Dans la nuit de vendredi à samedi 16 juillet 2016, une partie de l’armée turque a tenté de renverser le pouvoir en place incarné par le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdoğan. Mais l’appel à la population de ce dernier a fait échoué ce putsch militaire. A l’heure de la victoire, Erdoğan cherche à « purger » l’Etat de ces éléments opposés au régime en allant même jusqu’à réclamer qu’on lui livre son rival, accusé d’avoir fomenté le coup depuis les Etats-Unis.
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Après la tentative de coup d’Etat qui a fait plus de 290 morts et près de 1400 blessés, l’exécutif a repris le contrôle du pays, et le président Erdoğan a déclaré qu’il « éliminer[ait] le virus de toutes les institutions étatiques ».
Erdoğan entend purger le régime
Ce sont quelques 6000 personnes qui sont détenues en garde à vue en Turquie à l’heure de l’après coup d’Etat. Il s’agit avant tout de militaires putschistes qui se sont rendus après avoir échoué ; mais aussi de militaires qui n’étaient pas présent mais qui sont soupçonnés d’avoir des liens avec l’événement. Il y a aussi, plus surprenant, des magistrats parmi les détenus, et ils sont près de 2745 selon le ministère de la Justice à avoir été démis de leurs fonctions.
Le ministère de l’Intérieur vient de renvoyer plus de 8000 personnels de police dans ce que l’on appelle d’ors et déjà la « purge » en Turquie. Erdoğan a déclaré qu’il ferait payer « le prix fort » aux « traîtres », et parle de réhabiliter la peine capitale.
De l’autre côté, les Etats craignent que l’Etat de Droit ne soit pas respecté pour juger les responsables, et beaucoup d’hommes politiques tels que Jean-Marc Ayrault ou Angela Merkel en appellent au respect de principes démocratiques et des droits de l’Homme. Pour la Haute représentante de l’Union, la carte de l’Europe a même été jouée pour se faire entendre
Le traître Gülen et les Etats-Unis
Pour Erdoğan, le coup d’Etat a été fomenté par « des forces extérieures » à la Turquie. Les Etats-Unis ont été les premiers accusés dans cette histoire et John Kerry, le secrétaire d’Etat américain s’est senti obligé de se défendre en dénonçant ces accusations comme étant « fausses et compromettantes pour nos relations bilatérales ».
Le président turc accuse l’imam Fethullah Gülen d’être à l’origine de ce putsch. Gülen, ennemi juré d’Erdoğan, s’est exilé depuis 2013 en Pennsylvanie. Il est au centre d’un groupe religieux très influent nommé Hizmet, qui dispose de ses propres écoles, mosquées et institutions en Turquie, ce qui en fait presque selon les termes du président, un « Etat parallèle » puisque très opposé au régime d’Erdoğan.
Erdoğan avait qualifié le réseau de Gülen de « groupe terroriste » en mai dernier, et le premier ministre Binali Yildirim a déclaré « que tout pays qui le soutient n’est pas un allié […] et qu’il s’engage dans une guerre sérieuse avec la Turquie ». Le gouvernement a formellement demandé l’extradition du « traître Gülen » en clamant que la Turquie n’avait jamais refusé à Washington de lui livrer un terroriste.
Le ton se durcit entre les deux pays puisque les Etats-Unis n’extraderont Gülen que si de sérieuses preuves sont présentées par la Justice turque. L’espace aérien turc avait été fermé aux avions américain le temps de quelques jours. Sachant que la Turquie est un élément indispensable pour l’Occident dans sa lutte contre le terrorisme, Erdoğan pourrait faire pression sur la Maison Blanche. Fethullah Gülen a quant à lui déclaré qu’il se soumettrait à la décision américaine, et a surtout accusé le président turc d’avoir fomenté lui-même le putsch pour asseoir un peu plus son autoritarisme.
La débandade des soldats en Grèce
Samedi dans la journée, un hélicoptère Black Hawk de l’armée turque s’est posée à Alexandroupoli en Grèce. Les huit soldats à bord ont déclaré qu’ils devaient transporter des blessés et qu’ils ont fuit quand on a commencé à leur tirer dessus. Ils réclament maintenant l’asile politique car ils ont peur de subir une répression dans leur pays.
Le ministre des Affaires étrangères turc Mevlut Cavosoglu a demandé à la Grèce qu’on leur livre « les huit traîtres ». Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a déclaré qu’il respecterait la volonté du gouvernement turc. En attendant, les huit militaires sont jugé à Alexandroupoli pour être entré illégalement sur le territoire et pour avoir violé l’espace aérien grec. Ils ne sont pas considérés pas Athènes comme étant des putschistes, et l’hélicoptère a été rapatrié par l’armée.
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