gauche.

Or, il n’aura échapper à personne que le gouvernement actuel est un gouvernement de gauche.

Entre désir de faire découvrir la démocratie plus tôt aux jeunes et électoralisme pur et simple, le citoyen (de plus de 18 ans cette fois) se fera une opinion.

Il est également intéressant de voir que les jeunes âgés de 16 à 25 ans ne souhaitent pas forcément ce droit de vote anticipé. Dans un sondage de l’Institut CSA publié dans le magazine Phosphore en 2006, les 16-25 ans y étaient opposés à 68 % et les 16-17 ans, principaux concernés, à 63 %.

Avant d’octroyer le droit de vote aux 16-17 ans, il faudrait davantage les encourager à s’investir en politique, dans des associations ou dans des syndicats, ou encore leur faciliter la tâche afin qu’ils créent leurs propres associations.

On pourrait aussi, par exemple, prendre en compte les activités associatives, politiques ou périscolaires au baccalauréat, activités très valorisées dans les pays scandinaves ou aux États-Unis.

Le Ministère de l’Éducation pourrait également réformer les cours d’ECJS au lycée les faisant davantage ressembler à des cours de politique où les élèves débattraient en petits groupes, prendraient la parole, regarderaient des films etc. Cela participerait à l’apprentissage réel de la démocratie et de l’élection.

Il serait également envisageable de créer de véritables « parlements lycéens » qui seraient écoutés et entendus avec des campagnes électorales, des propositions concrètes. Ce qui contribuerait à une prise de conscience des lycéens de ce qui signifie l’élection.

Il ne faut pas avoir peur de donner la parole aux lycéens !

François Dubet, professeur de sociologie à l’Université de Bordeaux II et directeur d’études à l’EHESS, spécialiste des questions d’Éducation met en exergue la peur de l’Éducation Nationale à donner la parole aux lycéens :

« Pour la plupart des adultes de la communauté scolaire, l’école devrait se contenter de promouvoir les principes de la République à travers l’affirmation de valeurs. La participation des élèves est perçue comme une cause de désordre et un danger qui menace l’autorité des enseignants. »

 Au contraire, à une période où à chaque nouveau quinquennat une nouvelle réforme du lycée apparaît, il serait peut-être opportun d’écouter les lycéens, leurs préoccupations, leurs peurs et leurs désirs afin de construire le lycée de demain !

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