Hier, le roi d’Espagne Juan Carlos transmettait le trône à son fils Felipe. Âgé de 76 ans, il mettait ainsi fin à trente-neuf années de règne pour raison de santé, mais également parce qu’il est, depuis plusieurs année, éclaboussé par de nombreux scandales. Alors que la démission est à la mode, et pas seulement chez les monarques, (la Reine Beatrix des Pays-Bas en avril 2013, le Pape Benoît XVI en mars 2013…), toutes les têtes couronnées vont-elles tomber ?
Selon l’historienne Kate Williams, s’il y en a une qui « mourra sur le trône », c’est bien The Queen Elisabeth II. Celle-là même qui avait qualifié sa fonction de reine de « job à vie ». Cinq ans avant son couronnement la jeune princesse avait d’ailleurs promis, lors d’une adresse radiodiffusée depuis la ville sud-africaine du Cap, de « servir toute sa vie durant, qu’elle soit longue ou courte ». Ce que confirme le constitutionnaliste Hugo Vickers, auteur d’une biographie de la reine mère : « La reine n’abdiquera jamais. Au pire, en cas de problèmes, elle peut décréter la régence ».
« God save the Queen »
Mais pourquoi la reine Elisabeth II est-elle indétrônable ? Tout d’abord parce que, contrairement à Juan Carlos, son image reste encore intacte. Et, bien que l’opinion publique lui a reproché quelques faits, comme sa froideur à la mort de la princesse Diana ou ses dépenses (en 2012-2013, la Couronne avait un déficit de 2,3 millions de livres), Elisabeth II demeure extrêmement populaire. Et pas qu’outre-Manche.
De plus, la monarchie semble contribuer à l’unité du pays, en témoigne la liesse générale qu’avait suscité la naissance du Royal Baby, George. Et, comme le souligne Stephen Bates, fin connaisseur de la monarchie britannique et dont l’ouvrage Royalty Inc sortira l’année prochaine, « La reine est dans l’ADN du Royaume-Uni ». Si son hymne national est d’ailleurs intitulé « God save the Queen », ce n’est pas par hasard. Et puis, si la reine abdique, c’est toute l’économie des tasses à thés à son effigie qui s’effondre. So shocking !
Les Windsor ne sont pas les Bourbons
Qui plus est, le Royaume-Uni a déjà fait l’expérience de l’abdication quand, en 1936, l’oncle d’Elisabeth II, Edouard VIII, a renoncé au trône pour l’amour de Wallis Simpson, une américaine divorcée. Un séisme monarchique récent –plus récent qu’en Espagne, où le dernier abandon de souveraineté remonte à celui de Charles Quint, en 1555– qui fait que, depuis, « l’abdication est tabou chez les Windsors », comme l’assure Hugo Vickers.
« La Reine estime qu’il en va de son devoir de continuer aussi longtemps qu’elle le peut. Et je pense que si elle était dans l’incapacité de mener à bien son rôle, physiquement ou mentalement, elle adopterait le « share-job » avec son fils le Prince Charles », analyse Stephen Bates. « Mais si elle tient de sa mère, qui a vécu jusqu’à 101 ans, on peut s’attendre à avoir le premier monarque centenaire… », poursuit-il. Elle destituerait alors son arrière-arrière grand-mère, la Reine Victoria, de son titre de plus long règne (soit soixante-trois ans).
Alors, bien que depuis quelques temps la reine Elisabeth II, moins ingambe qu’autrefois, se fait régulièrement représenter par les princes Charles et William, elle n’est donc pas prête à prendre sa retraite. Déposer spectre et couronne aux pieds de ses sujets, comme Juan Carlos : non merci ! A 88 ans, celle qui a fêté son jubilé de diamant en 2012, ne compte pas suivre l’exemple de son pair ibérique. Elle sera même en Normandie ce week-end pour la commémoration du Débarquement. Les voyages forment la jeunesse dit-on. Une longue vie sur le trône, c’est donc tout ce qu’on lui souhaite.